PARIS (NOVOpress) - Lundi soir sur France 2, l’émission Mots croisés
donnait la parole à quelques acteurs du débat sur l’ouverture du
mariage aux homosexuels : Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du
gouvernement ; Henri Guaino, ancienne plume de Nicolas Sarkozy ; Bruno
Gollnisch du FN ; Barbara Pompili, co-présidente du groupe EELV à
l’Assemblée et l’abbé Grosjean du diocèse de Versailles. Un constat
s’impose : le camp des “anti” a remporté la bataille. C’est si rare que
la droite gagne un débat d’idées qu’il est important de le noter. On
peut tirer plusieurs leçons de cette foire d’empoigne qui, pour une
fois, n’a pas viré à la victoire triomphante du camp autoproclamé du
Progrès.
D’abord, ce débat sur une question essentielle, anthropologique même
puisque le mariage homosexuel interroge notre regard sur la nature de la
famille et sa place dans la civilisation, a permis à la droite… d’être
vraiment à droite. Et ce de plusieurs manières. D’abord en défendant la
famille contre les savants fous de la majorité, 343 alchimistes en tout
et pour tout*, qui prétendent décider entre eux, confortablement
installés dans leurs bancs rembourrés, de détruire cette institution
plurimillénaire qu’on appelle la famille en la vidant de son essence
même : la parité et la complémentarité homme-femme, père-mère. L’un des
moments forts du débat fut le récit de son enfance par Henri Guaino, « élevé par deux femmes », sa mère et sa grand-mère : «
Vous ne me feriez pas dire que deux personnes de même sexe ne peuvent
pas donner un immense amour à leurs enfants (…) Je n’aurais permis à
personne de dire que ce n’était pas ma famille ». Mais « Vous
ne saurez peut-être jamais toutes les blessures et les douleurs d’un
enfant qui n’a pas eu de père (…) Les enfants qui n’ont pas de père ont
des blessures secrètes ». A ce moment précis, la droite était le
camp de l’émotion. Evidemment, celle-ci fut si souvent au pouvoir ces
dernières décennies que la gauche avait oublié ce que ça faisait que
d’être dans le camp des révolutionnaires froid et obtus. Ce débat le lui
a rappelé. Najat Vallaud-Belkacem et Barbara Pompili ont donc été bien
en peine de répliquer. La défense de la famille a permis à la droite de
redécouvrir les valeurs que, sur le plan économique, elle a sacrifié sur
l’autel de la compétitivité : la tradition, l’expérience, la prudence,
la notion éthique et morale de limites, le respect du produit de la
sagesse accumulée des siècles passés. Enfin, la droite s’assume réactionnaire
dans le noble sens du terme : face au rouleau compresseur de la table
rase, elle ne baisse pas les yeux devant ce qu’on lui présente comme un
inéluctable progrès – alors qu’elle le ressent intimement comme une
régression barbare. Elle ne peut pas s’empêcher de témoigner de son
écœurement. Bref, elle réagit !
Ensuite, la droite redécouvre la démocratie directe, qu’elle avait
passablement ignorée en 2007, lors du passage en force du Traité de
Lisbonne par les députés français alors que le peuple l’avait refusé
sans ambiguïté par référendum deux ans plus tôt. Durant toute
l’émission, Guaino comme Gollnisch (et l’abbé Grosjean) n’ont cessé de
parler de la nécessité de faire « participer le peuple à la décision », pour « apaiser tout le monde », plutôt que de « diviser les Français », et d’appeler par conséquent à la « responsabilité du chef de l’Etat ».
De fait, la gauche se retrouve du côté des pères fouettards,
autoritaires et sans cœur, pendant que la droite – c’est encore plus
rare ! – est du côté du peuple. Deuxième victoire haut la main !
Bruno Gollnisch a démonté l’égalitarisme de façade de Najat
Vallaud-Belkacem qui écartait l’hypothèse de la GPA (Gestation pour
autrui, par mère porteuse) alors qu’elle sait fort bien qu’après la PMA
(promise pendant quelques mois par la majorité), les homosexuels
reprocheront au gouvernement de les avoir placé en situation d’inégalité
avec les lesbiennes. Une nouvelle majorité de gauche devra donc combler
cette différence au nom de l’égalité comme elle le fait aujourd’hui
pour l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe. Comme dans les
années 70, lorsque Simone Veil promettait que l’avortement serait
toujours très sérieusement encadré. Mais dans les années qui suivirent,
on fit sauter l’obligation pour la jeune fille de voir un psychologue,
d’être accompagné par ses parents, … C’est la spirale infernale de toute
libéralisation depuis 40 ans : de l’avortement sous condition à
l’avortement par tous et du PACS au mariage gay avant de passer de la
PMA à la GPA, c’est-à-dire à la marchandisation du corps de la femme.
Habilement, la droite se retrouvait donc dans le camp du féminisme
intelligent. En plus d’être pertinente sur l’analyse historique et en
termes de prospective, la droite restait dans le camp du Bien. Troisième
victoire !
La quatrième victoire est évidente : c’est l’union des droites tout simplement.
Durant tout le débat, Guaino et Gollnisch jouèrent en double avec une
harmonie certaine, le premier amenant de la douceur et du sentiment, le
second rappelant le premier à l’ordre quand celui-ci versait dans
l’anti-homophobie de rigueur. Cette collaboration inopinée permit de
montrer qu’il existe bien une Droite au sens philosophique du terme, qui
transcendance les divergences partisanes et qui défend des valeurs
simples que les électeurs de la droite gouvernementale comme de la
droite nationale ont à cœur : la défense inconditionnelle de la famille,
la protection de l’enfant, le respect des valeurs et des institutions
traditionnelles, …
Enfin, à l’image de l’ensemble des discussions sur le sujet depuis
plusieurs mois, la vraie révolution c’est qu’on a jamais vu l’Eglise
aussi présente, depuis 1905, dans un débat public. Les Français,
lentement mais sûrement, se réhabituent à entendre la voix de l’Eglise
dans la société. Et qui sait, peut-être même que des diocèses ici ou là
voient de nouvelles ouailles curieuses arriver à tâton dans les églises,
intriguées par ces curés frondeurs qui osent dire ce qu’ils pensent.
Que le projet de loi Taubira soit adopté ou non, il aura au moins
contribué à fissurer un peu plus le mur de la pensée unique, offert une
tribune nouvelle à l’Eglise et montré que des droites adversaires par
ailleurs se retrouvaient du même côté de la barricade sur l’essentiel.
Il y a toutefois une chose importante à rappeler. Certes, l’argument
du référendum est une carte efficace à brandir devant l’intransigeance
d’un gouvernement sourd à l’appel de la rue. Il permet aussi de gagner
du temps et, pour cela, il faut en user et en abuser. Mais il
sous-entend également que, si le résultat est favorable à la majorité
socialiste, alors il faudra gentiment courber l’échine et accepter
l’inacceptable, puisque la majorité aura parlé… Le risque, c’est donc la
neutralisation démocratique de l’opinion. On ne soumet pas la barbarie
au bulletin de vote. On la combat. Sans concession.
* Etrange coïncidence : le texte phare des années 70 qui lança
le débat sur la légalisation de l’avortement était le Manifeste des
343.
Frédéric Barnier http://fr.novopress.info
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