Après l’expulsion, en Angleterre, de vingt-trois diplomates et, aux États-Unis, de soixante ressortissants russes, présentés comme des espions, les États membres de l’Union européenne, réunis à Bruxelles, ont décidé de rappeler leur ambassadeur en Russie pour « consultations ». Ils envisagent aussi de chasser des diplomates russes : suivisme ou incapacité de mener une politique propre ?
La diplomatie semble la pire des hypocrisies. Après l’empoisonnement de l’ex-espion Sergueï Skripal en Angleterre, Donald Trump a voulu montrer sa solidarité avec Theresa May : les dirigeants européens ont suivi.
C’est sans doute, en langage diplomatique, ce qu’on appelle l’indépendance. De quoi rendre gaulliste le plus antigaulliste : le général de Gaulle, lui, au moins, était sourcilleux de la souveraineté française.
« Les dirigeants de l’Union européenne se sont entendus pour considérer, avec le gouvernement britannique, que la Russie est très probablement derrière l’attaque de Salisbury et qu’il n’y a pas d’autre explication possible », a écrit Donald Tusk, le président du Conseil européen, sur son compte Twitter.
Que penser d’une politique qui se décide sur des convictions intimes et non des réalités objectives ? Les relations internationales se limitent-elles à un jeu de rôle ?
Empoisonner un ex-espion russe qui a vendu des secrets à un gouvernement étranger n’est pas une conduite recommandable. Mais, si l’on en croit de nombreux films et romans d’espionnage, les Britanniques n’ont jamais été les derniers à utiliser des moyens peu orthodoxes pour se débarrasser d’ennemis encombrants. Ne parlons pas des Américains, qui ont toujours les droits de l’homme à la bouche… et ne manquent pas de les bafouer quand il y va de leurs intérêts. Quant à François Hollande, il aurait personnellement ordonné l’élimination, par la DGSE, d’une quarantaine d’individus dangereux pour l’État. Flanby donnant le permis de tuer, ça étonne et ça détonne !
Il faut donc expliquer autrement que par la réprobation morale les mesures prises à l’encontre de la Russie ; contre Poutine, devrait-on dire plutôt. Qu’il ait ou non, de près ou de loin, trempé dans cette affaire de poisons, il vient d’être réélu triomphalement : même les médias n’ont pas osé contester sa victoire, qu’ils ont expliquée par la « désinformation du peuple » (de quoi rire, quand on observe la façon dont la pensée unique tend à s’imposer en France).
Sa politique internationale, sa mainmise sur la Crimée, son alliance avec la Syrie, son autorité même déplaisent aux occidentaux : au lieu de dialoguer avec ce grand pays et d’essayer de le rapprocher du camp européen, ils font tout pour le rendre infréquentable aux yeux de l’opinion, au risque de le rejeter vers la Chine. Vont-ils, en juin et juillet, boycotter la Coupe du monde de football pour humilier Poutine ? Theresa May a déjà annoncé que la famille royale ne s’y rendrait pas. Sûr que Poutine doit se faire du mouron !
Il est paradoxal que la France critique plus Poutine que les dictateurs islamiques qui apportent un soutien plus ou moins direct aux terroristes. Si elle ne donnait pas à ses voisins l’exemple d’une politique de rapprochement avec la Russie, elle confirmerait qu’elle est redevenue le valet des États-Unis – ou de la finance, ce qui est un pléonasme – et qu’elle a renoncé à sa vocation de grande puissance indépendante.
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