Le site de Telerama indique que la nouvelle série decanal plus, Baron Noir, « traitant des dessous de la politique française et du P.S en particulier », ce Baronétant inspiré de Julien Dray dixit de dernier, « n’a pas été le carton d’audience attendu ». Cette série a été réalisée par Eric Benzekri (ex de l’Unef, frayant dans les eaux de la gauche socialiste, ancien conseiller dans le cabinet ministériel de Mélenchon, proche de Julien Dray) et Jean-Baptiste Delafon. Pour autant , malgré « une tête d’affiche populaire, Kad Merad ; une campagne de pub imposante », cette série « massivement soutenue par la critique, omniprésente dans les médias, discutée jusque dans les couloirs de l’Assemblée nationale » a des scores décevants. Invité des Grandes Gueules sur RMC jeudi, le sympathique Kad Merad qui se coule plutôt bien, selon la critique, dans la peau de cet élu socialiste vraiment tortueux et antipathique, expliquait qu’il « (était) tellement contre toutes ces idées, que je ne pourrais pas jouer un homme politique du Front National ». »Je pourrais incarner un électeur du Front National, un homme qui se mettrait à hésiter ou à choisir, cela pourrait-être intéressant à créer. Mais pas un type qui ferait de la politique. Je ne lui trouve aucune circonstance atténuante. Je n’y trouve aucun plaisir ». Une profession de foi un peu bébête, qui suinte la moraline et le politiquement correct…Faut-il avoir du jus de navet dans les veines pour proférer pareille énormité! Bien sûr, par définition un véritable acteur est capable de tout jouer (ou presque)… mais c’est aussi une question de talent, et n’est pas Depardieu ou Mastroiani qui veut.
Si le PS, même en feuilleton réaliste et vachard , n’emballe pas le public des abonnés de canal plus, il est aussi rejeté par les Français avec une force inégalée depuis l’élection de François Hollande, marquée conjointement par l’assomption électorale du FN.
Le sociologue de gauche Gaël Brustier, collaborateur du Centre d’étude de la vie politique (Cevipol) à l’Université libre de Bruxelles, s’arrêtait le 4 mars, pour le site slate.fr, sur une étude de l’Ifop. Jérôme Fourquet, directeur du Département Opinion et Stratégies d’Entreprises de cet institut de sondage démontre à travers cette enquête que le « sentiment d’abandon » (comme il y avait un « sentiment d’insécurité« , et non insécurité réelle pour des dirigeants aveugles ?) est un des facteurs du vote Front National. « Le FN enregistre des scores moyens de 30,9% là où il n’y a aucun commerce ou service à 23,5% là où il y a au moins six commerces et services. »
M. Brustier rappelle avec justesse que « la ruralité, pas plus que la classe ouvrière, n’a disparu. L’une et l’autre ont simplement disparu des représentations médiatiques' ». »Les territoires ruraux sont d’abord des territoires où les ouvriers sont majoritaires et les mondes ouvriers sont désormais d’abord des mondes ruraux« . ceux-ci » ont souvent subi durement (…) les mutations de l’économie et la désindustrialisation, la fin de l’univers patronal local autant que celle de l’encadrement par les syndicats. »
« Evidemment, ces données s’ajoutent à d’autres qui expliquent la puissance ou non du vote FN selon les zones. Elles renseignent cependant sur une réalité: les questions d’aménagement du territoire ont à voir avec l’aménagement commercial.(…) Depuis trois décennies, la part belle a été laissée à la grande distribution avec des conséquences économiques, sociales, politiques et électorales que l’on perçoit aujourd’hui. La disparition progressive des petits commerces du centre des petites villes et des villages s’est accélérée à mesure que s’est développé un aménagement commercial calqué sur le mall américain, dont les dernières évolutions du droit semblent indiquer qu’il n’est pas près de s’inverser. A l’entrée des chefs-lieux de canton ou d’arrondissement s’étendent donc des zones commerciales concentrant l’essentiel des commerces, laissant souvent se développer une France moche, qui va nous accompagner encore pendant quelques décennies… »
Bruno Gollnisch rappelle que cette France moche là, cette américanisation là, ces évolutions (involutions) ont été, sont combattues résolument par le FN. La défense du petit commerce de proximité valait aux candidats, aux élus frontistes d’être traités de « ringards poujadistes » et se heurte toujours à des intérêts financiers solidement défendus dans et par les partis duSystème dans les assemblées.
Sur le site des Inrocks le 17 novembre 2014, à l’occasion de la sortie de son ouvrage, Le Mai 68 conservateur : que restera-t-il de la Manif pour tous ?, Gaël Brustier s’inquiétait de l’existence d’une « jeunesse de droite encore plus conservatrice que la génération précédente (…). Face à une jeunesse conservatrice ultra présente, on cherche les jeunes progressistes. Cela va avoir une empreinte sur le pays : quand vous formez 40 000 jeunes de 20-25 ans qui ont en tête l’idéologie de (chef de file des Veilleurs, NDLR), vous allez forcément les retrouver vingt ans plus tard à des postes à responsabilité. Ce n’est pas rien. »
Sur slate.fr en août de la même année, il pointait pareillement « le risque d’une marginalisation progressive de la gauche », l’incapacité présente de la gauche à ouvrir « un front culturel ». « On a une gauche européenne sociale qui préfère parler de politiques publiques (policies) plutôt que de politique (politics). Ce discours-là ne peut pas battre la Manif pour tous (…). Les conservateurs de la nouvelle génération proposent une vision du monde philosophiquement contre-révolutionnaire mais qui répond à ces aspirations-là, en rejetant le productivisme, le consumérisme, et l’économie inféodée à la finance. Ils trouvent écho dans la société ».
Pour contrer cette domination culturelle droitière, Brustier en appelle aux enseignements du député communiste italien d’Antonio Gramsci, dans son nouveau livre A demain Gramsci, lequel a théorisé dans les années 30 que toute conquête du pouvoir politique est précédée par une domination de la sphère culturelle. Ce livre de Gaël Brustier a fait l’objet d’une article fouillé sous la plume deB.Guillard sur le site breizh info le 23 février dernier.
Il est relevé note que si l’influence de la gauche ne cesse de diminuer, « il n’en est pas moins vrai queson pouvoir culturel n’a jamais été aussi important; tous les médias, ou presque, une très grande majorité du corps enseignant et des intellectuels tiennent le même discours individualiste/mondialiste et ressassent les idées issues du corpus idéologique soixante-huitard (…). Corpus aujourdhui rejeté par » les Français, (qui) dans leur grande majorité, se sont faits une opinion par eux-mêmes, en toute autonomie. En ce sens (…) le pouvoir culturel quasi monopolistique de la gauche libérale / libertaire ne lui permet plus d’exercer une hégémonie culturelle sur l’ensemble du peuple français. »
D’ailleurs, » Il n’est pas étonnant que ce soit au sein des couches sociales les moins diplômées que le bouleversement est important parce que nos compatriotes les moins diplômés ont été moins imprégnés de la culture de l’intelligentsia et ont donc continué à véhiculer des valeurs et des opinions que les plus diplômés ont abandonné (au cours de leurs études, très souvent) au profit de celles du corps enseignant ».
« Il ne peut pas y avoir de succès durable au plan politique sans action métapolitique/culturelle.L’affaiblissement actuel de l’influence de la gauche est lié au fait que les solutions qu’elle propose depuis 35 ans (ouverture des frontières, immigration incontrôlée, libre-échangisme mondialiste…) heurtent profondément une grande majorité des Français qui constatent chaque jour que ces solutions dégradent leurs conditions de vie et qui de ce fait se tournent progressivement vers d’autres horizons. » Mais, « l’oligarchie réussit, grâce à son appareil de sidération médiatique, à manipuler les comportements électoraux des classes sociales les plus intellectualisées. »
Et de conclure: « Brustier pense qu’une métapolitique intelligente pourrait permettre à la gauche radicale française de renouer avec le succès comme c’est le cas de Podemos , en Espagne, lequelPodemos s’inspire très clairement de la théorie de Gramsci et du philosophe argentin Ernesto Laclau qui fut un péroniste en plus d’avoir été un lecteur attentif des œuvres de Marx et de celles de Gramsci. On peut penser en effet qu’une telle métapolitique qui concilierait solidarisme et dénonciation des travers du capitalisme libéral tout en acceptant le fait national et en affirmant le principe de la souveraineté populaire serait susceptible de faire mouche, comme c’est le cas en Espagne. A ceci près qu’en France, le Front national s’est saisi du solidarisme qu’il a ajouté à son thème emblématique qu’est le refus de l’immigration. »
Refus de l’immigration imposée, subie, sans limite qui participe au FN, c’est vrai, de notre refus de l’ultra libre échangisme. Bruno Gollnisch le disait aussi, « nous sommes anti-libéraux au sens où nous refusons la mainmise des groupes financiers anonymes sur les richesses de notre pays, la dictature du profit sur le plan du commerce international, le fait par exemple que les délocalisations se succèdent dans notre pays parce que certaines entreprises vont à la recherche de main-d’œuvre sous payée (…) ».
Au lendemain des Européennes de 2014, Gaël Brustier voyait dans le FN « la grande déchetterie des espérances déçues. » Au vu de la recomposition de notre paysage politique, de ses bouleversements, des tendances lourdes qui imprègnent la société française, la sentence de M. Brustier s’appliquerait beaucoup plus justement au PS en particulier et à la gauche en général. Le vote FN est aussi une promesse et un espoir, le refus d’un déclin; le rejet d’un fatalisme qui est aussi une valeur culturelle, archétypale, laquelle est au cœur de l’âme européenne, française, de la conception du monde portée par notre civilisation.
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