Nous reproduisons ci-dessous un
article de Dominique Venner, prélevé sur son site et consacré à Michel
Onfray. Cet intellectuel vient d’annoncer qu’à la suite de pressions
insupportables il a préféré se retirer de lui-même de la direction de
l’exposition Albert Camus, prévue à Aix-en-Provence à l’occasion du
centenaire de la naissance de l’écrivain Prix Nobel. Après Aymeric
Chauprade, Richard Millet il y a quelques jours, et certainement
beaucoup d’autres méconnus, Michel Onfray est la nouvelle victime de la
bien-pensance dictée par le pouvoir en place, quel qu’il soit. Dominique
Venner livre à ses lecteurs son point de vue.
Polémia
Polémia
Nous sommes dans une période moins
stagnante qu’il n’y paraît. C’est ce que révèle le torpillage soudain de
l’exposition Albert Camus et la réaction vigoureuse du philosophe
Michel Onfray, mis en cause dans Le Monde des 15 et 18 septembre 2012.
Auteur de nombreux essais rédigés d’une
plume élégante et polémique, Michel Onfray s’est fait connaître d’un
large public. Ce qui intéresse chez lui, ce sont des changements de
perspectives dont atteste par exemple son livre récent sur Freud, Le crépuscule d’une idole (Grasset, 2010), un pavé de 600 pages asséné sur le crâne d’une des plus intouchables divinités de l’époque.
Onfray y décrivait sa propre évolution.
Petit Normand pauvre, père ouvrier, mère faisant des ménages, « pas de
vacances, jamais de sorties, aucun cinéma, ni théâtre ni concert bien
sûr, pas de musées, pas de restaurants, pas de salle de bains, une
chambre pour quatre, des toilettes dans la cave, pas de livres,
évidemment… » Dès que l’occasion s’offrit, il se révéla pourtant
dévoreurs de textes. Bac à dix-sept ans, études de lettres, professeur
de philo dans un lycée technique pendant vingt ans, fondateur enfin de
l’Université populaire de Caen en 2002.
Trois auteurs découverts très tôt,
dit-il, l’ont marqué à jamais. Nietzsche, Marx et Freud. « Trois éclairs
dans le ciel noir de mes années post-orphelinat ». Le premier,
Nietzsche, lui apprenait que « le christianisme n’est pas une fatalité,
qu’il y avait une vie avant lui et qu’on pourrait très bien accélérer le
mouvement pour l’avènement d’une vie postérieure ». Du second, il
conservait le souvenir ébloui du Manifeste communiste de 1848.
Souvenir tempéré ensuite par la découverte de Proudhon et de la mauvaise
foi de son concurrent. Exit donc Marx, au profit des libertaires
français. Enfin, le troisième auteur, Freud : « Il me faisait découvrir
que la sexualité pouvait se penser sans souci de Dieu ou du Diable… »
Freud ouvrait les portes d’un continent inconnu. Mais délivré à des
gamins en pleine évolution sexuelle, son message pouvait avoir des
effets problématiques : « On nous demandait d’enseigner une matière
éminemment combustible auprès d’âmes inflammables. J’ai un peu touché du
doigt, là, le pouvoir dangereux des psychanalystes. J’ai alors
développé une méfiance instinctive et viscérale à l’endroit de leur
caste sacerdotale… »
En fin de son démontage de Freud, Onfray
a rassemblé des notes, dont l’une concerne Albert Camus et Jean-Paul
Sartre (p. 593-594) : « Albert Camus ayant dit la vérité sur la nature
criminelle du régime soviétique dans L’Homme révolté s’est
entendu dire par Sartre que le bon accueil de son livre par la droite
invalidait l’ouvrage, laissant entendre par là que la vérité se trouve à
gauche et l’erreur à droite… Camus répondit à Sartre : « On ne décide
pas de la vérité d’une pensée selon qu’elle est à droite ou à gauche et
encore moins selon ce que la droite ou la gauche décident d’en faire. Si
enfin la vérité me paraissait être de droite, j’y serais »… Réaction
d’Onfray : « Nous souffrons toujours de cette hémiplégie… Camus a montré
le chemin : “Si enfin la vérité me paraissait être de droite, j’y
serais”. Je consens à cette magnifique phrase. »
Cette pensée, justement, a servi d’introduction à l’essai de Michel Onfray publié chez Flammarion en 2012, L’Ordre libertaire, la vie philosophique d’Albert Camus. Sartre n’en sort pas grandi.
Cet essai ajouté à la dimension
médiatique de Michel Onfray, ont fait que ce dernier a été sollicité
pour diriger l’exposition Albert Camus prévue à Aix-en-Provence en 2013
(centième anniversaire de la naissance de l’écrivain). C’est là que
l’actualité, soudain, nous rejoint.
Sur son site Twitter, le 14 septembre,
Michel Onfray vient d’annoncer en effet qu’il renonçait à être le
commissaire de cette exposition. Pourquoi ? Il faut savoir que
l’actuelle ministre socialiste de la Culture, Aurélie Filippetti, avait
soutenu contre Onfray la candidature de Benjamin Stora. Celui-ci est
sans vrai rapport avec Camus, mais il est l’historien de la guerre
d’Algérie que préfèrent le FLN algérien et les anciens « porteurs de
valises ». Apprenant que son candidat était écarté, la ministre annonça
qu’elle retirait tout soutien officiel à l’exposition…
L’affaire se corse quand on sait qu’en
visite à Alger cet été, Michel Onfray n’avait pas pris de gants pour
évoquer un passé brûlant : « Je vous rappelle, avait-il dit, que
(pendant la guerre d’Algérie) ce sont les Algériens qui ont choisi la
voie de la violence et sont à l’origine du plus grand nombre de morts du
côté algérien ». On imagine les réactions devant ce rappel d’une vérité
historique qui n’est pas bonne à dire !
Ripostant aux informations publiées dans la presse après la décision de Mme Filipetti, Michel Onfray a précisé dans Le Monde
du 18 septembre qu’il se retirait de « cette pétaudière où se mélangent
de façon déraisonnable les ego surdimensionnés, la chiennerie de la
politique politicienne, les pathologies mentales, les intrigues de
réseaux, le copinage d’anciens combattants d’extrême gauche reconvertis
dans l’opportunisme social-démocrate, la niaiserie d’une ministre
confondant usage public des crédits et punition idéologique […] Je bénis
cette aventure de m’avoir fait découvrir cette nef de fous ! Mais je
n’en suis plus… En France, l’atmosphère intellectuelle est toujours à la
guerre civile… » C’était bien vu et bien dit.
Dans le même numéro du Monde
(18 septembre), en p. 13, on apprenait au passage que Caroline Fourest,
essayiste connue pour ses positions féministes, avait été prise à partie
à la Fête de L’Humanité (le 15 septembre) alors qu’elle devait
débattre du FN. L’incident a entrainé l’annulation du débat. Depuis
plusieurs jours, le site « Oumma.com » [l’Oumma est la communauté des
croyants] et les « Indigènes de la République » avaient appelé à
interdire la présence de Caroline Fourest : « quelqu’un d’islamophobe
n’est pas qualifié pour faire la leçon au FN ». De fait, son féminisme
et son laïcisme avaient conduit Caroline Fourest à exprimer des réserves
à l’égard d’un Islam trop présent en France à son gré. Voici encore un
parcours à suivre. Nous sommes dans une époque où les anciens clivages
sont bousculés.
Dominique Venner
Actualité, Réflexions
19 septembre 2012
http://www.dominiquevenner.fr/2012/09/apres-richard-millet-michel-onfray/
Actualité, Réflexions
19 septembre 2012
http://www.dominiquevenner.fr/2012/09/apres-richard-millet-michel-onfray/
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