Ce
qui est devenue l’affaire Depardieu ne cesse, depuis quelques semaines,
d’enflammer la toile et le paysage politique français tout autant que
le monde du cinéma qui révèle, à ceux qui ne s’en doutaient pas encore,
toutes ses détestations et conflits internes. L’acteur Depardieu est
devenu aux yeux des uns un véritable pestiféré, un traître qu’il
convient de dénoncer et de clouer au pilori, pour les autres le symbole
du ras-le-bol et de la fuite des capitaux hors de notre pays du fait de
la trop grande pression fiscale actuelle… Mais ce n’est plus un film,
c’est un feuilleton dont Depardieu est la tête d’affiche, peut-être bien
à son corps défendant d’ailleurs !
Quelques
remarques sur ce feuilleton, en lui-même fort révélateur, à la fois
d’un certain état d’esprit de nos élites comme de nos gouvernants, mais
aussi des contradictions des uns et des autres, et des défauts de cette
République qui va aujourd’hui à vau-l’eau en attendant son discrédit
final et, il faut le souhaiter pour elle, fatal…
Tout d’abord sur les motivations de l’exil fiscal de Gérard Depardieu : partir
pour échapper à l’impôt de son pays me semble, en soi-même, peu
honorable, et c’est faire peu de cas de la solidarité nationale que sont
censés permettre taxes, redevances et impôts directs au profit de la
communauté nationale toute entière, en de multiples secteurs, de
l’enseignement à la santé. Malheureusement, Depardieu,
aujourd’hui emblématique de cette désertion fiscale, a été précédé
depuis bien longtemps par la plupart des grands entrepreneurs et
financiers de ce pays, de nombreux acteurs et chanteurs, mais aussi par
des sportifs qui, comble de l’ironie, portent les couleurs de la France
dans les compétitions internationales, par exemple dans les sports de
raquette ou de nage… D’autres, revenus en nos terres françaises,
rechignent encore à régler leurs dettes envers l’Etat français, tels M.
Noah, ancien sportif reconverti dans la chanson mais aussi soutien
fervent de l’actuel président lors de la campagne électorale de 2012 !
Cela étant, rappelons l’adage bien connu que les socialistes semblent avoir oublié : « trop d’impôt tue l’impôt ». La pression sur les contribuables est forte en France et peut-être même mal répartie, et il semble que l’Etat n’a pas vraiment de stratégie fiscale à long terme,
préférant aller à la facilité sans se poser la question des avantages
et inconvénients (et pas seulement dans le cadre financier) de telle ou
telle imposition (ou augmentation de celle-ci) et sans vraiment remettre
en cause les véritables privilèges de certaines catégories, en
particulier au sein de ce que l’on pourrait nommer « le pays légal »,
c’est-à-dire la classe politicienne et ses nombreux élus… Il est tout de
même surprenant, pour ne pas dire choquant, que ceux-là mêmes qui sont
tenus de voter la loi ou de la faire appliquer se prémunissent contre
les effets de celle-ci quand elle pourrait leur imposer de participer un
peu plus au bon fonctionnement de l’Etat… Les mêmes qui vouent Depardieu aux gémonies ont refusé, il y a quelques mois, de diminuer leur traitement de parlementaire
(tout ceci dans un ensemble touchant et éminemment républicain, de
Droite comme de Gauche, les principales exceptions se recrutant,
d’ailleurs, à Droite…), et de renoncer à quelques avantages fiscaux que leur situation d’élus leur assure, aux frais des finances publiques !
Il est aussi « amusant » de constater que les
dénonciateurs de M. Depardieu en appellent à un « patriotisme fiscal »
quand, dans le même temps, ils moquent le patriotisme économique ou
s’enflamment contre le protectionnisme, et ne cessent de vanter les
mérites de la « citoyenneté européenne » et de la libre circulation des
biens et des personnes au sein de l’Union européenne, mais aussi
au-delà, en arguant des bienfaits de la mondialisation qui va en finir
avec les barrières et les frontières… Il y a là une
contradiction, n’est-ce pas ? Car, comment peut-on reprocher à M.
Depardieu de vouloir s’installer en Belgique (comme il le déclarait en
décembre dernier), qui est bien un pays de l’Union européenne et de la
zone euro, et dans le même temps, comme cela est le discours officiel
depuis nombre d’années, prôner une Europe fédérale qui, si elle
se faisait et appliquait l’harmonisation fiscale, entraînerait un
véritable effondrement des ressources financières de l’ensemble français
? Terrible contradiction dans les discours de nos gouvernants qui,
d’ailleurs, suscite l’amusement dans les milieux européistes et à
Bruxelles, et agace un certain nombre de politiques et contribuables
belges qui n’apprécient guère de voir leur pays pratiquement dénoncé
comme un « paradis fiscal » par le grand pays voisin !
Bien sûr, M. Depardieu a tort de partir,
que cela soit en Belgique ou en Russie ! Et je suis assez nationaliste
pour dire que j’y vois une forme de trahison ! Mais c’est aussi parce
que je suis nationaliste que je dénonce également une République qui n’est plus capable de faire aimer et respecter la France, une République qui passe son temps à fiscaliser quand il faudrait d’abord économiser, qui passe son temps à vanter « l’Europe, l’Europe, l’Europe
» mais sans en accepter les conséquences, qui passe son temps à parler
« mondialisation » (malgré M. Montebourg qui, au moins, a le courage de
remettre en cause cette nouvelle idéologie dominante) sans en mesurer
les conséquences sociales et environnementales…
M. Depardieu a individuellement tort mais c’est bien la République la principale responsable de cette désertion, et cette affaire n’en est que la triste illustration : au grand tribunal de l’histoire, c’est Danton, le fondateur même de ce Tribunal révolutionnaire qui le condamne à la mort, qui est guillotiné au temps de la Terreur mais c’est la Terreur, celle de la 1ère République, qui est néanmoins condamnée aux yeux des hommes et des générations qui suivent…
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