Communiqué du Groupe Cambacérès - Bien que la loi ait été votée,
les opposants au mariage dit « pour tous » continuent de se
mobiliser, à Paris et dans les grandes villes de province. Le Groupe Cambacérès,
un collectif de hauts fonctionnaires qui regroupe 83 anciens élèves de l’ENA
répartis sur 34 promotions de 1966 à 2012, interpelle ici François Hollande.
Anciens élèves de l‘École Nationale d’Administration, nous avons choisi de servir l'État, le service public, l'intérêt général.
Anciens élèves de l‘École Nationale d’Administration, nous avons choisi de servir l'État, le service public, l'intérêt général.
C'est
cet engagement qui motive et justifie l'alerte que nous lançons, car la loi
ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe portera gravement
atteinte à l'intérêt général ou, pour reprendre les termes de l'article 1er de
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, à "l'utilité
commune".
Ce texte a une
apparence : étendre un droit au nom de l'égalité. Il a une réalité : créer
par une fiction juridique une inégalité entre enfants au nom de l'égalité des
adultes, en instaurant un droit à l'enfant.
La revendication
d'égalité n'est légitime que lorsqu'elle porte sur des situations comparables. En cohérence avec sa jurisprudence
constante, le Conseil constitutionnel a ainsi jugé en janvier 2011 que l'impossibilité
du mariage entre personnes du même sexe ne portait pas atteinte au principe
d'égalité, au motif que la loi peut traiter de manière différente des
situations différentes, et qu'en l'espèce, au regard du mariage, le couple que
forment l'homme et la femme et celui que peuvent former deux hommes ou deux
femmes ne sont pas, qu’on le veuille ou non, dans la même situation. Mais on
peut aller plus loin, et soutenir que le principe d'égalité, correctement
entendu, s'oppose à ce que la loi prétende étendre le mariage aux couples de
même sexe, car traiter également des situations différentes ne crée pas moins
d'injustice que traiter différemment des situations comparables.
Si,
au nom d'une conception abusive du principe d'égalité, le mariage est ouvert
aux personnes du même sexe, les couples mariés auront tous, exactement, les
mêmes droits et devoirs. Cette égalité ne poserait guère de difficulté si
le mariage n'était qu'un contrat entre deux adultes. Mais le mariage n'est justement pas que cela : il est
indissociable de tout le droit de la famille, de la filiation, de la parenté en
droit français (contrairement à d'autres pays ayant légalisé le mariage
entre personnes du même sexe).
Peu
importe, dès lors, que la loi ne contienne à ce stade aucune disposition
étendant explicitement aux couples homosexuels la possibilité de recourir à la
procréation médicalement assistée (PMA) : l'identité du régime matrimonial
entraînera inéluctablement l'identité des droits, en vertu du principe de
non-discrimination. Si deux femmes peuvent se marier, la Cour européenne des
droits de l'homme imposera qu’elles puissent recourir, tout comme le couple
formé d'un homme et d'une femme, à la PMA. Et nul pouvoir français, ni
exécutif, ni législatif, ni judiciaire, ne pourra s'y opposer. Quand cette
étape aura été franchie, ce qui ne sera qu'une question de temps, la même
exigence d'égalité imposera que deux hommes mariés puissent avoir accès à la
filiation, par le moyen de la gestation pour autrui (GPA). Au nom du droit à l'enfant.
Comme 170 juristes l'ont écrit au Sénat, "le désir d'enfant de
personnes de même sexe passe par la fabrication d'enfants (...). Le projet de
loi organise donc un marché des enfants, car il le suppose et le
cautionne. En l'état, ce texte invite à aller fabriquer les enfants à
l'étranger, ce qui est déjà inacceptable, en attendant de dénoncer l'injustice
de la sélection par l'argent pour organiser le marché des enfants en
France". Monsieur le Président de
la République, ce n'est ni un fantasme, ni une extrapolation, mais la
conséquence inéluctable de cette loi. Où est l'intérêt général ?
Le
texte ouvre aux personnes du même sexe l'adoption plénière. Spécificité du
droit français depuis la loi du 11 juillet 1966, ce régime, à la différence de
l'adoption simple, rompt tout lien avec les parents biologiques. Un
enfant ainsi adopté sera juridiquement réputé "né de deux hommes ou de
deux femmes". C'est alors tout le droit français de la filiation qui se
trouvera remis en cause : dans deux arrêts du 7 juin 2012, la Cour de cassation
n'a-t-elle pas qualifié l'altérité sexuelle de "principe essentiel du
droit français de la filiation"? C'est aussi oublier que l'adoption
n'a pas pour objet de donner un enfant à un couple qui ne peut en avoir, mais
de donner des parents à un enfant qui a perdu les siens. Au nom de l'intérêt
d'adultes en mal d'enfant, et en violation de la Convention internationale des
droits de l'enfant qui impose de faire prévaloir l'intérêt supérieur de l'enfant,
cette situation créera une inégalité profonde entre les enfants. Citons encore
les juristes : "L'enfant adopté par deux hommes ou deux femmes sera doté
d'éducateurs, d'adultes référents, mais privé de parents car ces
parents de même sexe ne peuvent lui indiquer une origine, même
symbolique. Il sera en réalité deux fois privé de parents : une première
fois par la vie, une seconde fois par la loi". Monsieur le Président de la République, ce n'est ni un fantasme, ni une
extrapolation, mais la conséquence inéluctable de cette loi. Où est l'intérêt
général ?
À
cause de tout ce qu'il induit pour la vie et le statut des enfants, ce texte
suscite une opposition pacifique mais déterminée, massive et croissante, que le
vote précipité de la loi ne fera pas taire. Les manifestants ont été ignorés, caricatures, traités de ringards,
d'homophobes. Leur décompte officiel, à Paris les 13 janvier et 24 mars, relève
de ce que le droit public appelle l'erreur manifeste d'appréciation. Le Conseil
économique, social et environnemental a été saisi d'une pétition signée par
près de 700 000 personnes, première application de la loi constitutionnelle de
juillet 2008. Il s'est déclaré incompétent au motif que la question portait sur
un projet de loi ; ceci après que son Président, hors de toute procédure, eut
cru bon de saisir le Premier ministre pour recueillir ses instructions. Dans ce
contexte, les commentateurs semblent s'étonner d'une radicalisation -
heureusement pacifique - du mouvement. Mais comment s'en étonner? Et si rien
n'est fait, nul ne sait jusqu'à quel point la cohésion nationale sera gravement
et durablement ébranlée. Monsieur le
Président de la République, ce n'est ni un fantasme, ni une extrapolation, mais
la conséquence inéluctable de cette loi. Où est l'intérêt général ?
Monsieur
le Président de la République, il n'est pas trop tard pour sortir par le haut
de cette impasse. Des solutions existent, dont vous seul avez la clef.
"La souveraineté
nationale appartient au Peuple qui l'exerce par ses représentants et par la
voie du référendum". Michel
Crozier écrivait qu'on ne change pas la société par décret. On ne change pas de
civilisation par une simple loi. L'objection selon laquelle l'article 11 de la
Constitution ne s’appliquerait pas aux sujets "sociétaux" nous paraît
spécieuse. Le mariage, la filiation, l'adoption sont par essence des
questions "sociales". Un
référendum est donc possible, et démocratiquement légitime. À condition que
la question posée soit parfaitement claire, et que soit bien comprise la portée
réelle du texte: les Français doivent être conscients qu'il est juridiquement
impossible d'accepter le mariage entre personnes du même sexe sans donner du
même coup à ces couples le droit à l’adoption et à la PMA.
Une autre option
existe : retirer ce texte.
Deux chefs d'État ont ainsi écouté le Peuple, François Mitterrand en 1984 à
propos de l'école libre et Jacques Chirac en 2006 à propos du CPE - deux mois
après le vote du texte. Monsieur le Président de la République, vous déclariez
à l’époque, évoquant un "immense gâchis" : "Il
suffirait d'un mot, un seul, que le pouvoir hésite à prononcer : l'abrogation.
Quand on a fait une erreur, il faut savoir
l'effacer" ; et vous demandiez : "À quoi sert d'attendre la prochaine manifestation ?".
l'effacer" ; et vous demandiez : "À quoi sert d'attendre la prochaine manifestation ?".
Il
serait alors temps de créer l'union civile entre personnes du même sexe, leur
conférant les mêmes droits sociaux, fiscaux, patrimoniaux que les couples
mariés à la notable et légitime exception des droits relatifs à la filiation,
comblant ainsi les lacunes du Pacs et permettant la reconnaissance de cette
union par un officier d'état civil, et d'engager un débat public sur la demande
sociale d'un statut de "beau-parent", pour les configurations
familiales dans lesquelles des personnes hétérosexuelles ou homosexuelles souhaitent
pouvoir partager ou se voir déléguer l'autorité parentale, en l'absence d'un
lien de filiation. Un tel projet ne diviserait pas, mais rassemblerait sans
doute, contrairement au texte voté, une large majorité, et l'intérêt général en
sortirait grandi.
Monsieur le Président
de la République, vous avez déclaré que vous ne seriez pas "le chef de la
majorité", que vous auriez "toujours le souci de la proximité avec
les Français". Le premier de vos engagements n'est-il pas d'être le garant
de la cohésion nationale, et le rassembleur de tous les Français - les Français
d'aujourd'hui et ceux de demain ?¢
Le Groupe Cambacérès http://www.francepresseinfos.com/
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