Linda Kebbab est déléguée nationale de l’Unité SGP Police-FO.
Dans certains quartiers, les forces de l’ordre sont prises à partie et les guets-apens se poursuivent, rendant la mission des policiers encore plus difficile et dangereuse, alerte Linda Kebbab (Unité SGP Police-FO).
Certains «territoires perdus» sont d’ordinaire peu enclins à respecter l’Etat de droit. Dans certains de ces quartiers, les réseaux sociaux rapportent des images de heurts avec les forces de l’ordre, qui tentent d’intervenir pour faire appliquer les règles de confinement. Les mesures d’urgence y sont-elles moins observées qu’ailleurs?
Linda KEBBAB. - Malheureusement, dans certains quartiers une partie des habitants ne prend pas la mesure de la situation, alors qu’il en va de la santé de leurs proches. Quotidiennement, les policiers sont confrontés à des refus de confinement de bandes habituées à agresser les forces de l’ordre. Maintien du trafic de stupéfiants, activités crapuleuses qui augmentent sur la voie publique, ou tout simplement rejet de l’autorité de l’État... Plusieurs guets-apens (des voitures sont mises à feu, des commerces dévalisés...) ont été enregistrés avec à chaque fois des agressions contre les pompiers et les policiers qui interviennent. À l’heure où nous parlons, je suis avisée d’un énorme caillassage contre mes collègues à Clichy-sous-Bois. Intenable!
À Clichy-sous-Bois, un policier a été mordu pour avoir demandé à un habitant de respecter le confinement.
Les policiers et gendarmes se retrouvent alors au contact de populations qui risquent de les infecter?
Évidemment, plus le contact est inévitable, plus le risque augmente. À Clichy-sous-Bois, un policier a été mordu pour avoir demandé à un habitant de respecter le confinement, près de Lyon d’autres en surnombre ont approché les policiers - dépourvus de masques - et les ont obligés à quitter les lieux au risque de se faire cracher dessus...
L’état-major du 93 a transmis la consigne suivante aux agents déployés sur le terrain: en cas de refus d’une personne de respecter le confinement et si elle est verbalisée plusieurs fois, ordre est donné de l’interpeller pour «mise en danger de la vie d’autrui». Nous le devons pour assurer la protection de la population, mais évidemment cela nous obligera à être encore plus au contact d’un potentiel porteur du virus. Plusieurs interpellations ont déjà eu lieu, d’ailleurs non sans difficulté, parfois sous les outrages de certains habitants depuis leurs fenêtres.
Le déploiement des forces de l’ordre pour faire respecter le confinement conduit-il à démobiliser certains effectifs en charge de la sécurité quotidienne des Français, rendant certaines portions du territoire moins sûres qu’avant?
Le ministère ne semblait pas avoir anticipé, nous avons donc dès dimanche, alors que l’annonce d’un confinement était une évidence à venir, saisi le ministre par courrier et lui avons demandé d’adapter l’organisation des services vers le plus urgent. Les tribunaux tournant désormais au ralenti, c’était une mesure nécessaire. Néanmoins il est vrai qu’il y ait déjà une perception de hausse des délits sur la voie publique tels que les vols ou dégradations de voitures, mais aussi les cambriolages des résidences principales délaissées par leurs propriétaires pour les secondaires. Il est beaucoup trop tôt pour dire si ce phénomène va s’inscrire dans la durée ou sera détectable sur les futures statistiques.
Les policiers se concentrent sur le secours aux personnes.
Lassés de ne pas pouvoir accomplir leurs missions dans des quartiers où l’insécurité chronique exige une attention de tous les instants, les policiers qui connaissent très bien leurs interlocuteurs, se concentrent sur le secours aux personnes - car le confinement est un facteur d’augmentation des violences ou conflits intrafamiliaux - et trouvent progressivement des solutions pour concilier lutte contre la criminalité et confinement à faire respecter. C’est aussi dans ce but que l’état-major du 93 a pu prendre cette initiative compréhensible.
Par Paul Sugy
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