vendredi 16 juin 2017

Rois de France, de Balzac : Les erreurs de Louis XVI face à la Révolution [III]

C'est en 1837 que Balzac publia Rois de France, un ouvrage concis fort intéressant, consacré aux six derniers « Louis » rois de France, de Louis XIII à Louis XVIII. Malheureusement peu réédité par la suite, cet ouvrage était devenu, de ce fait, indisponible, depuis 1950.
Notre confrère Péroncel-Hugoz a pris l'heureuse initiative de faire rééditer Rois de France, au Maroc, par les Editions Afrique Orient. Nos lecteurs peuvent d’ailleurs lire Péroncel-Hugoz ici-même, régulièrement, puisqu’il nous fait l’amitié de sa participation – très appréciée – à Lafautearousseau.
Nous donnerons quatre extraits de Rois de France - des « bonnes feuilles » - dans nos parutions du week-end.  
Extrait 2 : Les erreurs de Louis XVI face à la Révolution [intégralité du chapitre, pages 83 à 95]
Louis XVI, né à Versailles le 23 août 1754, troisième fils du dauphin, fils unique de Louis XV et de Marie-Josèphe de Saxe, était âgé seulement de vingt ans lorsqu'il succéda au roi Louis XV. Depuis quatre ans déjà, il avait épousé Marie-Antoinette d'Autriche, fille de l'impératrice Marie-Thérèse, alliance qu'il est inutile de qualifier d'impolitique. De grandes démonstrations de joie, qui allèrent jusqu'à l'indécence, accueillirent son avènement au trône. Le jeune prince n'y répondit que par un silence froid et digne ; mais il ne s'en crut pas moins obligé de céder à la voix publique et de bannir du gouvernement les hommes qui l'avaient occupé pendant les dernières années du règne précédent, et parmi lesquels il s'en trouvait que l'on eût dû conserver peut-être, la connaissance parfaite qu'ils possédaient de la situation délabrée des affaires les rendant seuls capables d'y appliquer les remèdes nécessaires. Ils furent remplacés par les hommes désignés par l'opinion populaire qui, dans les temps de corruption et de désorganisation sociale, ne devrait jamais faire loi. 


Quand une nation est en voie de prospérité et d'agrandissement, on peut faire droit à ses exigences, car elle ne demande que des choses utiles au but où elle tend ; mais lorsqu'elle aspire à une révolution et à sa ruine, lorsque le vertige s'est emparé d'elle, la sagesse ne peut conseiller de céder à tous ses caprices maladifs et pernicieux. Le roi Louis XVI était trop jeune pour savoir faire cette distinction, et le comte de Maurepas, sur les conseils duquel il se guidait, n'était rien moins que l'incarnation de la sagesse politique. On vit donc apparaître successivement aux affaires l'encyclopédiste Turgot, homme de chiffres et non de gouvernement ; le philosophe Malesherbes, en qui le mélange de sentiments monarchiques individuels et d'idées réformatrices prouve au moins quelque absence de logique ; le cardinal de Loménie, athée en chapeau rouge ; Saint-Germain, autre matérialiste nobiliaire, et enfin le banquier protestant Necker, véritable type de l'aristocratie d'argent. 
Ainsi, toutes les nuances du parti novateur eurent successivement des représentants au ministère. La monarchie était désormais à la discrétion de ses ennemis, qui n'eurent plus besoin de mettre dans leurs manœuvres un hypocrite ménagement. Les parlements furent rétablis sur leurs anciennes bases, sans que l'on prît aucune précaution contre leur esprit d'opposition, encore aiguisé par la vengeance et par le triomphe qu'ils obtenaient. On ne tarda pas à retrouver les membres de cette compagnie toujours prêts à favoriser les factieux et à compliquer les difficultés où la couronne était engagée. La première faute du gouvernement de Louis XVI, faute capitale, et d'où dérive directement la catastrophe qui le termina, fut de s'égarer dans une foule de réformes, ou, pour mieux dire, de changements partiels, avant d'avoir ressaisi l'autorité souveraine et rétabli la bonne administration du Royaume. On ne faisait par-là qu'encourager les prétentions des conspirateurs, sans s'être assuré les moyens de les réprimer. L'énergie n'était point d'ailleurs une qualité du caractère du roi Louis XVI. Tout concourait donc à exagérer l'audace des révolutionnaires, qui déjà succédaient aux philosophes, dont ils ne faisaient au reste qu'appliquer les doctrines. Poussés tour à tour par cette opinion publique dont Louis XVI s'était imposé de suivre toutes les phases, les ministres, qui apparaissaient sur la scène des affaires pour en descendre au bout de quelques mois, apportaient chacun leur petite réforme, suivant la direction de leur esprit ; mais tous encourageaient l'effervescence démocratique de la nation.
Tandis que l'on changeait le mode de perception des impôts, que la royauté renonçait aux lettres de cachet, arme qui eût été utile contre les chefs de faction; que l'on détruisait la Maison du roi, dont la loyauté faisait contraste avec l'esprit de beaucoup d'autres corps; tandis que l'on méditait la ruine du clergé français,  cet antique et magnifique monument, si monarchique et si national à la fois; tandis que l'on abolissait la torture, tombée depuis longtemps en désuétude, et qu'on s'amusait à rechercher les vestiges de corvées et de servitudes qui existaient encore, afin de les effacer, on laissait aux écrivains et aux parleurs liberté entière d'imprimer et de colporter les principes les plus immoraux et les plus subversifs. On les laissait préconiser le culte de la raison (nous répétons cette expression philosophique, sans vouloir l'expliquer), poser comme base de leur système politique l'égalité (nous ne faisons encore que répéter), et arriver à mettre les faits à la place du droit. La royauté en était venue à se déchirer elle-même les entrailles : on vit paraître une déclaration royale portant qu'une colonie, pour s'affranchir de tout tribut vis-à-vis de la métropole, n'avait besoin que de se déclarer indépendante. Cette déclaration fut proclamée à propos de la guerre de l'Amérique et de l'Angleterre. Dans cette guerre, la France, fidèle à son nouveau principe de guerroyer sans but, épuisa ses finances, et prodigua le sang de sa jeune noblesse pour s'acquérir la haine redoutable de l'Angleterre et l'amitié, assez équivoque et fort inutile, des Américains. 
L'honneur d'avoir combattu victorieusement ne pouvait d'ailleurs compenser le mal que devait causer en France l'importation des idées républicaines. Les jeunes seigneurs, compagnons de Washington, durent préconiser à leur retour ce qui était en quelque sorte l'âme de leur gloire. Le dogme de la souveraineté du peuple sortit naturellement de ces faits et de cette conduite. On ne doit plus s'étonner lorsqu'on voit une autre déclaration royale, provoquée par le cardinal de Loménie, appeler les gens de Lettres à proposer le meilleur mode pour la convocation des Etats généraux. On se plaçait ainsi dans le lit même du torrent. C'est encore le parlement qui poussa le gouvernement à convoquer les Etats généraux, mesure formidable, que l'on ne devait peut-être employer qu'à des époques de crise extérieure, et lorsqu'un intérêt commun et évident ralliait la nation autour du trône, mais non pas, certes, lorsque les institutions de la monarchie auraient eu besoin d'une protection dictatoriale. Le ministre des Finances, Calonne, avait au préalable assemblé les notables ; mais les factieux parvinrent, par leurs manœuvres, à neutraliser l'effet qu'eût pu produire cette assemblée, composée en grande partie de membres du clergé et de la noblesse, et il n'en résulta que la divulgation de la faiblesse du pouvoir et du désordre des affaires. 
Ce fut alors que les parlements, qui s'étaient jetés à la tête du parti réformateur, intriguèrent pour faire rassembler les Etats généraux, où ils espéraient dominer par la connaissance de la jurisprudence et l'habitude de la parole. Cette mesure était présentée comme le seul moyen de satisfaire la nation et de tirer la royauté des difficultés où elle se perdait. Elle fut adoptée, comme nous venons de le dire. La monarchie n'allait point à sa perte pas à pas, elle semblait n'y pouvoir arriver assez vite. En convoquant les Etats généraux suivant les formes anciennement usitées, on eût encore excité des troubles, mais en donnant aux Tiers Etat un nombre de représentants égal à celui des représentants du Clergé et de la Noblesse réunis on rendait un bouleversement général inévitable. Les princes du sang protestèrent en vain contre cette innovation. La première assemblée des Etats eut lieu le 5 mai 1789. Les députés du Tiers Etat, laissant bien en arrière toutes les prétentions des parlements, se constituèrent tout d'abord en assemblée nationale, et l’évolution commença. Le pouvoir ne sut prendre d'autre mesure contre cette déclaration plus que menaçante que de faire suspendre les séances et fermer la salle où elles se tenaient. Le Tiers Etat répondit à cette dérisoire répression par le serment du Jeu de paume. On ne peut comprendre que cette éclatante rébellion n'ait pas enfin dessillé les yeux du monarque ; qu'il n'ait pas vu à ce moment qu'il n'y avait plus d'accommodement possible, et qu'il ne se soit pas résolu à défendre ses droits à force ouverte. Son malheur fut de ne pas comprendre que le bonheur de la nation dépendait du maintien des institutions monarchiques, et de croire que le roi peut gouverner ses sujets sous leur propre tutelle.
Après une lutte de quelques jours, soutenue d'une part avec une modérisation déplorable et des concessions ruineuses, de l'autre avec une insolence sans bornes et des exigences impitoyables, l'Assemblée prétendue nationale resta maîtresse du terrain. Le Clergé et la Noblesse reçurent ordre de se réunir au Tiers Etat. Louis XVI déclara qu'il ne voulait pas qu'un seul homme pérît pour sa querelle. Et c'était le sort de dix générations peut-être qu'il compromettait par son aveugle faiblesse ! L'ancien mode de délibération par ordre fut rejeté bien loin : il n'y eut dans l'assemblée d'autre division que celle des partis, qui, partagés par des vues d'ambition et d'intérêt personnel, se réunissaient pour le renversement des anciennes institutions. Les faibles étaient entraînés, les bons étaient écrasés par la véhémence des factieux. La déclaration des Droits de l'Homme, rejetée dans les bureaux, fut adoptée par l'assemblée réunie. Tandis que l'anarchie régnait parmi les gouvernants, il était difficile que l'ordre se conservât parmi les masses. Tandis qu'on abolissait à l'Assemblée nationale la Constitution monarchique, il était difficile que le peuple conservât pour le monarque et pour les Grands le respect qui leur était dû. A la vue des périls matériels qui menaçaient la France, Louis XVI eut une dernière velléité d'énergie : le maréchal de Broglie, qui était à la tête de quarante mille hommes de bonnes troupes, fut mandé à Paris. La populace de Paris n'eut besoin, pour faire retirer cette mesure, que de se soulever, de s'emparer de la Bastille, de piller les arsenaux et de massacrer quelques citoyens fidèles. A partir de ce moment, Louis XVI se prépara au martyre, et ne songea sans doute plus à se montrer en roi. Il se prêta à tout ce qu'on exigea de lui, se mit complètement à la merci des constituants, se laissa mener en triomphe à Paris, dépouiller de ses gardes et décorer de la cocarde aux trois couleurs, signe de ralliement des factieux. Le président de l'Assemblée nationale lui adressa par forme de compliment ces paroles : « Henri IV, votre aïeul, avait conquis son peuple ; c'est le peuple aujourd'hui qui a conquis son roi ».
Peu de mois après, un soulèvement des Parisiens alla de nouveau l'arracher au palais de Versailles : il fut ramené à Paris avec toute sa famille et emprisonné dans le palais des Tuileries. Les circonstances les plus hideuses accompagnèrent cet enlèvement. L'Assemblée nationale, comme un essaim de vautours acharnés sur leur proie, se transporta à Paris à la suite du malheureux roi. Dès lors, on ne sait plus ce dont on doit le plus s'étonner, ou de la résignation du monarque, ou de la fureur de ses ennemis. Celui-là n'était jamais las de faire des concessions nouvelles, espérant dans son aveuglement épargner le sang de ses sujets, en sacrifiant les lois qui les protégeaient ; ceux-ci, cependant, retenus par des considérations extérieures et par une habitude de respect héréditaire, n'osaient encore abolir complètement la royauté, et s'en dédommageaient par le supplice continuel auquel ils avaient voué le roi. Le trône était en effet tout ce qu'il restait du Royaume de France. Les parlements, le Clergé, la Noblesse, la législation, l'armée, les finances, le système de la propriété, tout le reste était anéanti, et, par une dérision amère, on demandait au roi, pour tous les décrets, une approbation qu'il ne pouvait refuser.
Nous ne parlerons pas des divers ministères qui se succédèrent à cette époque aux affaires, et qui tous n'étaient que des reflets de l'Assemblée constituante. Ce terrible pouvoir émané de lui-même, et ne relevant de rien ni de personne, ne pouvait être de longue durée ; il éprouva la réaction du mouvement destructeur qu'il avait opéré en France ; il fut obligé de s'effacer et de faire place à une Assemblée législative qui devait rétablir un autre état de choses à la place de celui qu'on avait renversé, mais qui ne pouvait en réalité que continuer l'œuvre inachevée de la Révolution et sanctionner la souveraineté de l'anarchie. Des princes avaient depuis longtemps quitté la France ; ils avaient pris ce parti à la prière du roi lui-même : beaucoup de membres de la noblesse et des classes de la société qui s'y rattachaient avaient aussi émigré. Les partisans de la monarchie n'avaient de choix à faire qu'entre la fuite et le martyre. La résistance était impossible. Le roi la défendait absolument. Il s'y opposait de tout le pouvoir qui lui restait ; et lorsque l'autorité royale était ainsi méconnue et attaquée, il était difficile aux citoyens fidèles de refuser au roi leur obéissance, fût-ce même dans son propre intérêt. Ce fut alors que l'on put voir combien en nivelant la noblesse Richelieu et Louis XIV avaient affaibli la monarchie. Les grands seigneurs s'étaient appauvris et corrompus dans l'existence oisive et luxueuse de la cour. Au lieu de s'endurcir les bras et d'aguerrir leur esprit comme leurs pères, dans les périls, dans les révoltes et les conspirations quand la guerre manquait, ils se rapetissaient et s'amollissaient en des intrigues mesquines. Au lieu d'avoir des partisans et de marcher entourés de jeunes gentilshommes, ils portaient des broderies et des diamants, ils avaient des voitures et des laquais dorés. Si la France n'eût été composée que de nobles, c'eût été merveille ; mais derrière eux se trouvait le peuple, qui, dressant la tête par-dessus la noblesse à mesure qu'elle s'affaiblissait, devait tôt ou tard être saisi d'une de ces fureurs qu'il puise dans l'ignorance de son impuissance morale, et qui se résolvent par le massacre et la dévastation.
Quand la nouvelle jacquerie éclata, on n'avait plus pour l'arrêter à sa naissance ces escadrons de chevaliers puissants par leurs armes, plus puissants encore par l'esprit commun qui les animait. Beaucoup de seigneurs de la cour, de ceux-là même pour qui les Bourbons avaient le plus fait, abdiquèrent leur qualité et se confondirent dans les rangs des démagogues.
La noblesse de province, demeurée pour la plupart fidèle, ne trouva aucun grand nom pour lui servir de drapeau et de signal de réunion ; ce grand corps qui comptait dans son sein quatre-vingt mille familles, s'écroula sans opposer de résistance, faute de point d'appui. L'armée de Condé et de Quiberon appartiennent aux corps d'officiers de terre et de mer. L'héroïque protestation de la Vendée appartient à l'esprit religieux et au peuple. La noblesse n'existait plus comme corps politique ; ce fait, lentement accompli, s'était seulement révélé quand une commotion avait assailli l'Etat. Les gentilshommes ne se devaient plus, dès lors, de comptes qu'à eux-mêmes. Ceux qui ne désespéraient pas de l'avenir allaient dans l'exil attendre des jours meilleurs, gardant précieusement dans leur sein le souvenir d'une patrie qui ne devait offrir désormais qu'un tombeau aux plus heureux d'entre eux. Les autres, ceux qui pensèrent que tout était fini, et qui voulaient s'ensevelir sous les ruines de la monarchie, après avoir vu leurs châteaux réduits en cendres, montaient sur les échafauds, jetaient sur la foule un regard tranquille, dédaigneux et laissaient prendre leur tête au bourreau. C'était ainsi qu'ils mouraient ! L'assassinat ne les prenait pas plus au dépourvu qu'une exécution publique.
Quant à ceux qui se jetèrent dans le parti révolutionnaire, il nous est difficile de trouver dans ce fait une tradition des anciennes révoltes nobiliaires, des guerres de la Ligue ou de la Fronde, dans lesquelles la noblesse agissait collectivement et ne combattait l'autorité royale qu'à son profit, tandis qu'à l'époque de la Révolution de 1789, les Noailles, les La Rochefoucauld, les Montesquiou, les Lauzun, enfin tous les seigneurs qui se réunirent au Tiers-Etat, ayant renoncé à leurs titres et à leurs privilèges, n'étaient mus que par l'intérêt de la nation, sinon par des vues d'ambition personnelle. Ils furent au moins coupables d'impéritie. Le moment arriva où les assassins organisés qui campaient dans Paris, dignes satellites de ceux qui gouvernaient la France, se sentirent assez aguerris au crime pour attenter à la personne du roi. Quand on voit vingt-mille hommes armés envahir les Tuileries dans un but meurtrier, briser les portes avec la hache, traîner des canons dans les appartements, et s'arrêter devant la majesté royale, toute dépouillée qu'elle leur apparaisse, on peut conclure de là que le respect, l'autorité et le nom du roi s'étaient progressivement acquis en France, et quels longs souvenirs de bienfaits et de gloire s'y rattachaient.
C'est le 20 juin 1792 qu'eut lieu cette attaque, organisée par ceux qui disposaient du pouvoir, et qui, ayant manqué son but, demeura impunie. Deux mois ne s'étaient pas écoulés qu'un nouveau soulèvement plus formidable encore se rua sur le palais des Tuileries. Un combat s'engagea entre les hordes des factieux et quelques bataillons de la garde nationale et des gardes suisses, que conduisaient des serviteurs fidèles. Le succès dans cette circonstance ne pouvait sans doute réparer tous les maux causés par la faiblesse du prince : mais il était de son devoir de s'attacher à la moindre chance de salut. Alors, comme auparavant, Louis XVI ne jugea point ainsi. La clémence absorbait en lui toutes les facultés royales. Il alla lui-même rassurer les députés qui tremblaient sur leurs bancs en entendant les coups de fusil retentir et qui craignaient que les soldats, vainqueurs des sicaires, ne voulussent aussi en finir avec les chefs. Le roi envoya l'ordre à ses défenseurs de cesser le combat. L'Assemblée reconnut cet acte de bonté en prononçant trois jours après la déchéance du monarque, qui fut conduit avec sa famille à la prison du Temple.
C'en était assez pour l'Assemblée législative, qui céda la place à la Convention. La Constituante avait dépouillé la royauté du cortège d'institutions qui la soutenaient : la Législative l'avait anéantie. Il fallut une troisième assemblée pour sceller du meurtre du roi l'abolissement du pouvoir royal. On s'est étonné et indigné de l'attitude passive que conserva toute l'Europe en présence de cette grande perturbation. Les gouvernements furent effrayés de l'énergie que déployait la nation française ; ils la laissaient s'épuiser et se déchirer elle-même, confondant cette révolution avec les révolutions accidentelles, attendant le moment favorable pour une invasion, et rêvant le partage de notre territoire. Ils ne se crurent point intéressés dans la question, et ne purent déplorer bien sincèrement la chute d'une Maison royale qui avait arraché quelques fleurons à presque toute les couronnes de l'Europe. Les faibles tentatives de la Prusse pour venir au secours de Louis XVI ne firent que servir de prétexte aux bourreaux de ce malheureux prince. Déclaré en état d'accusation comme coupable d'attentat à la sûreté du peuple français, il fut mandé à la barre de la Convention, dont il ne récusa pas la compétence. Chose étrange ! La Convention accueillit avidement cette suprême concession de Louis XVI. Nous ne donnerons point de détails sur ce procès, nous ne le qualifierons point, nous ne discuterons pas non plus (à Dieu ne plaise !) la compétence d'une nation à juger son chef : les résultats de ce fait en ont suffisamment démontré l'iniquité.
C'est le 17 janvier 1793 que fut prononcée cette sentence de mort qui couvait depuis si longtemps dans le cœur des juges. Elle fut exécutée le 21 janvier. Le roi se montra en présence du supplice ce qu'il avait toujours été au milieu des hurlements d'une multitude furieuse et sous les outrages de son emprisonnement. Il fut sublime de calme, de résignation et de courage. Sa fermeté auguste ne l'abandonna ni pendant ses adieux à la reine et à ses enfants, ni sur le faîte de l'échafaud. Il protesta de son innocence et pria Dieu de ne point faire retomber son sang sur la France. Mais sa voix n'arrivait qu'aux oreilles endurcies des soldats qui de toutes parts entouraient l'échafaud. Le bruit des tambours la couvrit bientôt. La tête de Louis XVI tomba, et fut présenté à la foule par la main du bourreau.
Des cris de Vive la République ! s'élevèrent alors du sein du morne silence qu'avait gardé le peuple pendant l'exécution. On put croire qu'il cherchait à s'étourdir et qu'il invoquait l'avenir pour oublier le passé. »

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