Le titre de cet article est repris d’une dépêche
de l’Agence France Presse datée du 11 décembre 2012. Le même jour le
président Obama annonçait sur la chaîne américaine ABC que les
États-Unis, après la France, le Royaume-Uni, la Turquie et le Conseil de
coopération du Golfe, tous pays ligués pour abattre le régime laïc de
Damas, reconnaissaient la nouvelle Coalition syrienne en tant que
« représentante légitime des Syriens ». Par une contradiction
schizophrénique, le Département d’État inscrivait au même moment les
rebelles du Front Al-Nosra sur sa liste noire des organisations
terroristes. Ce sont ces mêmes insurgés, fer de lance de la rébellion,
que la CIA arme et finance par le truchement du Qatar, de la Turquie et
de la Jordanie. Une formation salafiste responsable à quelques heures de
là d’un attentat au centre du pays ayant causé la mort de quelque 150
alaouites, communauté hérétique aux yeux des sunnites fanatiques
instrumentés par Washington, Londres et Paris.
Après vingt mois de révolte durement réprimée – le soulèvement d’une
fraction, mais non de la totalité de la population syrienne - la
rébellion apparaît clairement et définitivement au grand jour pour ce
qu’elle est : une armée constituée pour l’essentiel d’islamistes
radicaux en guerre totale contre la Syrie. Des combattants dont une
majorité sont étrangers au pays où ils portent le fer et le feu ; qui
plus est, sont financés, armés et entraînés par les puissances
atlantiques sous couvert de la Turquie, de la Jordanie, du Qatar et de
l’Arabie saoudite avec la complicité tacite des Frères musulmans au
pouvoir en Égypte et en Tunisie. Un état de fait que nul aujourd’hui
n’oserait encore nier, ni même y songerait. Pas même la presse
psittaciste tant ces bandes terroristes composées de salafistes aguerris
sont maintenant omniprésents sur tous les fronts. Groupes et katibas
dont les commanditaires s’inquiètent cependant en ce qu’ils les voient
progressivement échapper à leur contrôle.
Le spectre de la guerre chimique.
Une inquiétude croissante notamment en raison “d’armes chimiques“
présentes en territoire syrien et dont les djihadistes pourraient
éventuellement s’emparer pour en faire un usage impolitiquement correct.
Notons en outre, à titre de comparaison, que face à l’afflux sur le sol
syrien de (dizaines de) milliers ces “brigadistes internationaux“, l’Armée syrienne libre,
en principe seule représentante habilitée de l’opposition armée,
commence à faire bien pâle figure… et même à s’effacer devant la
détermination et l’organisation des islamistes ultra. Il faut dire -
puisque la vérité peu à peu s’impose - que seulement quinze cents
déserteurs composerait cette ASL dont nos médias nous rebattent les
oreilles… sachant que les forces syriennes sont une armée de
conscription, l’ASL ne joue donc qu’un rôle marginal sur le terrain,
n’ayant d’utilité et d’existence qu’en fonction des besoins de la
propagande de guerre… cela même en soulignant a contrario que les
officiers transfuges, traîtres à l’État, comptent double en apportant à
l’insurrection leur savoir-faire technique et tactique ainsi que leurs
capacités d’encadrement.
À ce sujet, observons que l’emploi systématique du mot “révolution“
relève de l’abus de langage et qu’il faut inverser la présentation des
dépêches d’agence… selon lesquelles « le mouvement pacifique et
populaire contre le régime de Bachar al-Assad s’est peu à peu transformé
en une guerre sanglante, en réaction à la brutalité des forces
gouvernementales » [AFP 11 déc 12]. Le mouvement n’a en effet jamais
été pacifique : dès le premier jour des tireurs embusqués ont “allumé“
les forces de sécurité pour provoquer l’escalade d’une répression dont
le niveau de violence n’a fait qu’accompagner la montée en puissance
d’une guerre subversive, terroriste et maintenant de plus en plus
ouvertement confessionnelle. Salafisme et takfirisme obligent.
Malgré les communiqués triomphalistes la guerre perdure
« La rébellion a fait tache d’huile dans l’est désertique »
[ibidem] ! Une sorte d’antiphrase car n’eut-il pas fallu écrire que les
rebelles “occupent“ les espaces désertiques de l’est, ce qui du point
stratégique est à l’évidence d’un maigre profit ? « Les forces gouvernementales pilonnent villages et quartiers rebelles, indifférentes au sort des civils martyrisés »
[ibid]. Généralement les civils fuient les zones de combat et le
journaliste oublie ici, désespérément, les individus de tous âges et
conditions, déchiquetés aveuglément par les engins infernaux et autres
véhicules piégés des “bons“ insurgés. « Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), infatigable vigie du conflit, 42.000 personnes, en majorité des civils »
[ibid]. Même la presse la plus conformiste ne se fait plus d’illusion
sur ce fameux “OSDH“, tout aussi partial que l’Agence ici mentionnée, en
principe tenue par des obligations “de sérieux et de rigueur“ liées à
des fonctions de service publique… En quoi, vous demanderez-vous, cette
émanation de l’opposition en exil - l’OSDH - est-elle « infatigable » ?
Quant aux 42 000 morts il conviendrait de préciser qu’un tiers environ
appartient à l’armée nationale regroupant des appelés de toutes
obédiences religieuse, ou aux forces de sécurité syriennes. Qu’enfin
tous les civils victimes des combats ne sont ni obligatoirement des
innocents ni nécessairement des dissidents.
D’ailleurs, à lire attentivement la dépêche citée, celle-ci confirme
nos pires craintes à savoir que la soi-disant rébellion n’est en
réalité qu’un mouvement sectaire, djihadiste venu de l’étranger et
soutenu par lui… ce qui devrait, en toute logique, conduire la coalition
islamo-atlantiste à intervenir tôt ou tard pour brider son Golem
destructeur… « Le 10 décembre, des jidahistes d’Al-Nosra et de
groupes qui lui sont liés ont pris la totalité de la base de Cheikh
Souleimane, dernière place forte de l’armée à l’ouest d’Alep… Les
combattants d’Al-Nosra, disciplinés et combatifs, font l’admiration de
nombreux Syriens, contrastant avec le rejet qu’inspirent désormais des
bataillons de l’ASL jugés “corrompus“. Majoritairement syrien, le Front
al-Nosra a attiré les éléments radicaux de la rébellion, dont des
jihadistes étrangers. Leur haine des “mécréants“, conjuguée au
jusqu’au-boutisme du régime qui instrumentalise les fractures
confessionnelles, fait planer sur la Syrie, autrefois riche de ses
multiples communautés, le spectre d’une libanisation du conflit. » [ibid].
La bannière noire flotte sur la marmite du diable
Peu de remarques à faire sur une citation qui parle d’elle-même :
marginalisation de l’ASL dont les médias se gargarisaient, prédominance
de troupes djihadistes animés par la “haine des mécréants“, ce qui
traduit en langue vulgaire, signifie une volonté bien arrêtée
d’éradiquer les Chrétiens, les Druzes et les Alaouites, mais également
les Musulmans sunnites dont le zèle religieux ne serait pas pleinement
éprouvé. Nous sommes ici en présence d’un takfirisme très analogue à
celui pratiqué naguère par les « brutes sanguinaires » du GIA [Groupe
islamiste armé] puis du GSPC [Groupe salafiste pour la prédication et le
combat] actifs a en Algérie au cours des années Quatre-vingt-dix, avant
de muer - janvier 2007 - en Al-Qaïda au Maghreb islamique - AQMI. Des
groupes, quelle que soit leur étiquette, qui devraient en principe
refaire parler d’eux, l’Algérie devant possiblement prendre la suite de
la Syrie dans la chaîne ganglionnaire des abcès de
fixation/déstabilisation programmés dans la foulée des “Printemps
arabes“.
Damas tombée, il faudra envoyer ces combattants ingérables tuer et
se faire tuer sur d’autres fronts d’intervention occidentalistes… Un
orage sec couve au Mali qui ne demande qu’à dévêler les dunes vers la
plaine de la Mitidja. Il s’agit de faire d’une pierre deux coups : fixer
sur un théâtre d’opération les éléments les plus virulents et, sous
couvert de guerre sainte – djihad – les mettre au service d’un vaste
dessein toujours d’actualité, celui du projet “Grand Orient“ – Initiative greater Middle East
- lancé par GW Bush en février 2003, lequel vise au remodelage
géographique et politique - au final vis la normalisation exhaustive -
de l’aire arabo-islamique, de l’Atlantique à l’Indus. Une terminologie
qui s’est effacée des écrans mais que l’on voit parfaitement à l’œuvre
en Syrie, après la Libye et avant l’Iran.
La Syrie recycle les djihadistes libyens, tchétchènes, somaliens
Retour au front syrien. « L’étendard des jihadistes, le drapeau
noir frappé du sceau du prophète, flotte sur la base cheikh Souleimane…
Un grand nombre de combattants sont des étrangers, arabes ou originaires
du Caucase » [AFP 9 déc 12], entendez des Tchéchènes, naguère
soutenus en sous-mains par la CIA contre la Fédération de Russie. Ils
combattent ici en compagnie de Daguestanais et d’asiatiques
« s’exprimant en russe ». La dépêche suivante du 10 déc. nous apprend
que le chef de la brigade islamiste Al-Nosra auquel revient cette
victoire est un Ouzbek ! Décidemment Il faut de tout pour faire une
“révolution syrienne“ !
Pourquoi insister ici sur cet ultime épisode ultime de la prise de cheikh Souleimane « dernière garnison gouvernementale d’importance à l’ouest d’Alep »
[ibid] et bien parce que s’y trouve un complexe “scientifique“ pouvant
abriter des armes chimiques ? Le 8 déc. le gouvernement syrien dans deux
missives adressées conjointement au Conseil de Sécurité et à M. Ban
Ki-moon mettait « en garde contre l’utilisation par les groupes
terroristes d’armes chimiques contre le peuple syrien, déplorant
l’inaction de la Communauté internationale après la prise de contrôle
par un groupe terroriste d’une usine privée fabriquant du chlore toxique
à l’est d’Alep » [AFP]. Le groupe mentionné était cette fois encore
Al-Nosra, omniprésent sur tous les points chauds du champ de bataille.
Même topo pour la base la base de cheikh Souleimane où les salafistes se
sont bien gardé de bombarder le « centre de recherche », non pour
épargner la vie des 140 soldats loyalistes qui s’y trouvaient
retranchés, mais dans la crainte d’atteindre un magasin d’armes
chimiques. Des djihadistes bien informés, disciplinés, organisés et
dociles.
Des armes de destruction massives parfaitement opportunes.
Simultanément le Département d’État américain laissait filtrer
l’information selon laquelle l’armée syrienne aurait armé au gaz sarin 1
des bombes destinées à être larguées depuis les airs ! Dans tous les
cas de figure ces armes - réelles sans aucun doute, puisque Damas n’a
pas nié leur existence, jurant de ne point s’en servir contre sa propre
population - seront le prétexte idoine pour une intervention directe.
Que ce soit pour empêcher qu’elles ne tombent entre les mains des
salafistes, parce que l’armée bassiste aurait la velléité d’y recourir
ou parce que Tel-Aviv l’exigera…
L’affaire vient de loin. Le procès de la Syrie à ce motif commence avec la destruction de l’Irak baasiste en 2003. Dès cette époque et jusqu’à l’été dernier, les armes chimiques et bactériologiques ( !) syriennes sont associées dans le cadre d’un même hideux tableau, celui d’un État voyou promoteur du terrorisme anti-démocraties. Une rhétorique équivalente à celle qui a permis de conditionner les opinions publiques occidentales pour leur faire accepter - et même souhaiter - l’intervention manu militari en Mésopotamie 2.
Le 23 août dernier MM. Obama, Cameron et Hollande s’acoquinent dans ce but au sein d’un “ Front Commun“ afin de coordonner leurs actions « en cas d’utilisation ou la menace d’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien ». Le 27 août, le président Hollande précisait que « l’emploi d’armes chimiques par le régime syrien serait une cause légitime d’intervention directe de la communauté internationale ». Le 31 août, M. Fabius se déclare à nouveau prêt à une « réponse immédiate et fulgurante », le ministre rappelant que “l’utilisation d’armes bactériologiques et chimiques par Damas constituerait une ligne rouge [à ne pas franchir] et entraînerait une réaction internationale ». Quant au prédécesseur de M. Fabius au Quai, M. Juppé, celui-ci n’est jamais en reste, envisageant pour sa part une intervention sans feu vert préalable des Nations Unies [NouvObs 2 sept 12]. On ne saurait mieux dire. Saluons au passage la belle unanimité réunissant majorité et opposition unie dans et par de belles perspectives d’idylle belliciste.
In fine
Par le biais de deux lettres identiques - déjà mentionnées - adressées au président du Conseil de sécurité et au Secrétaire général des Nations Unies, le ministère syrien des Affaires Étrangères signalait que le journal turc Yurt avait récemment publié des informations relatives à la fabrication d’armes chimiques près de la ville méridionale de Gaziantep, par des militants d’al-Qaïda, lesquels entendraient les utiliser contre des civils syriens ! À ce propos des séquences de vidéos diffusées sur la Toile donneraient à voir les moyens d’acquérir en Turquie des substances entrant dans la composition de gaz de combat et leurs méthodes de production. Si c’est effectivement le cas, attendons la suite des événements. Celle-ci ne devrait pas trop tarder.
http://www.agoravox.fr
L’affaire vient de loin. Le procès de la Syrie à ce motif commence avec la destruction de l’Irak baasiste en 2003. Dès cette époque et jusqu’à l’été dernier, les armes chimiques et bactériologiques ( !) syriennes sont associées dans le cadre d’un même hideux tableau, celui d’un État voyou promoteur du terrorisme anti-démocraties. Une rhétorique équivalente à celle qui a permis de conditionner les opinions publiques occidentales pour leur faire accepter - et même souhaiter - l’intervention manu militari en Mésopotamie 2.
Le 23 août dernier MM. Obama, Cameron et Hollande s’acoquinent dans ce but au sein d’un “ Front Commun“ afin de coordonner leurs actions « en cas d’utilisation ou la menace d’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien ». Le 27 août, le président Hollande précisait que « l’emploi d’armes chimiques par le régime syrien serait une cause légitime d’intervention directe de la communauté internationale ». Le 31 août, M. Fabius se déclare à nouveau prêt à une « réponse immédiate et fulgurante », le ministre rappelant que “l’utilisation d’armes bactériologiques et chimiques par Damas constituerait une ligne rouge [à ne pas franchir] et entraînerait une réaction internationale ». Quant au prédécesseur de M. Fabius au Quai, M. Juppé, celui-ci n’est jamais en reste, envisageant pour sa part une intervention sans feu vert préalable des Nations Unies [NouvObs 2 sept 12]. On ne saurait mieux dire. Saluons au passage la belle unanimité réunissant majorité et opposition unie dans et par de belles perspectives d’idylle belliciste.
In fine
Par le biais de deux lettres identiques - déjà mentionnées - adressées au président du Conseil de sécurité et au Secrétaire général des Nations Unies, le ministère syrien des Affaires Étrangères signalait que le journal turc Yurt avait récemment publié des informations relatives à la fabrication d’armes chimiques près de la ville méridionale de Gaziantep, par des militants d’al-Qaïda, lesquels entendraient les utiliser contre des civils syriens ! À ce propos des séquences de vidéos diffusées sur la Toile donneraient à voir les moyens d’acquérir en Turquie des substances entrant dans la composition de gaz de combat et leurs méthodes de production. Si c’est effectivement le cas, attendons la suite des événements. Celle-ci ne devrait pas trop tarder.
http://www.agoravox.fr
Notes
(1)
Gaz volatile et corrosif, le sarin est un composé hautement instable
d’acide chlorhydrique, d’isopropanol, de fluorure d’hydrogène, de
trichlorure de phosphore et du difluor. Dans les années soixante l’armée
américaine a mis au point un projectile divisé en deux parties chacune
contenant l’un des composant de ce gaz hautement létal. L’une
accueillait du difluor, la seconde un composé d’isopropanol assorti d’un
catalyseur chimique appelé isopropylamine. L’envoi du projectile de
type obus entrainait la rupture de la membrane de séparation entre les
deux substances chimiques qui se mélangeaient ensuite au cours de sa
trajectoire. Le M 687 armé de gaz sarin a été testé avec succès en 1969.
(2)
En mars 2003, le Secrétaire américain à la Défense, M. Donald Rumsfeld,
accuse la Syrie et l’Iran de fournir des aides à l’armée irakienne.
Puis la responsable du Conseil national de sécurité, Mme Condoleezza
Rice, renouvelle ces accusations et ces avertissements, mais, cette
fois, en les adressant seulement à la Syrie. Le 3 mai, le secrétaire
d’État Colin Powell venait en personne à Damas exposer les griefs
américains et tancer d’importance les autorités politiques syriennes. À
cette époque l’analyse des dirigeants syriens est déjà très négative et
n’exclut pas une future confrontation avec les États-Unis, rappelant
qu’après le 11 Septembre Washington avait maintenu - contre toute
évidence - la Syrie sur la liste des États complices d’activités
terroristes. Le 22 juillet 2003, le New York Times, titrait sur
le développement effectif d’armes chimiques et biologiques par Damas.
M. John Bolton responsable au Département d’État des questions de
désarmement – c’est lui qui en 2002 fait passer à la trappe le protocole
de vérification de la Convention sur les armes biologiques, un comble !
- présente un rapport dans lequel il accuse la Syrie de ne pas donner
les bonnes réponses, constituant ainsi une source latente d’aide au
terrorisme international, une menace réelle pour l’indépendance du Liban
et un danger potentiel pour la région en poursuivant ses programmes
d’armes de destruction massive. En conséquence, le 11 novembre 2003 le
Congrès vote le “Syria Accountability Act“ autorisant le président des États-Unis à promulguer toutes sanctions nécessaires à l’encontre de la Syrie.
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