En Allemagne, la polygamie est, comme chez nous, officiellement interdite, mais deux réfugiés syriens viennent de réussir à faire venir leur seconde femme. Ils ont d’abord émigré avec leur première épouse et tous leurs enfants, y compris ceux du second foyer. Que ces derniers soient privés de leur maman a semblé intolérable aux yeux des services sociaux et, pour leur « bien », la deuxième épouse a obtenu à son tour le droit de s’installer en Allemagne. Comme dans une affaire similaire qui s’est déroulée l’année dernière, les deux familles devront sans doute vivre séparément. Peut-être imposera-t-on une distance géographique d’une cinquantaine de kilomètres entre les deux domiciles. Mais il n’y aura pas vraiment d’obstacle à la poursuite de la vie polygame et les allocations familiales seront versées au père. Trouvera-t-il du travail ou se contentera-t-il des aides sociales ? Celles-ci ne seront pas nécessairement élevées, mais elles lui permettront de vivre modestement et le papa se partagera équitablement entre ses deux foyers comme le lui prescrit le Coran.
Nous avons connu une situation similaire en France, il y a trente ans. Un juge a alors estimé que si la polygamie était pratiquée dans le pays d’origine d’un réfugié, elle devenait légale en France, puisqu’un être humain a droit à une vie « normale » et « semblable » à celle qu’il menait avant d’immigrer. Son arrêt a créé une jurisprudence qui s’est imposée à l’État. Pendant dix ans, nous avons donc introduit le plus légalement possible des secondes (voire des troisièmes ou quatrièmes) épouses. Le Parlement a fini par voter une loi pour interdire cette pratique. Néanmoins, cette interdiction apparente de la polygamie est facile à contourner. Si, en principe, les ascendants ne sont pas concernés par le regroupement familial (et, donc, l’argument utilisé en Allemagne ne peut pas s’appliquer chez nous), les parents ont le droit de venir comme visiteur (pour trois mois). Ensuite, les prétextes pour rester sont nombreux (maladie…) et, quitte à passer par une période d’illégalité, les clandestins finissent toujours par être régularisés. Le moyen le plus efficace, pour une seconde épouse, est d’accoucher chez nous (si elle le peut), surtout si son mari est naturalisé, car les parents d’enfants français sont inexpulsables en droit. Et même si l’époux n’a pas encore obtenu sa naturalisation, un bébé né sur notre sol empêche, dans les faits, le renvoi au pays de ses parents. Ensuite, les HLM sont fort compréhensifs. Souvent, ils louent aux familles polygames des appartements voisins (toujours au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant).
En Occident, nous nous gargarisons d’être fermes et d’imposer notre législation aux nouveaux venus. Mais, dans la réalité, nous appliquons souvent les lois et les coutumes des pays d’origine des migrants. Nous trouvons toujours un biais prétendument humanitaire pour violer notre propre jurisprudence avec la meilleure conscience du monde, au risque de faire exploser l’équilibre délicat de notre société.
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