À moins de 3 mois du scrutin, l'élection européenne de mai mériterait qu'on en parle d'une manière un peu plus conforme à la réalité.
Les médias parisiens ne l'évoquent guère que sur le mode franco-français. Par convention, en effet, on raisonne dans l'Hexagone comme si, Napoléon ayant été vainqueur à Waterloo en 1815, le peuple qu'on disait encore dans mon enfance "le plus intelligent de la terre" pensait, et par conséquent se trouverait habilité à décider pour les autres. C'est dans cet esprit que, plus poliment que d'habitude en l'occurrence, plus courtoisement que lorsqu'il s'adresse à ses concitoyens, mais sans proposition concrète vraiment novatrice et convaincante, le chef de l'État français a entrepris d'écrire ce 4 mars à l'ensemble des électeurs de l'Union européenne.
Les projections résultant de sondages doivent, dans ce cas plus que jamais, être considérées avec beaucoup de prudence.
La marge d'erreur reste colossale.
Mais, un peu comme la géométrie qui consiste à raisonner juste sur des figures fausses, on se permettra ici de se baser sur la dernière projection, certes discutable en date du 6 mars.[1]
À cette lecture on croit comprendre deux choses : d'une part les listes nationales qualifiées de populistes (pouah) devraient réaliser une poussée, de l'Estonie à l'Andalousie.
Elles pourraient passer à 80 eurodéputés contre 37 dans l'assemblée sortante.
Précisons que cette projection, comme les suivantes, résulte d'une anticipation en fonction d'une "dynamique", car les enquêtes réalisées en mars ne donnent que 59 eurodéputés "populistes".
Et, d'autre part le groupe de centre droit PPE est évalué en "dynamique" à 165, en recul de 52 par rapport à l'assemblée sortante, et après le départ du Fidesz hongrois de Viktor Orban. Même dans ces conditions le centre droit devrait quand même arriver en tête.
La coopération serait compromise avec les socialistes (140, moins 47) qui reculent dans toute l'Europe.
La grosse coalition socialo-conservatrice perdrait en effet 99 sièges. Elle a imposé son conformisme mou depuis 40 ans. Elle ne dispose plus d'une majorité qui permettait aux États d'imposer le candidat le plus effacé possible à la présidence de la Commission : Barroso de 2004 à 2014 ? Juncker depuis 2014, autant de mollusques.
Le parti présidentiel français En Marche, bien qu'il n'ait pas encore désigné sa tête de liste, cherche à s'insérer parmi les libéraux-centristes de l'ALDE. Malgré l'appoint possible du Mouvement Cinq Étoiles italien cette alliance de la carpe et du lapin n'apparaît encore qu'en troisième position, avec une projection à 112 (+45).
Même par conséquent si de telles hypothèses se révélaient exactes, toute la question resterait de savoir si la présidence de la Commission, conformément aux traités, reflète le résultat du vote des électeurs ou les négociations "au sommet" entre les 27 chefs d'États et de gouvernements.
L'hypothèse du respect des électeurs reviendrait logiquement alors à imposer le candidat du centre droit. Il s'agit en l'occurrence de Manfred Weber. Issu des rangs des chrétiens sociaux bavarois celui-ci vient encore de rappeler que la Turquie n'a pas sa place en Europe et d'annoncer que s'il présidait demain la Commission les négociations d'adhésion seraient donc définitivement conclues par la négative [Sa phrase exacte est :"La Turquie ne peut pas être membre de l'UE. Si je deviens président de la Commission européenne, je donnerai instruction aux services à Bruxelles de mettre fin aux négociations avec la Turquie sur l'accession à l'Union européenne[1]". Je ne préjuge pas ici de sa sincérité. Je note simplement qu'il s'agit d'un rapprochement métaphorique avec les partisans d'une Europe plus identitaire] Une telle position tend, comme les déclarations de Laurent Wauquiez en France, à se rapprocher prudemment de l'électorat populiste. Elle contredit celles du chef de l'État français.
À noter aussi que le parti conservateur allemand, par la voix de Annegret Kramp-Karrenbauer, dauphine désignée d'Angela Merkel, s'est clairement démarqué ce 9 mars des propositions d'Emmanuel Macron : "le centralisme européen, déclare-t-elle,l'étatisme européen, la mutualisation des dettes, l'européanisation des systèmes sociaux et du salaire minimum seraient la mauvaise voie."
JG Malliarakis
Apostilles
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