La lamentable affaire de Florange est révélatrice des risques et des conséquences d’une mondialisation bien ordonnée
quoique l’on en dise (en particulier dans le désarmement du politique
face à l’économique – ou prétendu tel…) et fort peu sociale (ce n’est
pas son problème, pourrait-on dire ironiquement !), et de l’impuissance,
voire pire, d’une République qui, désormais, n’est plus que la
gestionnaire zélée et « réaliste » du « désordre établi »,
selon l’expression d’Emmanuel Mounier, personnaliste chrétien qu’il
serait sûrement bon de relire au-delà de ses engagements circonstanciels
et, parfois, opportunistes.
En
effet, la mondialisation n’est pas que le simple échange apparemment
neutre de biens matériels ou virtuels, et la libre circulation de
personnes sur toute la planète désormais accessible en tous ses lieux,
mais aussi, surtout peut-être, la mise en concurrence des
producteurs et, en particulier, des travailleurs, dans la recherche du
meilleur profit pour l’industriel ou l’actionnaire de l’entreprise
: à ce jeu-là et suivant ses règles qui ne sont guère au bénéfice des
faibles ou des « petits », les ouvriers français sont, aujourd’hui,
forcément perdants… Ils sont considérés comme des « privilégiés »
(sic !) en termes de rémunération et de protection sociale au regard de
leurs collègues chinois, roumains ou indiens, et, de ce fait, si peu
compétitifs aux yeux des experts autoproclamés de l’économie, et donc,
condamnés à plus ou moins court terme au chômage qui sanctionnerait leur
absence de flexibilité et leur coût trop élevé. Cette mondialisation-là (mais il n’y en a pas d’autre à ce jour !), c’est le moins-disant social maître du jeu et légitimé par cette fameuse « liberté du travail » qui, depuis 1791 en France, empoisonne les rapports sociaux et « opprime les ouvriers
», selon l’expression des catholiques sociaux du XIXe siècle qui
dénonçaient le libéralisme économique à la base de cette mondialisation
comme « le renard libre dans le poulailler libre ».
Face à la mondialisation qui est, en fait aussi, une véritable idéologie et non seulement une réalité économique
(qui, comme toute réalité, préexiste à sa possible remise en cause et
éventuellement « mise au pas »…), la République semble impuissante, et
les derniers événements de Florange, socialement dramatiques, le
prouvent à l’envi, de façon presque caricaturale même. Impuissante,
vraiment ? Non, soyons juste, pas autant que cela ! M. Montebourg, tout
aussi isolé soit-il dans ce gouvernement de M. Ayrault, a montré qu’il n’y avait pas de fatalité mais plutôt des renoncements,
voire des reniements qui, il faut le reconnaître, ne sont pas de son
fait mais bien de ceux qui l’ont désavoué pour satisfaire aux féodalités
financières et économiques mondialisées. L’idée d’une nationalisation
temporaire que le ministre du Redressement productif avait émise n’était
pas absurde ni irréalisable et aurait, en définitive, coûté moins cher
que la crise sociale qui s’annonce et la désindustrialisation qui, elle,
est déjà bien là, conquérante et dévastatrice.
La République, aujourd’hui, trahit les travailleurs et, au-delà, le Travail français,
s’abandonnant à une mondialisation qui n’est heureuse que pour ceux qui
en ont les moyens et en acceptent les principes au détriment des
réalités et des enracinements nationaux et sociaux. Les réalités, ce
sont ces hommes de Florange qui, les poings serrés, entendent le Premier
ministre s’en remettre à la bonne volonté de M. Mittal, sinistre oiseau
de mort et charognard tout à la fois qui rachète les entreprises pour
mieux les dépecer sans égard pour ceux qui y travaillent et en vivent.
M. Ayrault, mais aussi MM. Moscovici et Sapin, sont de bons petits
soldats d’une mondialisation dont ils savent pourtant le coût pour ce
pays et ses ouvriers : mais ils croient en la mondialisation
libérale-libertaire comme d’autres (ou eux-mêmes, hier…) croyaient en
l’advenue du paradis socialiste en d’autres temps ! Leur foi est plus
forte que les cris de colère des sidérurgistes de Florange, plus vive
que la douleur des familles sacrifiées sur l’autel de la compétitivité,
plus terrible que les larmes de ce syndicaliste furieux de la trahison
de ce gouvernement si peu politique de M. Ayrault…
Ce n’est
pas de moyens dont manque ce gouvernement mais de courage, d’ambition :
l’impression qu’il dégage est celle d’une certaine indifférence à la
France, comme si celle-ci était condamnée à n’être plus qu’une pièce du
puzzle de la mondialisation entre les mains de financiers et de
technocrates qui se voudraient les maîtres d’une « gouvernance » si peu
politique.
Ce renoncement de la République à porter une parole originale française dans le monde et face à la « fortune anonyme et vagabonde
» (qui, pourtant, n’est pas si anonyme que cela quand elle porte le nom
de Mittal), ce n’est que la confirmation de ce que les royalistes
français disent, parfois maladroitement mais néanmoins à juste titre :
la République ne mérite pas la France et la France mérite mieux que la
République…
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