dimanche 2 mars 2014

Dimitrios Papageorgiou : “Ils ont montré aux Grecs qu’il était possible de changer les choses par l’activisme” (2/2)

Quel est votre avis au sujet de l’Aube dorée et de ce qu’elle a accompli jusqu’à maintenant ? Quel est son talon d’Achille ?
L’Aube dorée est très importante pour la mouvance grecque. Ils ont réussi à survivre pendant des décennies alors que d’autres formations se disloquaient. Ils ont réalisé quelque chose d’une grande ampleur : ils ont montré aux Grecs qu’il était possible de changer les choses par l’activisme, qu’il n’était pas nécessaire d’attendre que l’Etat autorise le changement… Ils ont redonné à l’engagement politique son véritable sens : militer quotidiennement, sept jours sur sept, trois-cent soixante cinq jours par an. Pas seulement face aux caméras de télévision mais par du travail de terrain. Ils sont parvenus à se rendre médiatiquement acceptables. L’Aube dorée représente le dernier coup porté au politiquement correct en Grèce, criblé de toutes parts depuis quelques années.
Leur talon d’Achille est leur croissance exponentielle depuis deux ans. Je serai franc : ils n’ont pas la « tradition » politique et les infrastructures suffisantes pour assimiler les centaines de personnes qui ont rejoint leurs rangs. Or, ils ont accepté toutes sortes d’excités et de néophytes. Autant que je sache, je doute vraiment qu’ils puissent contrôler tout ce monde.
À propos de la mort d’un antifasciste grec et de la chasse aux sorcières qui toucha l’Aube dorée, vous avez récemment écrit : « Les gens commencent à comprendre le deux poids deux mesures à l’oeuvre, et beaucoup doutent de la version des événements relayée par les médias ». Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? Les esprits sont-ils prêts à accepter un changement politique profond en Grèce ?
Il y a un certain pourcentage de la population grecque qui n’accorde plus le moindre crédit à ce que disent les médias. Les derniers sondages montrent qu’environ 25 à 30% de la population grecque ne croient pas que l’Aube dorée soit une organisation criminelle. Le sondage intervient après deux à trois semaines de lavage de cerveau et de propagande intensifs. C’est fondamental pour comprendre la situation grecque : l’Aube dorée a peut-être baissé dans les sondages (- 7%),  mais ils peuvent encore toucher un tiers des Grecs.
D’une certaine manière, pensez-vous que cette situation constitue une opportunité pour l’Aube dorée ?
J’en doute sérieusement. Seul l’adage « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort » peut nous faire voir cela comme une opportunité. En réalité, c’est un revers sérieux pour l’Aube dorée. Leur survie est en jeu actuellement. Et je ne parle pas seulement de survie électorale, mais de leur survie en tant que groupe constitué.
Quelles sont les conséquences tactiques pour l’Aube dorée et les autres groupes de résistance en Grèce ?
La police a déclenché une chasse aux sorcières. Il y a une nouvelle loi « anti-raciste » en cours de préparation. Et tout ce qui arrive en ce moment à l’Aube dorée sera probablement utilisée contre n’importe quel groupe. Cela fera jurisprudence. Les nationalistes ne peuvent pas avoir la moindre idée de ce qui leur arrivera demain. Par exemple, les députés de l’Aube dorée peuvent être accusés de « trahison »… Le système est en train de changer les règles du jeu. Les groupes de résistance vont devoir patienter, observer, et s’adapter.
La guerre civile et l’effondrement économique sont-ils possibles en Grèce ? L’Etat grec est-il capable de faire face à cette menace ?
Certaines théories vont dans ce sens-là. Personnellement, je n’y crois pas. Je constate que le mouvement « antifasciste » s’est montré particulièrement calme et discret après que l’Etat a fondu sur l’Aube dorée… Cela signifie qu’ils sont heureux de laisser agir l’Etat. Cependant, l’Etat a besoin de maintenir existante la menace de deux forces politiques « extrémistes » pour que les partis politiques classiques apparaissent comme un gage de stabilité.
De plus, je doute fortement que les masses actuelles soient prêtes pour une guerre civile. Les Grecs sont encore bien trop doux (même avec la crise en cours) pour être prêts à sacrifier leurs vie pour leur idéologie. Et l’absence de manifestation massive de l’Aube dorée ces dernières semaines montre qu’ils ont beaucoup d’électeurs, mais que leurs militants se comptent en quelques centaines.

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