Voici les témoignages croisés de deux soeurs, arrêtées et placées en
garde à vue dans la nuit du 26 mai. Elles racontent ce qui reste pour
elles comme une profonde injustice et une honte aux forces de police.
L’arrestation d’une jeune fille de 19 ans placée en garde à vue pour
avoir participée “à un attroupement, sans arme, après sommation de
dispersion” Le 26 Mai, Place des Invalides.
Nous sommes arrivées ma soeur et moi sur la pelouse des Invalides
vers 21h pour retrouver une amie. Nous rejoignons alors un groupe d’amis
pour discuter autour d’un feu de joie. Les CRS nous encerclent
progressivement, par charge successive toutes les 10 minutes. Nous
comprenons donc que leur stratégie est de nous repousser tous contre les
murs entourant les Invalides.
Toutes les rues sont fermées par les CRS, les sorties deviennent de
plus en plus inaccessibles. Rompant d’un coup la bonne ambiance, une
scène d’une extrême violence se déroule alors sous nos yeux : les CRS
attrapent un garçon au hasard dans notre groupe et le frappent
allégrement devant tout le monde. Deux d’entre nous essayent de le
dégager en le tirant par les pieds, mais les CRS munis de matraques
répondent en les frappant. Ce dernier est tiré et emmené derrière le
rideau de CRS. Ce garçon qui était parmi nous deux minutes auparavant,
subissait la haine physique et verbale d’une horde de CRS, seul contre
leur groupe.
Les CRS nous encerclent, nous sommes pris au piège en face de la rue
de l’Université. La peur monte de plus en plus car nous sommes tous
dispersés au milieu d’un carré fermé de CRS. Nous cherchons donc à nous
rassembler. Un groupe de policiers en civil postés sur le bord du carré
formé par les CRS se jette sur nous, et commence à taper tout le monde
sans raison. Cinq policiers s’attaquent à un jeune en le frappant, le
garçon crie de douleur, le policier lui répond alors : “Ta gueule, ta
gueule “… Ma peur est indescriptible, si je bouge je me fais frapper, si
je ne bouge pas aussi. Un policier en civil m’attrape le bras. Je me
retourne et me retrouve en nez à nez avec une bombe lacrymogène braquée à
10 cm de mes yeux. Je suis paralysée et lui dit “Je suis innocente je
n’ai rien fait je vous le jure”. Il me répond “Tu ne crois pas qu’il est
l’heure d’aller se coucher ?” Je riposte : “Il est impossible de
sortir, tout est bloqué.” Il me dit alors : “Tu sais réfléchir,
débrouille toi “.
Je m’apprêtais à répondre quand il me dit : “Ta gueule, ta gueule”.
Ma soeur, mon amie et moi reculons. Un mineur marche seul, affolé, une
énorme marque de sang au visage : il s’était fait frapper lui aussi. Les
policiers étaient comme des lions en cages, nous étions prisonniers au
milieu de cette cage. La violence et la force de la haine déployée
étaient indescriptibles. Qu’avions nous fait pour recevoir un tel
traitement ? Nous décidons de nous rapprocher des CRS pour trouver une
issue, et éviter les coups. Ils nous disent “Ne vous inquiétez pas, il
va y avoir un simple contrôle d’identité, vous allez tous monter dans un
car, il va y avoir un contrôle et vous serez relâchés. Restez calme
maintenant”. Nous sommes donc légèrement rassurées, n’ayant qu’une envie
: sortir. Un policier en civil indique alors haut et fort la sortie
pour ceux qui le désirent. Deux garçons devant nous réussissent à
sortir, puis les CRS se mettent devant nous et ferment le cercle…SI PRES
DU BUT… !!! La déception, le brin d’espoir de quitter ces images
d’horreur, cette oppression, ce dégout, cette envie de gueuler, de
vomir, de crier, de courir et ne pas s’arrêter…Nous sommes ensuite
conduits un à un, entre deux CRS vers les cars. Tous alignés. Je me
disais encore alors que c’était IMPOSSIBLE, que tout allait bien se
passer, et que l’injustice n’existait que pour les autres. On est donc
embarqués à neuf dans un petit camion, les trois seules filles, avec une
escorte importante. On a comme l’impression qu’ils ont pris un gang de
violeurs en série ! Nous arrivons au commissariat du XVIIIe vers minuit.
Le lieu est horrible, glauque : barbelés, béton… Nous sommes placées
dehors dans le froid à attendre. Il y a quand même quelques personnes
qui réussissent à mettre l’ambiance, ce qui détend un peu l’atmosphère,
car nous étions statiques, peureuses, et très angoissées…Nous nous
demandons alors (naïvement), mon ami et moi, comment allait se passer la
sortie : le métro le plus proche, la porte de sortie… Nous allons donc
voir les CRS sur le côté pour le leur demander. Réponse des CRS : ” Ah
mais vous partez tous en garde à vue ce soir, ils vous ont dit ça
seulement pour vous calmer aux Invalides!” Encore une fois nous devenons
livides. Oui, nous allons tous partir (250 personnes) en garde à vue.
La chose la plus inimaginable au monde. Ce genre de chose est réservé
aux voleurs, aux bandits ou aux violeurs mais pas à NOUS ! Comment nous
mettre en cellule sachant qu’il n’y a aucun motif de condamnation ? Nous
passons devant un policier dans un bureau pour qu’il inscrive les
différentes informations à notre sujet. Je m’attarde un peu plus sur ce
moment assez choquant de cette soirée. Je passe dans un bureau avec deux
tables séparées. L’une était pour moi, un CRS en permanence à mes
côtés. Je commence donc à parler quand un garçon, embarqué comme moi,
rentre pour s’asseoir en face de l’autre bureau ou l’attendait le
policier.
Avant même qu’il ne soit assis, le policier le regarde et lui dit : “T’as bu toi, va souffler dans un ballon”. Le garçon répond : “C’est une blague, je n’ai rien bu du tout je vous assure”. Il rétorque alors “Ouais mais je n’aime pas les blonds de toute façon, dégage”. Le garçon choqué repart donc escorté de deux CRS souffler dans un ballon, qui bien évidement montra qu’il n’avait pas bu la moindre goutte d’alcool. Le suivant entre et s’assied, le même policier lui dit alors “Je n’aime pas ta tête toi, mais vas-y assieds-toi”. Le policier qui m’interroge me fait des remarques, pour me mettre mal à l’aise : “T’as un visage d’ange “, “T’es une petite minette”, “Mon pote a envie de prendre ton 06″. A-t-il cru une seule seconde que la situation dans laquelle je suis est drôle et qu’il peut alors se permettre de me faire des réflexions de ce genre… ? Bref, on m’emmène là où tout le monde est “stocké”, la plupart des garçons dans une salle et les filles dans le couloir. 250 dans un aussi petit commissariat, les policiers ont dû être affolés ! Plusieurs d’entre eux nous disent que si cela dépendait d’eux ils nous auraient relâchés depuis bien longtemps, qu’ils n’ont jamais eu à faire à ce genre de “délinquant”. J’espère au plus profond de moi qu’ils ne vont pas nous séparer ma soeur, mon amie et moi, mais j’étais encore une fois insoucieuse… Un policier appelle en premier mon amie, qui part en pleurs, puis moi. La séparation d’avec ma soeur est atroce, je précise qu’elle est mineure et fut libérée après 23h de GAV. On me place dans une salle carrelée, avec des menottes sur chaque reposoir. Nous sommes 30 confinés dans cet espace. Certains doivent se mettre par terre car il n’y a plus de place sur les bancs. Un monsieur arrive, cheveux long, lunettes rondes, baba cool, ne comprenant rien de ce qui lui arrivait (je le comprends, d’une certaine manière). Je lui demande pourquoi il est là. Il me répond alors qu’il descendait de chez lui et voulait prendre son café à côté des Invalides, mais qu’il avait été attrapé par des CRS et, comme nous, amené ici. Abasourdie, je lui demande son motif d’accusation. Il me répond : “La même chose que vous, Manif Pour Tous” ! Les CRS prennent vraiment tout le monde, dans une véritable rafle dont le plus gros baba cool fait partie !
Avant même qu’il ne soit assis, le policier le regarde et lui dit : “T’as bu toi, va souffler dans un ballon”. Le garçon répond : “C’est une blague, je n’ai rien bu du tout je vous assure”. Il rétorque alors “Ouais mais je n’aime pas les blonds de toute façon, dégage”. Le garçon choqué repart donc escorté de deux CRS souffler dans un ballon, qui bien évidement montra qu’il n’avait pas bu la moindre goutte d’alcool. Le suivant entre et s’assied, le même policier lui dit alors “Je n’aime pas ta tête toi, mais vas-y assieds-toi”. Le policier qui m’interroge me fait des remarques, pour me mettre mal à l’aise : “T’as un visage d’ange “, “T’es une petite minette”, “Mon pote a envie de prendre ton 06″. A-t-il cru une seule seconde que la situation dans laquelle je suis est drôle et qu’il peut alors se permettre de me faire des réflexions de ce genre… ? Bref, on m’emmène là où tout le monde est “stocké”, la plupart des garçons dans une salle et les filles dans le couloir. 250 dans un aussi petit commissariat, les policiers ont dû être affolés ! Plusieurs d’entre eux nous disent que si cela dépendait d’eux ils nous auraient relâchés depuis bien longtemps, qu’ils n’ont jamais eu à faire à ce genre de “délinquant”. J’espère au plus profond de moi qu’ils ne vont pas nous séparer ma soeur, mon amie et moi, mais j’étais encore une fois insoucieuse… Un policier appelle en premier mon amie, qui part en pleurs, puis moi. La séparation d’avec ma soeur est atroce, je précise qu’elle est mineure et fut libérée après 23h de GAV. On me place dans une salle carrelée, avec des menottes sur chaque reposoir. Nous sommes 30 confinés dans cet espace. Certains doivent se mettre par terre car il n’y a plus de place sur les bancs. Un monsieur arrive, cheveux long, lunettes rondes, baba cool, ne comprenant rien de ce qui lui arrivait (je le comprends, d’une certaine manière). Je lui demande pourquoi il est là. Il me répond alors qu’il descendait de chez lui et voulait prendre son café à côté des Invalides, mais qu’il avait été attrapé par des CRS et, comme nous, amené ici. Abasourdie, je lui demande son motif d’accusation. Il me répond : “La même chose que vous, Manif Pour Tous” ! Les CRS prennent vraiment tout le monde, dans une véritable rafle dont le plus gros baba cool fait partie !
Commence alors une très longue attente, jusqu’à 6h du matin. Nous
expérimentons l’incompétence d’une trentaine de policiers en face de
nous, s’amusant à regarder tous les noms de familles, à rire, à tourner
en rond, à se dire bonjour, se faire des blagues … Nous sommes en face,
dans l’incapacité la plus totale de dormir. Nous montons ensuite dans
une voiture de police avec une fille rencontrée dans cette salle. Le
policier conduit à 120 km/h, fait des virages très serrés, grille
l’ensemble des feux rouges, et tout cela pour nous ! C’est comme dans
les films, la classe ! Nous arrivons au commissariat du VIe.
Trois garçons arrivent alors menottés comme s’ils allaient tenter de
s’enfuir. Il faut avoir la volonté et la force de le faire à 6h…, de
vouloir s’évader : “Tentative d’évasion” comme disait l’autre! La
fouille commence, procédure habituelle : plus de chaussures, bijoux,
pince à cheveux, soutif, portable… Les policiers nous amènent toutes les
trois dans une cellule minuscule, ignoble et infâme. Elle comporte
normalement une banquette pour une personne, mais la normalité ne fait
plus partit de ce monde depuis 23h la veille, donc plus rien ne peut
nous étonner. Un urinoir trône au fond de la cellule, l’odeur est
irrespirable, avec en prime le sol collant, le sang et l’urine sur les
murs. Nous essayons de dormir tant bien que mal. Impossible. Le pire est
cet état de somnolence permanente. L’angoisse me ronge : qu’avais-je
fait pour mériter cela ?
Vers 10h30, on tape sur la porte et me demande de monter pour un interrogatoire. Encore complètement sonnée, je rentre dans un bureau avec deux tables et une chaise au milieu qui m’est dédiée. A chaque table une policière. Il y a en tout trois policières qui donnent chacune leur avis tour à tour et ricanent dès que possible. Celle qui m’interroge me demande de m’asseoir machinalement, et commence alors un interrogatoire digne de la gestapo. Pour elle je suis une vermine, je l’embête clairement. Elle me pose toutes les questions possibles et inimaginables en me jugeant à chaque réponse. Pour elle, manifester est un manque de respect, je dois laisser les personnes se marier comme elles veulent, qu’il y a des choses bien plus graves dans la vie. “Les petits africains qui meurent de faim tu y as pensé ?” me dit-elle. Je n’ai qu’une seule envie c’est de lui dire que ça n’est pas son métier de me juger sur mes valeurs et qu’elle n’a aucune raison de le faire. Sachant que je n’ai manqué de respect à personne et que je n’ai aucune leçon de moral à recevoir de sa part, mais je ne voulais pas faire prolonger mon séjour. Je me suis donc tue. Elle finit par me dire que les gens de la Manif étaient tous des cons, que l’on vivait dans un monde de cons et qu’il ne fallait pas que je l’oublie. “Merci Madame, j’en fais partie et je le vis bien”.
Vers 10h30, on tape sur la porte et me demande de monter pour un interrogatoire. Encore complètement sonnée, je rentre dans un bureau avec deux tables et une chaise au milieu qui m’est dédiée. A chaque table une policière. Il y a en tout trois policières qui donnent chacune leur avis tour à tour et ricanent dès que possible. Celle qui m’interroge me demande de m’asseoir machinalement, et commence alors un interrogatoire digne de la gestapo. Pour elle je suis une vermine, je l’embête clairement. Elle me pose toutes les questions possibles et inimaginables en me jugeant à chaque réponse. Pour elle, manifester est un manque de respect, je dois laisser les personnes se marier comme elles veulent, qu’il y a des choses bien plus graves dans la vie. “Les petits africains qui meurent de faim tu y as pensé ?” me dit-elle. Je n’ai qu’une seule envie c’est de lui dire que ça n’est pas son métier de me juger sur mes valeurs et qu’elle n’a aucune raison de le faire. Sachant que je n’ai manqué de respect à personne et que je n’ai aucune leçon de moral à recevoir de sa part, mais je ne voulais pas faire prolonger mon séjour. Je me suis donc tue. Elle finit par me dire que les gens de la Manif étaient tous des cons, que l’on vivait dans un monde de cons et qu’il ne fallait pas que je l’oublie. “Merci Madame, j’en fais partie et je le vis bien”.
Je retourne ensuite dans ma cellule ou mes deux copines de cellules
m’attendent. Je m’assois et fonds en larmes, cet interrogatoire m’a
achevée. J’étais innocente, on m’avait traitée comme une grande
délinquante, bafouée sur mes idées, sur mes valeurs! Un vrai lavage de
cerveau, c’était injuste. Ma copine de cellule me rassure et m’apporte
tout son soutien. Plus tard on me demande de descendre avec un policier
pour les empreintes et les photos. Elles étaient atroces : j’ai pu voir
nos têtes après 14h d’attente dans le froid, la fatigue, et l’angoisse.
Il y a à côté de nous dans la salle d’attente des roumains. Ils allaient
librement, les cellules nous étant exclusivement réservées ! Les grands
délinquants comme nous devaient absolument y rester et payer pour ce
qu’ils avaient “fait”. Le motif étant “participation à un attroupement
sans arme après sommation”. Ceci entrainant un an de prison et 1500
euros d’amende…
Vers 15h30 on m’appelle, me monte dans un bureau et me dit que je
suis libre. Quel miracle ! On me donne alors mes affaires. Je ne peux
voir aucune de mes amies à travers la vitre de la cellule. On a
gentiment fermé une deuxième porte noire pour ne pas que je puisse leur
dire quoi que ce soit. Aberrant. Je sors, livide, je crois tomber dans
les pommes à tout moment. Un manifestant m’avait donné un ticket de
métro comme je n’avais rien sur moi pour rentrer. Heureusement qu’il
était là .J’attends mes copines de cellule qui sortent une dizaine de
minutes après. Lorsque nous nous sommes séparées cela nous a fait tout
drôle. Nous avions vécu ensemble en 10h toutes les émotions en même
temps, alors que nous ne nous connaissions pas. Comme quoi je réussis à
trouver le seul point positif dans ces 17H de GAV !
On se bat pour notre pays avec des paroles et non avec des matraques
et des boucliers. Les seules réponses que l’on obtienne en retour sont
des “Ta gueule”, des coups de poings ou des gaz lacrymogènes. Comment
pouvons-nous nous parler de démocratie ? Depuis mon enfance j’y crois,
tout le monde le répète : liberté-égalité-fraternité. Aucun de ces
concepts n’a été respecté. La fraternité est peut-être le seul que j’ai
pu voir, fraternité au sein de notre groupe de GAV. En 17h mon espoir et
ma fierté pour mon pays sont tombés. Toute la confiance que je lui
accordais a été bafouée, trainée à terre. Tout mon être a été torturé de
voir ce mépris dans les yeux de cette policière. Elle était française,
elle aussi, comment pouvait-elle accepter un tel traitement ? Elle
connaissait pourtant les vrais délinquants. La France d’avant s’était
tant battue pour défendre ses valeurs, ses convictions, la France
d’aujourd’hui, bafouée, demande juste à pouvoir s’exprimer.
Nous sommes le peuple, nous sommes la France
Avant de commencer je tiens à me présenter; je suis mineure, j’ai 17 ans.
Dimanche soir après la dispersion officielle de la manifestation, je
suis rentrée à la maison accompagnée d’une amie. Voyant les nouvelles
montrant ce qui se passait aux Invalides, et voulant aller aux
veilleurs, je décidai avec ma soeur d’aller sur place. Nous sommes
arrivées sur les lieux vers 21h45 et derrière nous le cortège de CRS
s’est fermé. Nous étions donc dès le début enfermées et on ne pouvait
atteindre le groupe des veilleurs, ne les voyant même pas. De nombreux
feux de joies étaient allumés et des chants scouts et français
résonnaient dans l’air. Une ambiance joviale et saine régnait. Les CRS
commençaient à charger progressivement et nous reculions sans savoir
trop quoi faire. Après de nombreux gazages injustifiés brulant les yeux
faisant tousser atrocement, nous nous retrouvons tous un peu éparpillés.
Nous nous rendons alors compte que nous ne sommes plus très nombreux,
que la plupart des grands gaillards sont partis. Ensuite un mouvement de
foule de manifestants à lieu vers la droite des Invalides. Les
policiers en civil se jettent directement sur eux et nous ne comprenons
plus rien : policiers, CRS et manifestants sont mélangés.
Apeurées nous allons donc voir un CRS qui parlait tranquillement avec
cinq autres jeunes (tous emmenés en GAV par la suite) et nous lui
demandons comment cela se fait qu’il y ait autant de CRS et ce que nous
étions sensées faire pour partir. Il nous expliqua, gentiment, que cela
faisait 21 jours qu’ils étaient mobilisés pour « la Manif Pour Tous » et
qu’à cause de cela, il n’y avait plus qu’une troupe en cité (sur les
trois troupes habituelles). Nous sentîmes monter l’atmosphère et
entendîmes la première et dernière sommation. Le CRS nous indiqua le
chemin pour sortir. En s’y dirigeant nous nous sommes retrouvées face à
un garçon de 15 ans avec la tête ensanglantée qui appelait ses parents
parce qu’il venait de se faire frapper alors qu’il cherchait la sortie.
Autour de nous bourdonnaient de très nombreux policiers en civil remplis
d’une haine, d’une violence inimaginables et incontrôlables. En effet,
ils tapaient dans tous les sens, et toute la foule autour, y compris les
caméras des journalistes, en a subi les conséquences. Ils étaient à 5
contre 1. Lorsqu’on leur demandait où nous devions aller pour sortir ils
nous lançaient « Ta gueule ou je te gaze » avec les gaz lacrymogènes à
moins de 2cm de nos yeux. Nous nous sommes donc réfugiées sur un
trottoir avec une vingtaine d’autres manifestants pacifistes, les mains
en l’air. Des policiers en civil nous disaient de ne pas bouger et les
CRS nous calmaient voyant notre inquiétude, répétant que nous allions
pouvoir sortir. A ce moment-là un policier en civil s’approcha et nous
dit que ceux qui voulaient quitter la place devait le suivre. Deux de
mes amis passèrent devant, mais après avoir marché deux mètres en les
suivant, une barrière de CRS s’interposa entre mes amis et moi, et on me
fit signe d’attendre. J’étais donc avec une vingtaine de personnes
derrière moi dans l’attente de sortir. Les CRS qui nous barraient le
passage, nous ouvrirent le chemin vers un trottoir sur la gauche en nous
disant « Ceux qui veulent sortir, allez par-là ». Nous nous retrouvâmes
avec une cinquantaine de personnes qui étaient déjà là, encerclées,
croyant qu’on allait nous évacuer. Très vite, les bruits coururent comme
quoi nous allions être emmenés au poste et après deux coups de fils
rassurant à mes parents croyant qu’il ne s’agissait que d’un contrôle
d’identité, tout le monde s’échangea des numéros d’avocats « Au cas où,
on je sais jamais ».
Il était 23h15 quand deux camions arrivèrent, et les rumeurs furent
confirmées. Les policiers nous dirent qu’il ne s’agirait que d’un simple
contrôle d’identité. Petits groupes par petits groupes nous fûmes
acheminés aux cars. Détail surréaliste : nous étions chacune escortée
par deux énormes CRS, comme de grandes délinquantes et en plaisantant
nous leur disions « vraiment vous pensez qu’on va s’enfuir?». Après une
rapide fouille faîte par des femmes, nous entrâmes dans un camion de
douze personnes dont trois filles, escortés par des motos et des
voitures de policiers, brûlant tous les feux rouges, jusque dans le
18ème où nous retrouvâmes les autres cars. Là après une attente de 25
minutes et une autre fouille, nous fûmes acheminées vers une grande cour
et les 176 délinquants que nous étions commencèrent à parler, à
chanter, à danser pour détendre l’atmosphère. Puis après 2h d’attente
nous décidâmes d’aller faire la queue pour rentrer. Un policier nous
informa entre deux portes à notre plus grande stupéfaction que c’était
la garde à vue pour tous.
Ne voulant pas être séparée de ma soeur, je leur dis au dernier
moment que j’étais mineure et ils me conduisirent dans un bureau pour un
premier interrogatoire, me demandant entre autres si je voulais médecin
et avocat. Ne sachant pas quoi dire je leur demandai si je pouvais
appeler mes parents pour leur demander conseil. Ils me rétorquèrent avec
mépris que je devais prendre une décision et qu’ils demanderaient à mes
parents de confirmer. Après cela je fus dirigée vers une salle où il y
avait une quarantaine de personnes entassées, et m’assis dans le
couloir. Les blagues fusaient malgré l’ambiance plus que tendue ! Nous
apprenons par les policiers, que nous allons être répartis dans tous les
commissariats de Paris. Je demande alors à être avec ma soeur mais la
réponse reste un « non » catégorique. Les « dangereux délinquants » sont
donc appelés petit à petit et toutes les personnes qui étaient passées
en même temps que moi partent, y compris ma soeur.
Finalement, mon nom est prononcé, et étant mineure, je suis emmenée
en fouille directement, dépouillée de soutien-gorge, lacets, bracelets,
montre, écharpe, portable etc… Je suis alors emmenée dans une cellule,
et je pleure. D’incompréhension, de tristesse, de ce profond sentiment
d’injustice et surtout de grande peur. La gardienne m’appelle pour
partir dans un commissariat parisien, elle vient me « délivrer », me
disant de suivre deux policiers vers un camion à l’extérieur. Je me
retrouve avec cinq autres sympathiques inconnus et nous sommes informés
que nous partons vers le 2e arrondissement. Escortés à nouveau par deux
voitures de polices et accompagnés de nombreux policiers dans le camion
nous arrivons là-bas vers 4h30 du matin, et on nous annonce que le
parquet ouvre à 9h. Que nous serons donc libérés vers midi et dans le
pire des cas au cours de l’après-midi.
Etant mineure on me place dans une cellule seule, pas plus grande que 6m2 : trois murs de béton, une vitre pour être à la vue de tous, une banquette avec un mince matelas en plastique, une couverture « qui gratte », des murs remplis de graffitis, d’excréments et de sang et enfin une caméra braquée sur moi. Tout d’abord dégoûtée par cet univers je me couche en faisant attention de toucher au moins de choses possibles. Le sommeil arrive vers 6h du matin, je crois, n’ayant plus de moyen de connaître l’heure exacte. Une énorme lampe halogène était au-dessus de moi, restant allumée jour comme nuit, et un ventilateur bourdonnait dans un bruit infernal. Il faisait un froid de canard et après avoir dormi à peu près 1h30, je fus réveillée par un policier qui me dit l’heure (7h40), et me donna une brique de jus d’orange et un gâteau. La première attente commença. Croyant être interrogée vers 9h00 (heure d’ouverture du parquet), je me trouvais seule dans une cellule sans aucune notion du temps à attendre indéfiniment, à pleurer. Les heures défilèrent et désespérée, j’appelai un policier avec la petite sonnette. Deux minutes plus tard il vint me voir en me demandant la raison de mon appel. Je lui expliquai tant bien que mal que : je n’avais rien fais, je n’en pouvais plus, je voulais rentrer chez moi. Il me consola de l’autre côté de la vitre et revînt cinq minutes plus tard pour m’accompagner faire les empreintes et les photos. Ce qui fut assez extraordinaire, en allant dans le quartier des policiers, fût leur curiosité de me voir ici. Ils en riaient même : eux aussi cherchaient des explications et étaient étonnés de savoir que je venais de la Manif. Après une autre attente, pendant laquelle mes compagnons d’aventure faisaient à leur tour leurs empreintes, je fus menée dans le bureau du commissaire de police et j’eus un interrogatoire d’environ une heure. Il me soulagea énormément : j’eus le sentiment d’être comprise par des policiers plutôt gentils qui, à la fin de mon interrogatoire, m’informèrent que je pourrais sortir dans l’après-midi après que le magistrat ait reçu les 176 interrogatoires et ait prit sa décision.
Etant mineure on me place dans une cellule seule, pas plus grande que 6m2 : trois murs de béton, une vitre pour être à la vue de tous, une banquette avec un mince matelas en plastique, une couverture « qui gratte », des murs remplis de graffitis, d’excréments et de sang et enfin une caméra braquée sur moi. Tout d’abord dégoûtée par cet univers je me couche en faisant attention de toucher au moins de choses possibles. Le sommeil arrive vers 6h du matin, je crois, n’ayant plus de moyen de connaître l’heure exacte. Une énorme lampe halogène était au-dessus de moi, restant allumée jour comme nuit, et un ventilateur bourdonnait dans un bruit infernal. Il faisait un froid de canard et après avoir dormi à peu près 1h30, je fus réveillée par un policier qui me dit l’heure (7h40), et me donna une brique de jus d’orange et un gâteau. La première attente commença. Croyant être interrogée vers 9h00 (heure d’ouverture du parquet), je me trouvais seule dans une cellule sans aucune notion du temps à attendre indéfiniment, à pleurer. Les heures défilèrent et désespérée, j’appelai un policier avec la petite sonnette. Deux minutes plus tard il vint me voir en me demandant la raison de mon appel. Je lui expliquai tant bien que mal que : je n’avais rien fais, je n’en pouvais plus, je voulais rentrer chez moi. Il me consola de l’autre côté de la vitre et revînt cinq minutes plus tard pour m’accompagner faire les empreintes et les photos. Ce qui fut assez extraordinaire, en allant dans le quartier des policiers, fût leur curiosité de me voir ici. Ils en riaient même : eux aussi cherchaient des explications et étaient étonnés de savoir que je venais de la Manif. Après une autre attente, pendant laquelle mes compagnons d’aventure faisaient à leur tour leurs empreintes, je fus menée dans le bureau du commissaire de police et j’eus un interrogatoire d’environ une heure. Il me soulagea énormément : j’eus le sentiment d’être comprise par des policiers plutôt gentils qui, à la fin de mon interrogatoire, m’informèrent que je pourrais sortir dans l’après-midi après que le magistrat ait reçu les 176 interrogatoires et ait prit sa décision.
Je suis donc reconduite en garde à vue à la grande surprise de
nombreux policiers et commença alors la plus longue et lourde épreuve
jamais connue. Attendre pendant neuf heures (entre mon interrogatoire et
ma sortie), sans aucun motif. Etre passée du statut de lycéenne, à
manifestante pacifique, à personne susceptible d’un contrôle d’identité,
à détenue au commissariat et n’avoir commis aucun acte violent ou
contraire à la loi entre ces étapes, était le sentiment le plus
révoltant qui m’habitait. Croyant qu’ils ne pouvaient pas me garder plus
de 24h, j’appelai souvent les policiers qui s’occupaient de nous tantôt
pour leur demander l’heure, tantôt pour leur demander des nouvelles,
tantôt pour aller aux toilettes… Seule, je devenais paranoïaque, le fait
de n’avoir personne à qui parler était insoutenable. Je mourrais de
froid, de faim, de soif, incapable d’avaler quoi que ce soit et avais
surtout une énorme boule au ventre due à la peur. Dans de telles
conditions on devient très vite fou, et je le suis devenue, je pleurais
d’un seul coup je me sentais extrêmement faible et vulnérable. Je
perdais ma dignité, (et je passe les détails) en me retrouvant à taper
et écrire sur les murs, à me faire mal. Folle de rage de devoir me
battre pour des notions si élémentaires, pour des convictions de
libertés, le seul sentiment qui me rassurait était la certitude de mon
innocence. Je perdais toute notion du temps « cela fait-il 1h, 2h, 3h,
que j’attends ? ». Les policiers avec lesquels je discutais me
répétaient régulièrement « Vous êtes mineure, vous n’avez rien fait. Ce
n’est pas normal mais bon on attend les ordres on ne peut pas faire
autrement ».
Finalement, vers 21h, un policier en m’emmenant aux toilettes turques
me dit qu’il avait vu mon père et que j’allais peut-être pouvoir sortir
dans une dizaine de minutes. Mon coeur se desserra et je rentrai dans
ma cellule en comptant sur mes mains les minutes qui passaient pour être
sûre du temps. Une trentaine de minutes plus tard, pas de nouvelles,
rien, puis 1h plus tard toujours rien. J’appelai alors un policier pour
le supplier de me dire ce qu’il se passait et il me dit que mon père
n’était sans doute pas là et que je me faisais sûrement une fausse joie.
Ce fut un des pires moments de ces 23h ; non seulement parque
j’attendais de sortir et ne voyais jamais la fin et en plus parce
qu’avoir de nouveau son coeur qui se resserre davantage est intolérable
Finalement, 15min plus tard, deux policiers arrivèrent en me disant de
jeter tous mes déchets. Je dis « au revoir et bonne chance » aux cinq
garçons dans leur cellule. Je retrouvai mon papa, et après un rappel à
l’ordre, un des commissaires nous confia qu’il y était hier soir et que « les gardes à vue ont été faites dans une totale illégalité ». Cela fit beaucoup de bien d’entendre ça et il ajouta « Vous pensiez peut être qu’il ne s’agit pas d’une situation grave mais hier nous avions le feu vert pour tirer sur la foule ».
Il est donc 10h25 quand ils me rendent mes effets personnels et que mon
papa me glisse à l’oreille qu’il faut qu’on se dépêche de partir «
Parce qu’on ne sait jamais ». Après leur avoir dit au revoir nous nous
faisons raccompagner et le commissaire dans l’ascenseur nous confie
qu’il n’avait dormi que 2h sur les dernières 72h, qu’il commence à
flancher et qu’un de nous six resterait encore 24h. En sortant, je suis
déboussolée. Il est 22H30, je suis libre je ne m’en remets pas, j’ai
tellement rêvé de ce moment. Mais au fond de moi je suis plus révoltée
et dégoûtée que jamais. Car cette expérience est honteuse ! Et qu’en
plus des conditions précaires et injustes de mon arrestation et de ma
garde à vue, je me retrouve menacée qu’elle se retourne contre moi. La
France que chacun de nous représente m’a humiliée et ramenée à mon plus
bas niveau.
Mais ce qui est certain c’est que j’en ressors grandie, plus déterminée que jamais et surtout effarée par la situation. Nous sommes le peuple, nous sommes des jeunes (et moins jeunes) révoltés. Nous devons et nous voulons être entendus. Nous sommes innocents, battus, réprimés, humiliés mais nous sommes la France.
Mais ce qui est certain c’est que j’en ressors grandie, plus déterminée que jamais et surtout effarée par la situation. Nous sommes le peuple, nous sommes des jeunes (et moins jeunes) révoltés. Nous devons et nous voulons être entendus. Nous sommes innocents, battus, réprimés, humiliés mais nous sommes la France.
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