jeudi 30 janvier 2020

Des municipales qui s’annoncent paradoxales, comme cet étrange sondage…

election_mg_3460-845x475.jpg
Il est toujours difficile de s’exercer à l’art de la prédiction – raisonnée – du résultat d’une élection. A fortiori pour des élections municipales, qui ne sont pas une seule élection mais 35.000 élections locales. A fortiori, encore, pour cette cuvée 2020, les premières élections locales depuis l’élection d’Emmanuel Macron qui a mis fin à des décennies de domination et d’alternance bien huilée entre PS et LR et fait entrer la vie politique française dans une nouvelle ère.
Un sondage Odoxa-CGI pour France InterL’Express et la presse régionale, paru mardi, indique que ces élections municipales auront, pour 42 % des Français, une dimension nationale, et que 30 % les utiliseront pour sanctionner Emmanuel Macron et le gouvernement. Jusque-là, tout cela est de bonne guerre et les politologues savent qu’après deux ans d’exercice du pouvoir, les élections locales se transforment souvent en vote sanction : en 1983, le PS et toute la gauche perdirent de nombreuses villes. Villes qu’ils avaient souvent gagnées six ans auparavant quand les électeurs sanctionnaient… la droite giscardienne. Echanges de bons procédés.

Mais voilà, comment sanctionner la majorité macroniste quand le parti du Président, tout neuf, ne détient en fait aucune ville et a choisi une stratégie d’enfouissement, en soutenant ici un maire LR, là un PS, mais sans trop montrer le bout de son étiquette ? Les Français ont des envies de dégagisme, mais ceux qu’ils voudraient dégager ne sont ni aux commandes des villes ni candidats sous leurs propres couleurs ! À quelques exceptions près, et parfois de taille, comme à Paris. La situation est vraiment inédite. Comment l’électeur trouvera-t-il le candidat LREM à dégager quand, comme par exemple dans les grandes villes de certains départements, il n’y a aucune liste LREM !
Réponse du député LREM de la 3e circonscription du Lot-et-Garonne, Olivier Damaisin, à La Dépêche, sur cette absence :
« Cela ne me chagrine pas parce qu’il y a des Marcheurs partout, sur toutes les listes, dans toutes les villes que vous venez de nommer il y a des marcheurs. À Villeneuve-sur-Lot, il y a des Marcheurs dans la liste Lepers [origine LR], dans la liste Cassany [maire PS sortant] et dans la liste Soubiran [ex-adjoint de Cahuzac]. »
C’est assez drôle, finalement : vous pensez sanctionner Macron en votant LR ? Ben non, vous envoyez des Marcheurs au conseil municipal. Vous voulez voter PS pour la même raison ? Même paradoxe. Ou même arnaque ? En tout cas, pas un signe de grande clarté démocratique. Une forme d’entrisme par lequel le parti LREM, affaibli, vient maintenir les deux partis qu’il a supplantés mais d’où il est issu.
Si nous revenons au sondage Odoxa, il donne pourtant 18 % à LREM, 14 % au RN, 13,5 % à EELV comme à LR et 11 % au PS. L’implantation de nombreux maires sortants des deux partis de l’ancien monde leur permet de se maintenir honorablement. Mais les deux petits nouveaux (EELV et RN) devraient commencer à s’incruster. Bien sûr, le facteur personnel et local sera décisif au second tour.
C’est donc un paysage politique en pleine mutation que révéleront ces élections municipales. Vu la dispersion des voix et l’absence de parti hégémonique, un raz-de-marée serait un événement, mais il est peu probable. Mars accouchera certainement d’un paysage éclaté (avec triangulaires, quadrangulaires et de multiples fusions de listes au second tour) et assez illisible. Finalement, la pulsion dégagiste pourrait bien aboutir à une grande stabilité pour ces municipales. Mais une stabilité qui cachera des évolutions souterraines encore en cours. « La poutre bouge encore », disait Édouard Philippe, il y a deux ans. Elle continuera encore de bouger. Même si ce n’est pas forcément comme il l’entendait.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire