"Le Printemps français surprend. Les premiers surpris sont celles et
ceux qui se sont lancés dans l'aventure. On ne prévoit pas qu'on va se
révolter. Le Printemps français est une insurrection de la conscience.
D'où la référence à Antigone (la vraie, celle de Sophocle). Bien sûr, il
dérange. Il n'irrite pas seulement le pouvoir en place, mais aussi les
tenants d'un conformisme de béton armé. Vite, pour qu'il ne gêne pas, on
lui colle des étiquettes. A l'instar des généraux qui appliquent la
stratégie de la guerre précédente, on le range dans des catégories
obsolètes. Peine perdue. Le Printemps français est nouveau. Il est la
première insurrection pacifique de la France d'en bas contre la pensée
unique d'une oligarchie politique, financière et médiatique. Attaquer la
pensée dominante était le privilège des intellectuels. Cette fois, les
simples citoyens s'y mettent. Une démocratisation de l'esprit critique.
Cette
révolte répond à un inconcevable mépris. Combien de millions faut-il
être dans la rue pour mendier l'attention du président ? Le Printemps
français est un cri des masses contre un arrogant déni de démocratie. [...]
Phénomène
générationnel ? En partie, sans doute. Mais, dans sa spontanéité et son
polycentrisme, le Printemps français mêle les générations. Beaucoup de
jeunes, mais pas seuls. Et ces jeunes, affranchis du jeunisme
contemporain, se sont emparés de ce qui manque le plus souvent à la
jeunesse : le sens de la durée. Influence chrétienne ? Pour une part,
dans la mesure où le christianisme, par la solidité de sa tradition
bimillénaire, apporte le recul intellectuel et la force morale de
résister au prêt-à-penser d'une époque. [...]
Il s'agit,
non de l'arrière-garde que certains ont évoquée, mais d'une avant-garde,
avec cette originalité de ne pas être une élite mais une multitude. Le
passéisme, c'est de projeter dans l'avenir les préjugés et les illusions
du présent en train de passer. Ainsi agissent ceux qui se couchent
devant un prétendu "sens de l'histoire", expression provisoire
de rapports de force condamnés à changer. L'avant-garde, au contraire,
repose sur celles et ceux qui discernent en demain sa lumineuse part de
durable, d'intemporel.
Le
Printemps français ne veut pas du cliché populiste qui consiste à
renvoyer dos à dos la droite et la gauche, mais il brandit les exigences
morales d'un humanisme universaliste dont nul courant politique digne
de ce nom ne peut se passer. Il ne se prétend pas au-dessus des partis,
mais au contraire, il se situe au niveau de leur soubassement : il
défend le socle de la vie démocratique, les fondements du
vivre-ensemble, les libertés sans lesquelles la société devient
invivable. [...]"
Michel Janva http://www.lesalonbeige.blogs.com/
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