vendredi 10 avril 2015

Retour dans une France amoindrie

Dois-je l'avouer, la découverte des terres d'Annam, Tonkin et Cochinchine, si belles et si lointaines, qui furent une part de l'Empire défunt, n'a pas apaisé mon tourment. Celui-ci vient de loin : je me souviens avoir commencé à le ressentir depuis à peu près exactement la chute de Dien Bien Phu. Nous n'avions pas été élevés dans cette idée-là, remarquait bien avant moi Roger Nimier à propos d'une autre déroute.
Reprenant donc cette chronique après deux semaines d'absence, qui permettent de voir les jours sous un angle un peu différent, je retrouve bien évidemment cette lancinante douleur de l'affaiblissement, de l'affadissement, de l'abaissement de la France et des libertés. Trop de concitoyens demeurent indifférents à cette réalité pour se contenter d'y voir seulement un malaise momentané. Je suis porté à y voir une durable complicité. Je voudrais tant me tromper.
Il me semble ainsi prioritaire de revenir sur les grandes lignes du mal dans lequel nous pataugeons. Cela passe avant même, de la sorte, que l'examen au microscope des résultats d'un scrutin microscopique. Votant à Paris je n'ai jamais réussi à me passionner pour cette séquence, pas plus que je ne m'investis franchement dans la concurrence entre coca-cola et pepsi-cola.
L'insupportable mot de république, comme son dérivé républicain, quoique vide d'un sens véritable, est répété à l'envi. Il en devient obscène. Il ne sert plus aujourd'hui qu'à exclure, sur une base strictement arbitraire, quand elle ne se révèle pas strictement communautariste, tout ce qui déplaît aux glorieux de la décadence. Et cela dissimule, chez tous, une ignorance de fond de ce que pourrait être une démocratie de liberté : égale dignité de tous les citoyens, droit au débat, respect de l'individu créateur.
En ce sens on devrait se souvenir du message de Pie XII en 1944. Il allait qui donner ses lettres de noblesse à l'idée, jusque-là subversive, de démocratie chrétienne. Les partis qui s'en réclameront en firent malheureusement un assez mauvais usage en France et même en Italie, pendant un demi-siècle. Mais plus durablement c'est encore elle qui domine encore en Allemagne et au sein des institutions européennes, à commencer par le président de la Commission, mais également en Espagne, etc.
En dernières analyse, disait ce pape aujourd'hui décrié, un régime de monarchie absolue peut constituer de ce point de vue le meilleur refuge de la liberté. Et si on veut bien considérer l'Histoire de France ce n'est pas sous le règne des radicaux-socialistes, encore moins des jacobins, mais plutôt sous celui de l'absolutiste Louis XV, et encore de son petit-fils Louis XVI, qui commit l'erreur de rappeler les parlements, que la pensée française et la civilisation française ont connu l'apogée de leurs libertés.

Comment ne pas en tenir compte ?
Comment ne pas voir à l'autre bout de l'échiquier combien toute cette dialectique de la destruction profite à la tactique de retraite de ce parti communiste, qu'on ne cite plus jamais, alors qu'après avoir satellisé les trotskistes à la Mélenchon, après avoir fédéré de nombreux éléments d'extrême gauche jusque-là très méprisants pour le vieil appareil, il s'apprête à dévorer les restes de la camarade Duflot dans un conglomérat écolo-socialiste.
Remarquons que ce "quatrième parti" de la vie politique française, aussi éloigné du PS que le FN l'est de l'UMP parvient encore à exercer sur les radicaux et les socialistes son éternel chantage à l'union de la gauche. Il est encore parvenu, ainsi, le 29 mars à conserver le département du Val-de-Marne.
Reste donc toujours à balayer, comme une vieille vermine tenace, ce qui reste du parti qu'on appelait autrefois le "parti de Maurice Thorez". Ses adversaires l'ont fort longtemps considéré, à juste titre, comme le "parti de Moscou". Cette appellation s'est certes déplacée de nos jours. Mais elle avait cessé d'être entièrement vraie dès 1956 puisque le PCF, au fond, n'avait jamais accepté, encore moins pratiqué, la déstalinisation. Jusqu'à son dernier souffle Thorez, comme Castro à Cuba, avait cherché à concilier Moscou et Pékin. Et après l'intermède Waldeck Rochet c'est bien le désastreux stalinien Marchais qui reprit le manche avec le soutien soviétique, la ligne ayant changé à Moscou après la chute de Khrouchtchev et l'ascension de Brejnev.
À cet égard, on ne réfléchira jamais assez à ce que Philippe Robrieux, historien et témoin d'une rare et honnête précision appelle "la Conception thorézienne fondamentale."
"À plusieurs reprises, en privé, il (Thorez) a confié sur ce sujet le fond de sa pensée. Qu'importe, dira-t-il, 2 ou 3 pour cent de voix en plus ou en moins aux élections ; à la limite, ajoutera-t-il, le parti peut être frappé, tomber électoralement à zéro, voir ses cellules disparaître ; ce n'est pas souhaitable ; mais si l'appareil est préservé, tôt ou tard, les circonstances redeviennent favorables, le Parti reconquiert le terrain perdu et reprend sa marche avant." (1)⇓
JG Malliarakis
Apostilles
  1.  Cf. Philippe Robrieux "Histoire intérieure du Parti communiste français" Tome IV 1944-1972 édition Fayard 1981 pages 596-597.
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