dimanche 12 mai 2013

Paradoxes printaniers par Georges FELTIN-TRACOL


Madame, Mademoiselle, Monsieur, Chers Amis et Lecteurs du site,
• Le Cercle Eurasia organise une conférence consacrée à « La voie eurasiste » avec les interventions d’Alexandre Douguine, « L’eurasisme hier et aujourd’hui », et d’Alain de Benoist, « L’eurasisme contre le libéralisme », le samedi 25 mai à partir de 16 h 00, 4, place Saint-Germain, Salle Lumière, 75006 Paris (7 €; 5 € pour les étudiants et les chômeurs).
• Le même jour, à Lyon, à 14 h 00, Tomislav Sunic fera une conférence sur « L’occidentalisme contre l’Europe » à l’invitation du G.U.D. – Lyon et d’Europe Identité. P.A.F. : 3 € et pour les informations et l’inscription obligatoire :
CONFERENCE.SUNIC@YAHOO.FR
• Nous vous rappelons la parution aux « Bouquins de Synthèse nationale » du nouvel essai de Georges Feltin-Tracol, Bardèche et l’Europe. Son combat pour une Europe « nationale, libérée et indépendante », 2013, 18 € + 3 €. À commander au :
• Le 10 mai dernier, de 21 h 00 à 23 h 00, Georges Feltin-Tracol était l’invité de M. P.G.L. sur « Méridien Zéro » afin de parler des « Enfants terribles de la Grande Europe : Viktor Orban – Alexandre Loukachenko ». L’émission peut être écoutée à la demande sur le site de M.Z.
Très bonne écoute !
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Quel paradoxe ce printemps 2013 ! De fraîches températures avec parfois encore de la neige fin avril et une pluie abondante. Mais oublions ces mauvaises conditions météorologiques et attachons-nous plutôt à percevoir les incidences politiques de la loi Taubira sur le « mariage » homosexuel. Copieux paradoxes d’ailleurs !
Le premier, lexical, touche au « mariage » homosexuel qui devient selon les méthodes éprouvées de la novlangue un « mariage pour tous ». Grossier mensonge ! En effet, tout le monde souhaite-t-il convoler en justes noces ? Les enquêtes sociologiques démontrent au contraire une proportion croissante de célibataires jamais mariés ou plus ou moins récemment divorcés. L’expression fallacieuse propagée par les médiats signifierait la fin des ultimes discriminations. Or il persiste des ségrégations durables dans le droit hexagonal, ce qui témoigne finalement de la mentalité rétrograde des gouvernants. Voté en avril 2006 (article 144 du Code civil) au nom d’un féminisme exacerbé, l’âge légal du mariage est passé à 18 ans pour les filles au lieu de 15 ans. Et puis, le mariage demeure une dualité, y compris avec des personnes de même sexe. On est déjà en droit d’imaginer dans quelques années la revendication du « mariage avec tous »… Des inégalités indubitables demeurent donc dans la loi avec l’assentiment tacite de Christiane Taubira et de Najat Vallaud-Belkacem.
Conscient de l’existence de ces restrictions, le facétieux député Ligue du Sud du Vaucluse, Jacques Bompard, avait ironiquement déposé quelques amendements provocateurs tendant à prendre en compte toutes les situations conjugales possibles et imaginables. Il les avait retirés avant leur discussion, mais il faut se souvenir que l’un aurait permis le mariage pour et avec les mineurs, qu’un autre, « pour supprimer toute forme de discrimination, […] conviendrait [d’étendre le mariage] à toutes les formes de famille, sans distinction de sexe, d’orientation sexuelle, d’origine, de nombre, d’âge ou de lien de parenté » et qu’un troisième légaliserait la polygamie puisqu’il faut « étendre à toutes formes de couples et à toutes formes d’amour la possibilité de contracter mariage (1) ». Sur ce dernier point, la polygamie est loin d’être une incongruité socio-historique, surtout si elle se présente en polygynie (un homme et plusieurs femmes). La question du « mariage » gay secoue aussi les États-Unis. Des groupes inattendus suivent avec un grand intérêt le débat. Entrepreneur dans l’Utah, Joe Darger est un mormon fondamentaliste. À l’encontre du mormonisme officiel qui l’a interdit, il vit avec trois femmes et a eu vingt-cinq enfants. Il approuve qu’Obama soit favorable au « mariage » homosexuel, car s’il est adopté, « alors on pourra se battre encore un peu plus pour rétablir la polygamie. Après tout, ce ne sont que deux modes de vie différents et le gouvernement ne devrait pas nous dicter ce que l’on peut faire dans nos chambres à coucher (2) ».
La polygynie serait un excellent moyen de relancer la démographie autochtone à la condition impérative que seules les familles de racines européennes bénéficient de l’exclusivité des allocations familiales. Bien entendu, socialistes et droitards restent hostiles à cette solution jugée trop « patriarcale ».
Le deuxième paradoxe se rapporte aux nombreuses manifestations. Vivant dans leur bulle ouatée, journalistes et politiciens ont été surpris par l’ampleur gigantesque de l’opposition au « mariage » homo en dépit de leurs vaines tentatives de falsifier la participation. Lancé au départ par une « fille de pub » assez loufoque, plus habituée des boîtes de nuit que des tribunes publiques, le mouvement a été largement soutenu, relayé, financé par des laïcs, des paroisses et des diocèses de l’Église catholique. Le Système a vu surgir sur les boulevards des grandes villes une vague de jeunes gens calmes et déterminés. Les enfants spirituels de Jean-Paul II et de Benoît XVI venaient de se dresser contre un péril majeur d’ordre moral aux répercussions sociologiques profondes. Cette incroyable mobilisation se prolongera-t-elle ? Arrivera-t-elle à mobiliser avec une ardeur identique la révision prochaine des lois bio-éthiques et/ou la légalisation de l’euthanasie (qui sera bientôt considéré par le Régime comme le meilleur moyen de régler les retraites) ? Parviendra-t-elle à contester la réforme inique du quotidien familial et la fin de l’universalité des prestations familiales ? On le souhaite.
Le paradoxe tient ici à la défense du mariage dit traditionnel qui est, en réalité, une union laïcisée. En septembre 1791, l’Assemblée nationale constituante n’en fait plus l’un des sept sacrements du catholicisme (et de l’Orthodoxie) mais un « contrat civil ». Ainsi des centaines de milliers de manifestants ont-ils défendu un acquis de la Révolution française… Cela confirme que, loin d’être des réactionnaires acharnés, ce ne sont que des conservateurs. N’en déplaise à certains qui voudraient abroger la loi Taubira, celle-ci demeurera et, dans quelques décennies, les mêmes défendront la « normalité homoconjugale » contre la reconnaissance polyconjugale. En revanche s’imposera une évidente transgression éthique à la législation de la Ripoublique hexagonale pour ceux qui voudraient convoler en ignorant sciemment la loi du 8 avril 1802 qui contraint à se marier civilement avant de passer devant un religieux. L’insoumission débute toujours par de petits détails qui, répétés des milliers de fois, troublent enfin le pseudo-ordre public…
Assisterait-on à une effervescence populaire similaire sur d’autres sujets comme le droit de vote des étrangers ? Probablement pas, car, sur ce thème, l’Église donne des gages au Régime. Dans le diocèse de Lyon du cardinal Barbarin, très en pointe contre la loi Taubira, les Roms sont hébergés dans les locaux de l’évêché et sont aidés par des ecclésiastiques. La Conférence des évêques de France vient de se donner comme nouveau président Georges Pontier, l’archevêque de Marseille, qui n’a jamais caché sa position en faveur de l’immigration, y compris clandestine (3). Pour l’Église conciliaire, l’identité ethnique n’est pas une priorité.
Le troisième paradoxe révèle la naïveté et l’attitude impolitique des responsables de cette lame de fond populaire. Il est symbolique que sa fondatrice se surnomme Frigide Barjot. Pour la circonstance, la folie a laissé la place à la frigidité politique d’une égérie médiagogue (4) qui, au lieu de franchir le Rubicon, a préféré complaire aux médiats dominants et camper sur la berge.
Avec une telle masse et un vibrant désir d’action, des conducteurs avisés de foules auraient pu transformer ce légitime mécontentement en menées déstabilisatrices pour le Pouvoir. Au contraire, la « Déjantée des Bisounours » a exprimé sa complicité objective avec le Système en appelant à la délation, à la dénonciation et même à l’incarcération des manifestants les plus organisés, les plus actifs et les plus déterminés. Virginie Merle (épouse Tellenne) aurait pu être une remarquable pétroleuse anti-gouvernementale. Elle n’est qu’une petite dame patronnesse effrayée par la moindre incorrection à la bien-pensance. Il lui a manqué le sens de l’opportunité historique, la saisie du Kairos. Avec de pareils personnages, la Ripoublique peut dormir tranquille.
La quatrième et dernière invraisemblance porte sur la récupération éhontée de la « Manif pour tous » par la pitoyable U.M.P. Voulant se refaire une unité facile après la pantalonnade de l’élection de son président en novembre 2012, ce parti sécuritaire-mondialiste soutient les manifestants alors que, d’après des sources bien informées, Frigide Barjot aurait voté lors du second tour des deux dernières présidentielles contre Nicolas Sarközy. Bientôt, Jean-François Copé lui offrira une sinécure électorale soit dans un arrondissement parisien ou lyonnais, soit au Parlement européen. La compromission avec l’U.M.P. a provoqué une scission et la constitution du Printemps français animé par Béatrice Bourges. Cette politisation partisane a néanmoins révélé de vives contradictions inhérentes. Maints manifestants dénoncent le « mariage » inverti, l’homoparentalité, la P.M.A. (procréation médicalement assistée) et la G.P.A. (gestation pour autrui). Ils perçoivent dans cette dernière une marchandisation du corps humain. En s’opposant à l’idéologie déclinante de Mai 68, « Veilleurs » et autres protestataires pacifiques récusent le libéralisme sociétal propagé par la société politicienne. Une minorité élargit ce rejet et récuse le libéralisme dans sa version économique. Le Printemps français « est la première insurrection pacifique de la France d’en bas contre la pensée unique d’une oligarchie politique, financière et médiatique. [… Ce mouvement représente] tout ce que le pouvoir actuel, asservi à l’hédonisme ultra-individualiste et à l’idolâtrie des marchés boursiers, ne comprend plus (5) ». Cette affirmation va à l’encontre des incantations du néo-conservateur occidentaliste Ivan Rioufol qui s’enthousiasme un peu vite de la « droitisation de la jeunesse, victime des déconstructeurs “ progressistes ”. […] Les jeunes Européens se disent certes fidèles à la famille, au couple, à la propriété, mais ils soutiennent aussi l’initiative privée, le libre marché, la globalisation. Conservateurs et libéraux, ils sont une aubaine pour la France (6) ». Est-ce certain ? Ce propagandiste sarköziste perd la mémoire, le pauvre !, car l’U.M.P., en la personne de Luc Chatel, ministre de l’Ignorance hexagonale, a introduit dans l’enseignement l’aberrante théorie du genre et qu’en 2007, son champion venu de Neuilly envisageait le « mariage » homosexuel…
Ceux qui manifestent dans les rues n’ont pas l’intention de déserter leur pays pour mener une vie de dingue hyper-friqué à l’étranger. Leurs critiques sociétales prendraient une toute autre consistance si elles s’élargissaient à des préoccupations écologiques et socio-économiques et si elles adoptaient une cohérence anti-libérale résolue. Il existe en effet à droite un potentiel anti-libéral latent, y compris parmi les sympathisants de l’U.M.P. Réalisé auprès de 523 d’entre eux entre le 27 septembre et le 1er octobre 2012, un sondage d’Opinion Way met en évidence l’existence de quatre familles de pensée antagonistes au sein de cette formation politique quand sont abordées es problématiques économiques et sociales. À part les « progressistes » (24 %) qui combinent libéralisme économique et libéralisme sociétal (« mariage » contre-nature, dépénalisation des drogues, etc.) et les « libéraux » (21 %) qui restent plutôt conservateurs en matière de mœurs, on recense les gaullistes (31 %) qui défendent l’intervention de l’État en économie, et les « conservateurs antilibéraux » (24 %) qui « nourrissent […] une grande défiance envers le marché (7) ». Plus conscient de cette alliance possible – sous le coup d’événements imprévisibles – entre les gaullistes et les « conservateurs antilibéraux » « dont le profil est plus populaire que les autres composantes de l’électorat U.M.P. Ils sont sur des valeurs sociétales d’ordre, d’autorité et sur des positions sociales assez éloignées du libéralisme (8) », François Darras prévient que « l’opinion se droitise, ou se raidit, sur les questions sociétales – immigration, sécurité, mœurs -, et la gauche en est pour partie responsable. Mais elle se gauchit aussitôt qu’on aborde les problèmes économiques et sociaux. Le rejet de la mondialisation néo-libérale et de la société de marché est au moins aussi massif que le rejet d’un supposé laxisme sociétal (9) ».
Si le Système tient encore debout, faute de réels « factieux », c’est aussi parce que « “ Personne n’arrive à tenir un discours à la fois sur la question sociale et sur la question identitaire ”, explique Guilluy. Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen dénoncent chacun l’un ou l’autre. Mélenchon s’en prend à l’économie sans frontière, et Le Pen dénonce l’invasion des migrants. Elle tente, aussi, de dénoncer l’ultra-libéralisme, mais elle ne paraît pas crédible sur le terrain économique (10) ».
Le printemps est toujours une période de mûrissement. Force est de constater l’absence tangible de maturation auprès de la population d’une conception globale radicalement identitaire hostile à toutes les formes de libéralisme, idéologie par excellence du Progrès, et à leurs déclinaisons modernes (multiculturalisme, extrême féminisme, ultra-individualisme, productivisme, réductionnisme, « communautarisme » marchand, consumérisme, mondialisme…). Tant qu’il n’y aura pas de convergence entre tous les anti-libéralismes, le Système résistera à leurs assauts éparpillés, solitaires et désordonnés. Le printemps est donc prématuré. Attendons donc la saison salvatrice des orages désirés.
Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com/
Notes
1 : dans Le Monde, 30 janvier 2013.
2 : dans Libération, 13 – 14 octobre 2012.
3 : dans Emmanuel Ratier, Faits et Documents, n° 356, 1er – 15 mai 2013.
4 : Selon l’excellente expression de Jean-Yves Le Gallou, La tyrannie médiatique. Les assassins de l’information, Via Romana, Versailles, 2013.
5 : Béatrice Bourges, « Une révolte d’avant-garde. Insurrection des consciences », dans Le Monde, 19 avril 2013.
6 : dans Le Figaro, 26 avril 2013.
7 : Guillaume Perrault, dans Le Figaro, 4 octobre 2012.
8 : Pascal Perrineau, dans Le Monde, 23 novembre 2012.
9 : dans Marianne, 1er – 7 décembre 2012.
10 : Charles Jaigu, dans Le Figaro, 19 mars 2012.

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