samedi 18 février 2017

Autocritique d'un antifa

Cette fois, ce n’est pas un livre de chevet que l’on vous conseille, mais un symptôme de ce que, enfin ! Les choses change, la France bouge ?
Les classes populaires et le FN est une vaste enquête de terrain, présentée lors de deux journées d'études de la Fondation Copernic, en 2016. En terres de gauche radicale. Un livre issu des mouvances « antifa », qui combattent, par la violence ou l'insulte, les conceptions du monde des lecteurs de Monde&Vie. De prime abord, il semblera étrange de donner de la place à un livre produit par des adversaires qui, dénués de charité comme d'humanisme, considèrent les penseurs chrétiens, réactionnaires ou conservateurs, comme des ennemis à abattre. Bien sûr, ce livre a vocation à penser la rénovation du combat « antifa » contre le FN et au-delà contre tout ce qu'ils considèrent comme un fasciste, une immense majorité du peuple Français en réalité. Il suffit de peu pour être « fasciste » dans la tête d'un « antifa ». Ce livre est pourtant un événement politique et intellectuel. Une solide enquête sociologique de terrain, arpentant bien des espaces de l'électorat du FN, menée avec sérieux. Une enquête rare et même inédite. D'autant qu'elle n'est pas faite, comme un vulgaire et ancien Au front d'Anne Tristan, enquête sur les terres marseillaises effectuée à l'instigation de cette crapule d'Edwy Plenel, et dont l'objectif, selon les dires de la journaliste, était de « bousiller ce parti avant qu'il ne se développe ». Nous étions en 1987 et force est de constater que la méthode employée pour éradiquer le Front National a un tantinet dysfonctionné.
L'ultra-gauche face aux vrais gens
Les classes populaires et le FN, bien qu'issu des mêmes milieux militants, ne ressemble pas au mauvais livre d'Anne Tristan. Il est composé d'études écrites par une quinzaine de chercheurs et sociologues, militants et arpenteurs de terrain, et est divisé en cinq parties. On y traite, pêle-mêle, en tant que sources, du vote frontiste populaire, de la décomposition de la gauche et de la présence du FN dans les milieux populaires comme dans le monde ouvrier, de l'état des quartiers, de l'exaspération des représentants de l'État, à commencer par les pompiers, des jeunes, du déclassement, du poids concret de l'exclusion et aussi de l'erreur originelle de la méthode « antifa » d'opposition au FN.

Et c'est là que le livre de Willy Pelletier et Gérard Mauger est un événement. Le premier, quittant Paris pour vivre dans le Nord de la France s'est fait de nouveaux amis dont il a constaté qu'ils étaient des électeurs FN, et des électeurs ne cadrant pas du tout avec la caricature (beaufs, racistes, analphabètes, etc.) à lui imposée par toutes ses années de militance bobo-gauchistes parisiennes. Ainsi, le FN qu'il combattait et les électeurs de ce parti qu'il méprisait n'existaient pas. La gauche radicale « antifa » pourchassait un ennemi aux contours imaginaires. C'est pourquoi, forts de ce constat, les maîtres d'œuvres de ce livre collectif sont repartis au point de départ, enquêter sur ce qu'ils n'avaient pas compris depuis plus de trente ans. Ayant pris conscience que leur combat « au nom de la tolérance » a été un combat « intolérant » (ce sont leurs propres analyses), nos auteurs se sont enfin décidés à s'intéresser au FN réel.
Du coup, cette enquête, même marquée par l'impayable vocabulaire gauchiste militant, prend toute sa saveur. Il est simplement dommage qu'une telle prise de conscience, celle du « racisme de l’antiracisme » (c'est eux qui le disent), ait mis tant de temps à naître. Un point qui pourtant a souvent été bien expliqué par les prétendus « néo réacs ». Mieux vaut tard que jamais, dit-on.
Paul Vemeulen monde&vie 2 février 2017
Gérard Mauger et Willy Pelletier (coord.), Les classes populaires et le FN. Explications de votes, éditions du Croquant, collection savoir/agir, 286 pages, janvier 2017

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