mardi 15 mars 2016

Pourquoi devient-on un politicien ?

Dr Bernard Plouvier
La question n’aurait somme toute pas plus d’intérêt que celle de connaître la raison pour laquelle un individu choisit d’être policier ou malfaiteur, médecin, ingénieur, fonctionnaire ou chômeur peu motivé par la quête d’un emploi, si notre société ne souffrait considérablement d’un manque d’éthique dans l’exercice des fonctions électives.
Une remarque préliminaire s’impose, les révolutions dites « démocratiques » (telle celle de 1789-1798), ont accouché du parlementarisme et, de ce fait, ont créé par extension abusive ce fléau social, ce parasite qu’est le politicien professionnel, passé directement d’études fort orientées et de la fréquentation de syndicats étudiants ou de la pépinière des jeunes de tel ou tel parti à la manipulation de l’électorat, à la plus basse démagogie, sans avoir exercé, au moins durant une décennie, un métier utile à la société.
Tout le monde le sait : le politicien professionnel est à la fois un séducteur et un prédateur. Un séducteur n’est pas un violeur (les sociologues et psychologues des années 1930-60 n’ont rien compris aux mécanismes de la relation politicien-électorat en parlant de viol des foules). Cette séduction est un mécanisme à double entrée : le politicien veut être aimé, admiré, supporté car c’est avant tout un être en état de manque d’affection ou de reconnaissance ; l’électorat veut avoir à sa disposition un être à encenser. Ce n’est pas pour rien qu’en Occident, le XXe siècle fut à la fois une époque de déréliction et le siècle triomphal du fait politique.
Tout séducteur finit par lasser et ce d’autant plus vite que se révèle l’autre part de sa nature, la prédatrice. Certains savent mieux cacher que d’autres cette seconde partie du métier de politicien et restent très longtemps aimés, même s’ils se sont avérés d’une prodigieuse nullité (l’exemple de Jacques Chirac vient immédiatement à l’esprit).
À l’évidence, le politicien est au service de quelque chose. Mais les motivations de ses agissements peuvent être multiples. Il arrive même qu’y entre, chez certains d’entre eux, une part d’idéal.

Trop souvent, il est vrai, le politicien n’est qu’un être au service de sa gloriole, d’une soif d’argent, de pouvoir (qui est d’ailleurs davantage une délégation qu’un réel pouvoir, sauf en cas de dictature populiste) ou du désir compulsif de manipuler autrui (ce qui réalise un exemple d’art pour l’art !). Reste à envisager ceux qui sont motivés en tout ou en partie par un idéal (et, parmi ceux-là, les plus désintéressés sont généralement les plus grands dévoreurs de vies).
À quelques exceptions près, seuls les édiles locaux sont animés par une volonté ferme et simple de servir la collectivité. Les politiciens aux grandes ambitions sont des exaltés, souvent des psychotiques, au service d’une idée philosophique (la démocratie), religieuse (ce sont en général des hallucinés ou des paranoïaques), économique, sociologique (la patrie), voire zoologique (la race).
Les intoxiqués par l’idéal démocratique sont pervertis par deux âneries fort anciennes, que le Britannique John Locke a énoncées doctement : l’égalité et la bonté native des êtres humains. Un demi-siècle après lui, Jean-Jacques Rousseau, s’il n’était pas idiot au point de développer la première idée (s’en tenant prudemment à une égalité devant la Loi, ce qui était la reprise du grand classique athénien depuis Solon, au 6e siècle avant notre ère), développa ad nauseam la seconde : si l’être humain est fondamentalement bon, de bonnes lois établiront une société idéale… ce sophisme, qui n’était qu’une tautologie, fit l’objet d’un bref essai d’application par son admirateur éperdu, le paranoïaque austère Maximilien Robespierre, qui tenta d’imposer le Bien et le Juste par la Terreur.
L’irruption de la foi religieuse en politique est toujours aussi désastreuse. On ne connaît que trop bien les massacres en Angleterre et en Irlande provoqués par le fou de Dieu halluciné Oliver Cromwell, la désastreuse intervention du paranoïaque calviniste (et cérébro-scléreux) Thomas Woodrow Wilson dans les affaires européennes en 1919 qui furent l’une des causes directes de la Seconde Guerre mondiale, ou, plus près de nous, l’affrontement de deux paranoïaques iraniens s’estimant missionnés par Allah : le shah réformateur Mohamed Reza et son rival victorieux, l’anachronique ayatollah Ruhollah Khomeiny, sorti tout droit d’un cauchemar médiéval.  
Les désastres des champions du totalitarisme matérialiste sont tout aussi connus. Si très rares sont encore les Nations à subir le joug de fous furieux marxistes (qui tuèrent au bas mot 120 millions d’êtres humains au XXe siècle et gâchèrent irrémédiablement la vie de deux milliards d’autres), l’Occident et les Nations de style de vie occidental subissent de plein fouet les pratiques démentielles des adorateurs du libéralisme : individualisme, hédonisme, naïveté et vide sidéral de la course au profit.  
L’exaltation de l’idée de Patrie a souvent conduit aux guerres, provoquées par des motifs futiles (l’exemple de la Grande Guerre est bien connu). Quant à la notion d’exaltation de la race, elle a souvent été grosse de génocides – du Xe siècle avant notre ère jusqu’à notre époque -… le pire est que trop souvent les paranoïaques qui vantent leur « race élue » (de la divinité ou du destin) confondent races et nations (ainsi de Moïse ou d’Adolf Hitler).
Que la corruption, la démagogie, le mensonge, l’hypocrisie et l’égoïsme des carriéristes soient des plaies de nos sociétés européennes (et d’autres continents, mais ceci n’est d’aucune importance pour un Européen) est un truisme. Les électeurs ayant soutenu, puis constamment réélu les canailles, les brasseurs de vide, les démagogues et les imbéciles, ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes.
Seuls sont fondés à se plaindre les êtres de grande qualité intellectuelle ou éthique (les deux éléments ne sont pas obligatoirement corrélés) qui, en vertu de la loi du nombre, sont les victimes des choix absurdes de majorités d’idiots et de naïfs.
Toujours et partout (dès ses débuts dans la Grèce antique), la « démocratie » fut la résultante de deux chiffres : le nombre des électeurs opinant et, surtout, la quantité d’argent dépensée pour soutenir les candidats jugés les plus aptes à favoriser les affaires des riches. Démocratie, toujours et partout, fut l’équivalent du mot : Ploutocratie… il serait temps que même les moins doués de nos contemporains en soient informés.  
L’homme politique idéal peut-il exister ? Il devrait être un individu charismatique, assurant la paix civile et garantissant l’indépendance du Pouvoir judiciaire, organisant une activité économique cohérente, avec une juste rétribution du travail bien fait, entretenant des relations harmonieuses avec les législateurs, les encourageant à se maintenir dans une ligne de responsabilité éloignée de la démagogie électoraliste, exaltant l’enthousiasme des administrés en leur procurant la certitude de participer, par leur travail et leur dévouement à la chose publique, à une authentique entreprise historique, donnant un idéal à la jeunesse et lui procurant une utilité sociale durant sa période de formation (l’adolescent utile à la place du jeune consommateur-roi), encourageant une production authentiquement artistique destinée à traverser les siècles... une véritable quadrature du cercle politico-social. L’histoire antique, médiévale, moderne ou contemporaine ne mentionne (presque) aucun individu de cette trempe... c’est ce que l’optimiste est en droit d’espérer du surhomme !  

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