L’animateur de télévision sera-t-il la bouée qui sauvera la politique de son naufrage ? Un constat, en tout cas, s’impose : la société du spectacle a banalisé ses règles jusqu’au sein du Bureau ovale, à Washington. « Ca va être de la grande télévision ! », a conclu vendredi, en showman qu’il est resté , Donald Trump après son altercation spectaculaire avec Volodymyr Zelensky, lui-même ancien acteur d’une série humoristique qui aura fait son succès en Ukraine. Les deux professionnels de l’audimat ont-ils eu conscience d’alimenter leur confrontation en appliquant les ressorts de la provocation et de l’outrance, afin de prendre l’opinion à témoin ?
Ce n’est pas à exclure. On n’imagine pas, en tout cas, Ronald Reagan, pourtant lui-même ancien acteur de cinéma, se prêter en direct à ce genre de déballage de linges sales. En réalité le rejet du monde politique, déconnecté du réel, est devenu tel qu’il ouvre des perspectives à ceux qui, formés aux compétitions d’audiences de l’audiovisuel privé, savent s’adresser aux gens et les fidéliser. Silvio Berlusconi, en Italie, avait ouvert la marche il y a trente ans. Eric Zemmour, créature télévisuelle plus sophistiquée, est aussi de cette école. Dernièrement, un sondage Ifop-Fiducial a introduit Cyril Hanouna parmi les présidentiables, même si son score reste modeste avec 11% de soutiens. L’intéressé ne semble pas écarter l’hypothèse d’une future candidature. L’ex-animateur vedette de C8 vient d’ailleurs de rebondir sur d’autres canaux, après la fermeture de la chaîne au début de ce mois, en entrainant dès lundi soir 1,5 million de téléspectateurs. Philippe de Villiers, porté par ses audiences sur CNews, est réclamé par ses supporteurs pour briguer l’Elysée. Pascal Praud partage aussi cette notoriété. La droite populaire est la plus à l’aise dans cet univers.
Le dénominateur commun à ces hommes de télévision est leur proximité, souvent intuitive, avec cette partie du peuple qui, trop modeste aux yeux des dirigeants, reste oubliée des professionnels de la politique. L’ascension de ces nouvelles stars est évidemment méprisée des « élites ». Elles se contentent notamment de voir en Trump un clown impulsif et violent. Mais Montesquieu le rappelle : « Pour faire de grandes choses il ne faut pas être un si grand génie ; il ne faut pas être au-dessus des hommes. Il faut être avec eux ». Les alertes sur le risque démagogique et la tyrannie des foules, que de tels personnages pourraient porter, sont certes à entendre. Il est possible que cette politique spectacle ne soit d’ailleurs qu’une intermittence. Cependant ces symptômes sont d’abord la conséquence du dégoût que suscite la politique auprès des sondés. Ces rejets dureront tant que la caste n’aura pas compris l’urgence à partager la vie ordinaire. La théâtralisation, développée par Emmanuel Macron, se contente d’exhiber déguisements, signes et mots creux. Elle laisse voir l’insincérité du chef de l’Etat. Ce mercredi soir, il se servira lui aussi de la télévision, une nouvelle fois, pour tenter de se placer dans les négociations entre Trump et Poutine sur l’Ukraine. Il agitera encore, sans doute, les peurs sur une menace existentielle portée par la Russie afin de promouvoir l’Europe supranationale que les peuples refusent. Or, il ferait mieux d’écouter, sur ce sujet comme sur d’autres, ce que disent les saltimbanques du petit écran.
Mes interventions de mardi sur Ligne Droite (8h40-8h50) et CNews (14h-15h)
https://blogrioufol.com/ces-stars-de-la-tele-qui-bousculent-la-vieille-politique/
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