Quelle
joie d'entendre à nouveau cela de la bouche du pape François : les
créatures de Dieu ! Comme c'est beau et évocateur ! Et juste, puisqu'il y
aussi les bêtes, la nature !
Depuis
des années, je t'entendais parler que de la "vie", du "respect de la
vie" et c’était là un discours rien moins que clair. Il y aurait
énormément à dire. Mais, en gros, on avait l’impression que « la vie »,
cette vie martelée jusqu’à saturation par un certain catholicisme, elle
était de plus en plus étrange, de plus en plus réduite et pour tout
dire, de plus en plus morte ! La vie, c’était d’abord la vie
exclusivement humaine (tant pis pour les autres créatures de Dieu !)
puis on comprenait implicitement que la vie, c’était avant tout celle de
l’embryon, et pour finir on apprenait que la vie à défendre, c’était
celle des cellules embryonnaires !
C’est
à dire que la vie, c’était tout sauf la réalité de la Création dans sa
totalité et dans sa réalité naturelle et historique. On était donc en
plein réductionnisme glacé, à la remorque des définitions les plus
contingentes et les plus passagères de la vie par les biologistes, les
biochimistes, les généticiens qui, eux, sont, heureusement, parfaitement
conscients du caractère approché, régional et provisoire de leurs
conceptualisations et donc de la contingence historique de leurs
paradigmes.
Cette
réduction de la religion au « respect de la vie » à l’embryolâtrie, à
la cytolâtrie (je rappelle que la cytologie est la science qui étudie le
vivant au niveau de la cellule), son origine historique et ses
fonctions ne sont que trop évidentes. La cellule vivante que nous
devrions adorer et respecter, elle est effectivement vivante mais comme
l’individu du capitalisme pourrissant : elle se nourrit, elle excrète,
et basta ! Cette vie de type embryonnaire ou cellulaire, évidemment
inconsciente et apathique, promue jusqu’à l’obsession, c’est bien celle
qui est imposée aux hommes adultes par l’industrie culturelle du
capitalisme pourrissant.
Et
c’est effectivement le modèle de vie que nous proposait depuis trente
ans peut être l’Église qui avait choisi, consciemment ou non, d’ignorer
la complexité proprement épistémologique et historique des conceptions
de la vie pour être à la traîne et à l’affût des analyses partielles et
régionales de la biologie.
Alors,
il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour commencer à percevoir par
quel truchement cette conception étrange de la vie a pris la place de la
vie réelle, historique dans la théologie contemporaine.
C’est
un résultat parmi bien d’autres de la glaciation mentale générale qu’a
induit peu à peu le capitalisme le plus âpre, et que l’on désigne
habituellement par le concept de réification. On pourrait citer par
exemple l’animal de ferme devenu une pure machine à produire de la
viande et on a confirmation d’une profonde cohésion dans l’horreur de la
réification en remarquant que la divinisation de la vie cellulaire est
corrélative du plus profond oubli et mépris de l’animal de laboratoire
pour lequel la gent pseudo-catholique dressée (il n’y a pas d’autre mot à
ce niveau de non-pensée) à l’adoration des cellules n’a jamais, jamais
eu la moindre trace de compassion. Il y aurait encore beaucoup à dire en
suivant le chemin que je viens de tracer mais cela serait long et
complexe. Je dois, en conclusion, aller à l’essentiel.
On
avait cru comprendre que le christianisme était la religion de la
divinisation de l’homme lors de son retour à Dieu par la médiation de
Jésus christ et à travers les acquis de l’expérience mystique. C’est
peut-être par le rappel de cette expérience mystique que l’Église aurait
pu éviter de se donner le ridicule de l’adoration des cellules
embryonnaires et de l’oubli corrélatif d’une création, hommes et bêtes,
qui vit certes mais dans un tout autre sens, phénoménologique et
existentiel, et qui, souvent, souffre. Mais peut être aussi que certains
avaient intérêt à faire oublier l’expérience mystique et à transmuter
l’Église en une confrérie proposant pour tout objet à ses fidèles
l’adoration pleurnicharde des cellules « humaines ».
Difficile de trouver un meilleur moyen de crétinisation et d’infantilisation, il faut l’avouer.
Espérons
que le cauchemar de la prosternation devant les cellules embryonnaires
va prendre fin avec le pape François. Il semble, lui, se souvenir que
les Évangiles, ce n’est pas une adoration figée et stuporeuse de la
matière, fut-elle organique, mais une histoire pathocentrée qui se passe
entre des êtres vivants et souffrants et leur Créateur.
Jacques-Yves Rossignol
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