Comparé aux élections législatives européennes, le scrutin présidentiel
iranien avec son énorme taux de participation et la volonté des
électeurs d'exprimer leur vote, a été édifiant. Les candidats sont
intervenus avec passion, et leurs partisans se sont mobilisés en masse.
Le contraste avec la campagne électorale dans l'Union européenne (UE),
terne et peu disputée, ne pouvait pas être plus frappant. En Iran, la
répression de la violence post-électorale est la preuve, si nécessaire,
que la démocratie n’est pas toujours synonyme de plus de liberté. En
Europe, le processus a été libre et juste, pacifique, mais la question
demeure, à savoir si l'Union, fortement centralisée, est réellement le
modèle démocratique qu'elle prétend être ?
En effet, depuis les premières élections directes (1979), moins de
citoyens européens ont pris la peine d'exercer leur droit de vote. En
2009, le niveau de participation global a atteint un taux bas record :
43% en 2009 contre 62% en 1979. La Slovaquie avec un taux de 19,64% se
situe au bas du tableau. En France, l'un des Etats fondateurs, 60% de
l'électorat s'est abstenu. Pourtant, ce résultat abyssal n'a pas
compromis l’esprit festif des partis politiques qui ont obtenu de
meilleurs résultats (UMP 27,8%, Europe Ecologie 16,28%). Les bouchons de
Champagne ont sauté en dépit du fait que les députés nouvellement élus
(72 sur un total de 736) représentent le peuple avec une légitimité
démocratique des plus faibles. Mais à vrai dire, les institutions de
l'UE et les gouvernements nationaux ont déjà été validés avec un soupir
de soulagement. Retour à la politique comme d'habitude.
En général, les hommes politiques ont éludé la question de ce déficit
démocratique grandissant. La raison en est simple. « The UE-Show must go
on ». De nombreux dirigeants ont régulièrement et ouvertement déclaré
que « la démocratie et la politique complexe de l'UE sont pas vraiment
compatibles ». La ratification du traité de Lisbonne a révélé une
mentalité, profondément ancrée, de méfiance à l'égard des électeurs
parmi l’élite. D'où un sentiment croissant que les consultations
démocratiques ne sont qu’une formalité bureaucratique, un coup de tampon
de plus, alors que les affaires sérieuses de l'UE continuent à être
traitées dans le secret des conclaves dissimulés de la politique
consensuelle supranationale. Désenchantés, les électeurs se sont
retrouvés avec seulement deux options pour exprimer leur frustration et
leur désaccord : l'abstention ou le vote pour les partis d’extrême
(droite ou gauche). Pourtant, définir cette marée montante de sentiment
négatif comme « anti-européen » est simpliste, bien que pratique pour
une classe politique ayant l'intention de préserver le statu quo. Les
résultats peuvent aussi être interprétés comme étant contre l’Europe
telle qu’elle est menée actuellement et pro-liberté.
Les institutions de l'UE ont saisi ces élections afin de promouvoir
l'idée que le traité de Lisbonne va inaugurer une nouvelle ère : « une Europe plus démocratique et plus transparente ».
Mais, comme l’universitaire d’Oxford Christopher Bickerton l’a fait
remarquer, les tentatives pour remédier au manque de transparence ont
déjà échoué parce que l'UE n'est pas une question de transparence. Sa
fonction est de fournir l'espace pour l'élaboration des politiques qui
substitue aux conflits politiques de principe une culture de compromis
bureaucratiques (cf. The Manifesto Club study, “No” to the Politics of
fait accompli”). La politique de l'UE est devenue une « zone interdite
au public », à savoir la préservation de bureaucrates, politiciens et
diplomates qui ne doivent rendre de compte à personne, comme le
correspondant du Daily Telegraph, Bruno Waterfield, l’a souligné. Même
avec des pouvoirs accrus octroyés au Parlement, renverser des décennies
d’une culture de prise de décision et de législation coupées du monde et
non démocratiques pourrait se révéler être une mission impossible.
Le projet européen est censé renforcer notre liberté. L'essence de la
liberté est le choix. Pourtant, si les choix des citoyens - le « non »
au traité de Lisbonne, l'abstention pour exprimer le mécontentement –
sont rejetés, si l’ « euroligarchie » ne peut penser à rien de mieux
pour résoudre la crise de légitimité que d'épouvanter l’électorat pour
faire avancer leur ordre du jour « éclairé » (« voter Oui ou subir les
conséquences de l'extrémisme ou de la récession »), alors sans doute
reste-t-il peu de démocratie digne de ce nom. Au contraire, ce qui
émerge est une nouvelle forme d’autoritarisme supra-national imposé par
une nomemklatura, qui, d’une manière pas sensiblement différente de
l'URSS, « sait mieux » que le peuple.
L'Union européenne est en zone de crise de légitimité. Le faible taux de
participation (et les voix du « non » aux référendums) doivent être
interprétés comme l'équivalent électoral de la « crise de la chaise vide
» de 1965 (« le compromis de Luxembourg ») lorsque les fonctionnaires
français furent retirés par Charles de Gaulle en raison de graves
désaccords avec la Commission. La responsabilité en incombe directement
aux hommes politiques (des grands partis ou pas) qui n'ont pas réussi à
articuler une vision pour l'avenir à laquelle une majorité des citoyens
peut croire et soutenir.
Sourcehttp://www.oragesdacier.info/
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