La société Rexma pourra exploiter une zone proche du Parc national. L’impact s’annonce catastrophique.
Il s’appelle Limonade, du joli
nom d’une crique de Guyane française, mais recèle tous les ingrédients
d’un cocktail explosif pour Arnaud Montebourg. Le 26 octobre, le
ministère du Redressement productif a accordé à la société française
Rexma le permis d’exploiter l’or alluvionnaire dans le secteur de la
crique, à proximité du village de Saül, en lisière du Parc national de
Guyane. La publication du permis Limonade au Journal officiel,
le 11 décembre, a mis le feu aux poudres : la centaine d’habitants de ce
village, situé en pleine forêt amazonienne, à 250 kilomètres du
littoral, combat ce projet depuis 2005 et a ressenti cette décision
comme un camouflet. Elle a immédiatement rédigé une pétition pour
manifester sa colère.
«Miner». La contestation
ne cesse de croître. Le 21 décembre, les associations WWF, France
Nature Environnement et Guyane Nature Environnement accusaient
Montebourg de «miner le plus grand parc national français». Le 8 janvier, la fondation Nicolas-Hulot demandait au gouvernement d’annuler cette «autorisation incompréhensible». Quant
au parc amazonien de Guyane, créé en 2007, sa direction vient de
réaffirmer son opposition, maintes fois exprimée depuis 2008. Elle
rappelle que «plusieurs services de l’Etat [Direction régionale de
l’environnement, Direction de l’agriculture et de la Forêt, Office
national des forêts] et le préfet de l’époque» s’y étaient aussi
opposés. Jeudi, c’est un collectif de scientifiques (1), spécialistes de
la biodiversité guyanaise et de l’impact de l’orpaillage, qui a adressé
à Montebourg une lettre ouverte, très argumentée, pour l’enjoindre de
reconsidérer sa décision.
Au ministère, on rétorque que
l’autorisation a en fait été accordée à Rexma le 2 mai par le
gouvernement précédent, et que la validation du 26 octobre n’était
qu’une formalité obligatoire pour publication au JO. Mais à Saül, la population est tombée des nues. «On pensait en avoir fini avec ce feuilleton», résume Christian Roudgé, coordinateur de Guyane Nature Environnement.
Le Schéma départemental
d’organisation minière, entré en vigueur en janvier 2012, interdit en
effet toute exploitation minière sur le territoire de Saül. Mais la
société Rexma a bénéficié de l’antériorité de sa demande de permis,
déposée en 2008, et a obtenu une autorisation pour cinq ans. «Le temps de déboiser, polluer les rivières, détruire le cadre de vie des habitants de Saül, ruiner l’activité touristique…» soupire Roudgé.
Le Parc de Guyane s’interroge aussi sur
«la cohérence d’une décision qui va faire émerger une activité
temporaire et néanmoins durablement dégradante pour l’environnement».
L’exploitation aurifère ira aussi à l’encontre de la «solidarité
écologique» que la loi de 2006 sur les parcs nationaux impose entre la
zone cœur et la zone périphérique de ces établissements publics.
La crique Limonade se situe à
quelques kilomètres en amont du cœur du parc, et les boues générées par
l’extraction de l’or affecteront cette zone protégée. «L’activité aurifère sera à l’origine de la destruction inévitable de milieux naturels et aquatiques jusqu’alors préservés», écrit la direction du parc.
Même si Rexma n’utilisera pas de mercure, désormais interdit pour extraire l’or, «l’extraction entraînera un relargage de cette substance très toxique dans la chaîne trophique»,
souligne Sébastien Brosse, chercheur en écologie aquatique (université
Paul-Sabatier de Toulouse-CNRS), un des signataires de la lettre à
Montebourg. Saül a été en effet un haut lieu de l’orpaillage depuis la
fin du XIXe siècle, son sous-sol et ses eaux sont gorgés de mercure.
Selon l’étude d’impact de Rexma,
le permis recouvre une zone de 200 hectares de forêts primaires, qui
recèle 16% des espèces remarquables régionales, 127 d’orchidées,
286 d’oiseaux, 52 de batraciens, ou encore 160 espèces de vertébrés
protégés ou déterminants… Saül est aussi considéré comme le «château d’eau de la Guyane, ajoute Christian Roudgé. C’est dans cette zone que la plupart des fleuves prennent leur source».
Pêche. L’exploitation
aurifère priverait, enfin, les habitants de leur seule zone de pêche, la
crique Limonade, et mettrait en péril l’activité économique fondée sur
l’écotourisme depuis vingt ans. Le ministère du Redressement productif
assure avoir demandé au préfet de Guyane, qui doit délivrer
l’autorisation de début des travaux, de «consulter au préalable toutes les parties concernées». En attendant, trois grosses pelles mécaniques sont arrivées chez Rexma, à Saül.
Notes :
(1) CNRS, Inra, Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture…
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