"Numériquement, les catholiques
pratiquants (ceux qui vont au moins une fois par mois à la messe) ne
représentent qu’environ 6,5 millions d’électeurs (sur 45 millions) soit
au mieux 15 % du corps électoral (les « messalisants », c’est-à-dire les
cathos pratiquants chaque dimanche, n’étant que 4 %). Il s’agit donc d’une minorité. Celle-ci est indispensable à la constitution d’une majorité pour un candidat de droite
(puisqu’ils votent à près de 80 % pour les diverses tendances de
droite), mais elle ne lui garantit pas la victoire. Ces électeurs ne
comptent que pour un quart des voix obtenues par Sarkozy tant au premier
qu’au second tour de 2012.
Penser que l’UMP pourrait être
doctrinalement influencée de l’intérieur relève de la naïveté. Mais
surtout, la faiblesse politique des cathos vient de ce que leur vote est
extrêmement prévisible : parmi les facteurs expliquant le
vote, l’enracinement culturel et l’attachement à des valeurs morales
sont l’un des plus prégnants. Les partis politiques ne les craignent donc pas.
Pour la droite, ils sont un électorat
acquis envers lequel il n’est nul besoin de tenir des promesses pour
obtenir ses suffrages. Les catholiques ne peuvent espérer peser
sur la politique qu’à la condition de devenir un électorat flottant,
c’est-à-dire changeant son bulletin en fonction des enjeux et de
l’offre.
En fait, le risque est moins pour l’UMP
que pour La Manif pour tous. Va-t-elle, par exemple, garder son
indépendance ? Ce qui a fait sa force, c’est qu’elle a su rassembler des
personnes aux appartenances partisanes diverses qui ont mis leurs
différences de côté pour, ensemble, défendre une cause et agir sur
l’ensemble de la classe politique. Sa force politique (outre sa capacité
à réunir des foules) ne se réalisera concrètement que si elle refuse
tout compromis avec l’ensemble des partis politiques. Elle ne
doit se rallier à aucun d’eux car elle aurait tort de croire qu’elle
peut attendre autre chose d’un parti qu’une volonté de canaliser
électoralement ses sympathisants (par exemple, en offrant des postes à
ses « anciens » cadres).
Croire qu’elle pourra faire de
l’entrisme, obtenir la reconnaissance de ses revendications en
« plaçant » certains de ses membres dans un parti, c’est ne pas
connaître le fonctionnement (cynique) de la vie politique.
Hormis le cas de personnalités (nationales ou locales), un candidat a
besoin, pour être élu, d’une étiquette. Des cadres de La Manif pour tous
l’obtiendront sans grandes difficultés, en particulier s’il s’agit d’un
scrutin de liste (chaque parti devant avoir des représentants des
différents créneaux électoraux). Le « piège » se refermera alors sur
eux. Car, pour être réélus, il leur faudra l’investiture du parti qu’ils
n’obtiendront, cette fois, qu’en acceptant de mettre leurs idées trop
« clivantes » dans leur poche.
Pour faire grandir son
influence, La Manif pour tous devra se transformer en un authentique
lobby n’ayant strictement aucun état d’âme partisan : elle doit prendre
tous les partis sans exclusive comme des interlocuteurs, mais aussi
comme des cibles. Elle trouvera, toujours, sans qu’elle ait
besoin de compromis, des parlementaires (convaincus ou en mal de
notoriété) prêts à reprendre une proposition de loi fournie,
discrètement, clef en main.
Puisqu’elle a mis en place une charte pro-famille à
destination des candidats aux élections, La Manif pour tous pourrait,
par exemple, se focaliser sur la mise en place d’un réseau ayant pour
but de contribuer à faire élire ceux qui l’ont signée, et battre ceux qui l’ont refusée et ce, quels que soient les partis concernés. En politique, il n’y a pas de pire ennemi que les faux amis…"
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