J’emprunte cette formule savoureuse à Jacques Bichot, professeur des universités à Lyon 3 et spécialiste de la protection sociale en générale, et des systèmes de financement des retraites en particulier. A cette occasion, je veux rendre hommage à son livre consacré à la question du financement des retraites. Sur un sujet aussi abscons, Jacques Bichot a produit un véritable petit bijou. Dans un style croustillant et limpide, il mène une analyse implacable, montrant notamment comment la démagogie partagée par tous les gouvernements aboutit à ne pas traiter une question sur laquelle nous avons pourtant les données depuis au moins trois décennies. « La préparation des retraites françaises au choc démographique prévisible depuis trente ans a ainsi consisté à les fragiliser en leur assénant une série de chocs démagogiques. Ronald Reagan, lui, faisait voter en 1983 une loi disposant que l'âge de la retraite (65 ans, aux Etats-Unis) augmenterait régulièrement à partir de l'an 2000 - ce qui, a fortiori, excluait une diminution entre 1984 et 2000. Dire que les dirigeants français n'avaient pas de mots assez durs pour cet "ancien acteur de série B" et pour le "court-termisme" américain ! » [Bichot, p. 21]. S’il est une question sur laquelle on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas, c’est bien la question des retraites. On ne pourra retarder indéfiniment l’inévitable. La France ne dispose pas d’une potion magique qui aurait échappée à l’ensemble des autres pays industrialisés, lui permettant de ne pas faire les efforts que les autres ont dû faire. Tous les pays développés ont affronté la question de la pérennité du système de retraite fondé sur le principe de la répartition, en réponse aux évolutions lourdes qui affectent les tendances démographiques, notamment l’allongement de la durée de la vie et le vieillissement de la population. Or ces évolutions sont de nature à déstabiliser l’équilibre du système de financement des retraites par répartition, système qui a été mis en place en 1945 à une époque où l’espérance de vie d’un français plafonnait à 65 ans (précisément l’âge officiel de départ en retraite). L’alignement des régimes spéciaux sur le régime général n’y changera rien, car les régimes spéciaux vont intégrer un régime potentiellement condamné. L’argument qui consiste à dire que les français sont attachés à leur système de retraite par répartition est un argument spécieux dans la mesure où il vaut mieux éviter d’être attachés à quelque chose qui vous entraîne dans le gouffre. On ne résout pas les problèmes économiques et sociaux à l’affect. De fait, il sera difficile de renverser les tendances démographiques surtout si l’on continue d’adopter des lois et cautionner des comportements qui contribuent à réduire la base réellement active de la population totale. Ainsi, l’allongement des études, dans des filières qui contribuent à désorienter une masse croissante de jeunes fuyant les filières à vocation professionnelle (sous le fallacieux prétexte de bannir la sélection), et l’abaissement de l’âge de la retraite se cumulent pour rendre plus problématique la survie du système de répartition. On remarquera au passage que la réforme des universités et la réforme des retraites vont de pair, et qu’il est proprement suicidaire de s’opposer aux deux. Car nos orientations éducatives et sociales s’ajoutent aux tendances démographiques longues pour fragiliser encore plus le système de répartition auquel nous nous disons pourtant attachés, faisant des français les acteurs de leur propre faillite et nous interdisant de surcroit d’envisager les seules solutions de remplacement qui s’imposent. [1] Bichot J. [2008] Urgence retraites. Petit traité de réanimation. Le Seuil, Paris.
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