Jean-Yves Le Gallou concilie avec aisance réflexion intellectuelle et praxis
politique. Ancien député français au Parlement européen, longtemps
conseiller régional d’Île-de-France, énarque, haut-fonctionnaire – il
est inspecteur général de l’administration au ministère de l’Intérieur
-, il a fondé et dirige depuis 2002 Polémia. Ce laboratoire d’idées anti-conformistes rassemble le meilleur du G.R.E.C.E. et du Club de l’Horloge, deux associations auxquelles il participa activement.
Depuis quelques années, Polémia
et son président s’intéressent à l’emprise médiatique en France. Ils
ont remarqué que bien souvent les journalistes de l’Hexagone ne
présentaient pas les faits de manière objective ou au moins neutre, mais
les traitaient en partisans politiques. Contre cet incroyable
dévoiement, Jean-Yves Le Gallou a lancé le concept de réinformation qui se concrétise, outre la mise en ligne sur le site de Polémia de contributions cinglantes, par le bulletin quotidien de la réinformation sur Radio Courtoisie.
Du
courage, Jean-Yves Le Gallou n’en manque pas, car il s’attaque à ces «
saints laïques » que sont les journalistes. Issus du même sérail,
ceux-ci sont encensés par leurs confrères. Pour preuve, quand l’un d’eux
est enlevé, son nom est cité dans chaque édition du journal télévisé.
En revanche, le simple quidam ne bénéficie pas du même traitement. On
lui accorde une brève évocation contrite une fois par semaine… Et encore
!
Ce décryptage pertinent des tares et habitudes d’un système pervers trouve son achèvement (provisoire ?) dans La tyrannie médiatique. Les assassins de l’information. Passé expert en « médiatologie » (à ne pas confondre avec la médiologie
chère à Régis Debray), Jean-Yves Le Gallou sort un manuel de référence
qui fourmille d’exemples précis et d’anecdotes savoureuses. Maniant une
alacrité certaine (de quoi plus normal venant de l’inventeur de la
désormais célèbre cérémonie annuelle des Bobards d’Or ?), il narre son entrevue avec deux journalistes militants du Monde.
S’il refuse de déjeuner avec eux, il « accepte de prendre un verre avec
ces deux sulfureuses personnalités (p. 35) ». À peine arrivé dans une
brasserie branchée bobo-chic, il les allume « avec ce mot de bienvenue :
“ Je suis ravi de prendre un pot avec des employés de la banque Lazard
”. Abel Mestre se cabre un peu mais ne se démonte pas : “ Matthieu
Pigasse [directeur général de Lazard] est au Monde à titre personnel ”. In petto,
je salue la fidélité de ce vaillant chien de garde du Système, qui,
même pris sur le vif, a le réflexe de ne jamais mordre la main de son
maître – fût-il un laquais du Grand Capital (p. 35) ».
De
cette discussion et par une observation assidue du « médiocosme »,
Jean-Yves Le Gallou tire un constat inquiétant qui explique le
sous-titre de son essai. L’âge médiatique est une ère tyrannique qui,
par l’usage incessant de la novlangue, travestit la réalité et contribue
à asservir les institutions et les peuples. L’information a été chassée
par la communication, le stade suprême de la propagande. Celle-ci
applique les injonctions de son seigneur, l’hyper-classe mondialiste qui
vomit tout ce qui comporte peu ou prou un caractère traditionnel et
enraciné. Dans ses Commentaires sur la société du spectacle
(1988), Guy Debord voyait la convergence fusionnelle des spectaculaires
diffus et concentré dans un spectaculaire intégré. Plus prosaïque,
Jean-Yves Le Gallou évoque l’amalgame réussi d’anciens adversaires avec «
l’alliance des trotskystes de salle de rédaction et de la finance
internationale. Sur le fond, les uns et les autres sont d’accord sur
l’essentiel : il faut attaquer tout ce qui s’oppose à leur vision
partagée d’un monde de plus en plus “ liquide ” – haro sur les
frontières, haro sur les traditions, haro sur les cultures, et haro sur
ceux qui s’opposent à l’avènement du gigantesque espace de marché
libéral – libertaire qu’ils appellent de leurs vœux (p. 36) ». Cette
collusion permet l’affirmation d’une puissante entité devant laquelle se
plie la classe politicienne. L’auteur aurait pu se référer aux deux
excellentes éditions complémentaires de Serge Halimi, Les nouveaux chiens de garde
(1997 et 2005). Il y dénonçait déjà les liens incestueux entre les
médiats et la politique qui se vérifient par les mariages entre hommes
politiques et femmes journalistes. La réponse à cette situation
déplorable doit être un refus de toute coopération avec les médiats. Il
faut opposer à leurs invitations ou demandes un fin de non-recevoir
comme l’ont fait le national-centriste flamand Bert De Wever en Belgique
et l’Italien Beppe Grillo.
La
confusion de la communication, de la politique et des affaires est
possible parce que la presse écrite et les médiats sont en France la
propriété de banques et de grands groupes industriels. TF1 est à
Bouygues, Libération dépend de la banque Rothschild, Le Figaro appartient à Dassault, Les Échos à Bernard Arnault, Le Monde au trio Pigasse – Niel (Free)
– Pierre Bergé, le milliardaire rose de la subversion. La presse
quotidienne régionale est tout aussi sujette de la finance et des
marchands : « le Crédit agricole contrôle toute la presse nordiste et picarde; le Crédit mutuel est aux manettes des journaux alsaciens, bourguignons et rhônalpins (p. 36) ». On peut même y ajouter La Provence, Nice Matin et Corse Matin
achetés par l’honorable Bernard Tapie grâce à la générosité forcée des
contribuables français… Par conséquent, du fait de cette inféodation, le
journaliste « délivre une information “ orientée ”, partielle,
partiale, biaisée (p. 37) ».
Jean-Yves
Le Gallou insiste aussi sur le désir impératif du soutier des médiats à
faire passer en priorité son point de vue. Il se sert alors de
l’instant, de l’image et de l’émotion. À partir de ce triptyque, il scénarise un événement et n’hésite pas à colporter, le cas échéant, des ragots d’ordre privée guère intéressants (l’abjecte peoplisation).
Mais cette quête aux ragots a des limites. Jamais la grasse presse n’a
révélé au public l’existence de Mazarine, la fille cachée de Mitterrand,
qui se logeait sur les deniers publics.
Le godillot folliculaire arrive à manipuler l’opinion soit par la diabolisation, soit par l’angélisation.
La première concerne tous les mal-pensants de l’intérieur (Marine Le
Pen, Jean-Marie Le Pen, Dieudonné, Alain Soral, les militants
solidaristes et identitaires…) et les dirigeants étrangers qui résistent
au nouveau désordre mondial (feu Hugo Chavez, Bachar al-Assad, Vladimir
Poutine, Alexandre Loukachenko, Kim Jong-eun…). La seconde salue des
minorités sociologiques qu’il faut mettre en valeur dans l’édification
des masses tel un drogué qui, pour payer ses doses, agresse les vieilles
dames et s’offusque qu’une salle parisienne de shoot ne soit
toujours pas ouverte du fait des réticences « populistes » du voisinage.
Les journalistes sont les nervis de la désinformation et de
l’intoxication mentale. Ils s’imaginent en (post)modernes Joseph
Rouletabille, en Zorro démasqués des injustices sociétales…
Le président de Polémia
n’a d’ailleurs pas tort d’affirmer qu’on dispose des meilleurs
journalistes au monde. En mars 2012, lors des tueries de Montauban et de
Toulouse, le tueur porte un casque de motard intégral. Cela n’empêche
pas les médiats, indéniables Hercule Poirot à la puissance mille, de le
dépeindre en Européen blond aux yeux bleus qui se prénommerait même
Adolf… Malheureusement pour cette belle construction médiatique,
l’assassin est finalement une « chance pour la France » de retour du
Pakistan et d’Afghanistan… Dès que son identité fut divulguée, les
médiats s’interdirent le moindre amalgame. Il ne fallait pas «
stigmatiser » des populations « fragilisées par l’histoire coloniale ».
Dans
cette perspective anhistorique, les médiats usent volontiers de
l’indulgence. Quand la racaille des banlieues de l’immigration attaquent
les manifestations étudiantes contre le C.P.E. en 2006, agressent les
lycéens et cassent les boutiques environnantes, les excuses sont vite
trouvées parce que ces « jeunes » pâtissent de la misère sociale alors
qu’ils sont largement assistés. En revanche, à l’occasion des « Manif
pour tous » contre le mariage contre-nature, les centaines de milliers
de manifestants qui ne cassent rien sont perçus comme des délinquants et
des demeurés. En plus, si en leur sein se trouvent d’ignobles faf, alors on atteint là l’acmé de la manipulation !
Le
travail médiatique sur les esprits ne passe pas que par le journal
télévisé et les émissions politiques. Il y a l’info-divertissement (les
fameux talk shows), les jeux abrutissants, la publicité et la fiction. Pour contrer la montée du Front national
à la fin des années 1980, François Mitterrand demanda à Pierre Grimblat
de concevoir une série populaire distillant des valeurs « belles et
généreuses » de la République : L’Instit. Aujourd’hui, Plus belle la vie
célèbre l’homosexualisme et le mirifique « vivre ensemble » dans un
quartier imaginaire de Marseille. Il n’est pas non plus anodin que 24 ou
48 h. avant un scrutin, la télévision programme un documentaire, une
émission ou un film consacrés aux années 1930 – 1940… Le 11 mai 2013, France 3, une chaîne payée par les Français via le racket légal de la redevance, proposait à 20 h 35 un téléfilm, Le choix d’Adèle
: les édifiantes péripéties d’une « professeuse » des écoles face à une
nouvelle élève étrangère clandestine « sans papier ». Il s’agit
d’inculquer l’idée que les clandestins, délinquants de ce fait, sont
chez eux dans la « patrie des droits de l’homme (non français) » !
Les
médiats ne forment donc pas un fantomatique quatrième pouvoir; ils
constituent le premier, car ils tiennent par l’influence les politiciens
et les magistrats. Cette domination ratifiée par aucune consultation
étouffe toute disputatio sérieuse nuit à la sérénité du débat
intellectuel : « Le système médiatique exclut le débat et la
confrontation des idées (p. 182) ». On privilégie la connivence dans le
même milieu où pullulent les « faussaires », de B.H.L. – Botule à
Caroline Fourest. Parallèlement, le plateau ayant remplacé la réunion
publique sous le préau, les politiciens s’affichent en « médiagogues »
pour complaire aux médiats. Le personnel politique conformiste veut
paraître dans les émissions de radio ou de télé les plus regardés (ou
écoutés). Ils sont prêts à satisfaire leurs hôtes en disant ce qu’ils
veulent entendre. Ainsi, l’actuel président socialiste allemand du
Parlement européen et éventuel président de la Commission européenne en
2014, Martin Schultz, déclare-t-il qu’« en démocratie, ce sont les
médias qui contrôlent le pouvoir (p. 195) ». Or les médiats dépendent du
fric. Mieux encore, les hommes publics acceptent que leur « image »
soit géré par des agences de relations publiques qui aseptisent tout
propos tranchant !
Le
Système médiatique n’ignore pas sa puissance considérable. Fort de ce
constat, son impudence a atteint son sommet au cours de la campagne
présidentielle de 2012. Ils « se sont souciés comme d’une guigne des
règles de pluralisme (p. 202) » et ont traité les candidats non convenus
– les fameux « petits candidats » – avec une rare condescendance.
Mécontents d’être obligés de les accueillir, passent dans la presse
écrite des tribunes libres et des pétitions qui exigent la fin de la
règle de l’égalité entre les candidats. Déjà, dans le passé, cette
mesure avait été enfreinte : les « petits candidats » (trotskystes,
chasseur, souverainistes…) passaient en plein milieu de la nuit ! Pour
2012, le « coup d’État médiatique » fut flagrant : négation des petits
candidats, sous-estimation de Marine Le Pen et de François Bayrou,
survalorisation de François Hollande, de Nicolas Sarközy et de Jean-Luc
Mélenchon. Les journalistes rêvent d’une couverture des campagnes à
l’étatsunienne où seuls les deux candidats officiels du Régime
pourraient accéder aux plateaux et aux studios. Sait-on qu’aux
présidentielles étatsuniennes de 2012, outre Barack Hussein Obama et
Mitt Romney se présentaient le libertarien Gary Earl Johnson,
l’écologiste Jill Stein, le socialiste Stewart Alexander et dix autres
candidats ? Il va de soi que ces candidats ni démocrates ni républicains
furent occultés par les médiats oligarchiques. Dans cette nouvelle
configuration post-démocratique, l’électeur « a simplement pour rôle
d’apporter une légitimité démocratique à un candidat jugé acceptable par
la superclasse mondiale pour représenter ses intérêts en France (p. 25)
». Sont donc truqués le débat et le processus électoraux !
Ce
dessein médiatcratique (comme naguère il exista une ambition
théocratique de la part de l’Église) n’est nullement neutre puisque plus
de 80 % des journalistes ont des opinions de gauche ou d’extrême
gauche. Ils devraient s’indigner, se scandaliser, protester contre cette
prise d’otage permanente de la population. Ils s’en félicitent plutôt
car le petit peuple a tendance, en dépit du bourrage de crâne et des
thérapies collectives de rééducation télévisée, à accorder son suffrage
aux partis « populistes ». Le milieu médiatique hexagonal préfère
contester la décision du Premier ministre national-conservateur Viktor
Orban de créer un « Conseil des médiats » censeur. Or le chef du
gouvernement hongrois s’inspire du précédent français avec un C.S.A.
nommé par le pouvoir politique.
Opposant
farouche des lois liberticides, Jean-Yves Le Gallou souhaite la
suppression de cet organisme qui muselle la liberté d’expression.
Dernièrement, le C.S.A. a condamné un éditorial radiophonique d’Éric
Zemmour contre Christiane Taubira, la madone des délinquants, et empêche
l’expansion de Radio Courtoisie en ne lui accordant pas de
nouvelles fréquences en France alors qu’elle en cède d’autres aux
stations commerciales décadentes… Pis, cette instance censoriale accable
le président de Radio Courtoisie, Henry de Lesquen, pour avoir
cité un passage sulfureux de Jules Ferry (les hiérarques censeurs
expriment leur profonde ignorance historique). Est-ce si étonnant ? Non,
car cet organisme n’est ni indépendant, ni représentatif. « Épée et
bouclier de la pensée unique (p. 332) », le C.S.A. continue à défendre «
une vision marchande, technophobe et poussiéreuse de l’audiovisuel (p.
333) » quand il ne cherche pas à imposer la « diversité ». Malgré une
dotation annuelle de 40 millions d’euros, il est incapable d’endiguer le
raz-de-marée d’Internet. C’est une bonne nouvelle pour l’auteur qui y
voit un contre-pouvoir ou un pouvoir alternatif efficace à la condition
de savoir s’en servir. Par chance, les nouveaux dissidents européens ont
de belles compétences si bien qu’Internet a vu l’éclosion d’une myriade
de sites, de blogues et de radios rebelles. Un projet de télévision, Notre Antenne, est même en cours en s’appuyant sur le remarquable succès du journal hebdomadaire francophone de Pro Russia T.V. – La Voie de la Russie. Fortifié par tous ces exemples, Jean-Yves Le Gallou envisage un « gramscisme technologique » pertinent et redoutable.
La tyrannie médiatique est
un remarquable essai qui dénonce les privilèges inacceptables de ces
indic – menteurs – désinformateurs qui coûtent aux honnêtes gens 2,1
milliards sous la forme de diverses aides versées par le Régime ? Par
temps de récession économique, il y a là un formidable gisement
d’économies à réaliser…
L’ouvrage
de Jean-Yves Le Gallou confirme le sentiment patent de défiance du
public à l’égard des médiats. Dans son édition du 4 mai 2013, Le Monde présentait un curieux sondage. Réalisé en mai 2012 en France par Opinion Way et payé par l’Open Society
du néfaste milliardaire George Soros, ce sondage aborde les « théories
du complot » à partir d’un panel d’environ 2500 personnes. À la
question « Qui sont pour vous les groupes qui manœuvrent la France dans
les coulisses ? », le pourcentage le plus élevé n’évoque pas « certains
groupes religieux », « d’autres pays qui cherchent à nous dominer » ou
des « groupes secrets comme les francs-maçons », mais « les grandes
chaînes de télévision ou la presse écrite » : 53,9 % pour les électeurs
de Marine Le Pen; 49,4 pour ceux de Nicolas Sarközy; 44,3 pour les
mélenchonistes; 43,6 chez les abstentionnistes; 43,5 pour les
bayrouistes; 37,4 pour les électeurs de François Hollande et 36,7 pour
ceux d’Éva Joly. Serait-ce le signe précurseur d’une exaspération envers
le Diktat médiatique ? Souhaitons-le !
Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com/
• Jean-Yves Le Gallou, La tyrannie médiatique. Les ennemis de l’information, Via Romana, Versailles, 2013, 379 p., 23 €.
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