« Aux origines coloniales de la crise écologique », titre Le Monde, le 24 janvier. Tiens, c’est vrai : comment a-t-on pu oublier ce péché-là ? « J’ai bon dos, je suis la cause de tous les malheurs du monde, j’ai l’habitude… », écrit Frédéric Beigbeder dans Le Roman français.
On ne nous laisse pas souffler. À peine eu le temps de digérer l’épisode « Shoah » que le gavage reprend : accourez, approchez, venez tous, ne faites pas les timides, il est encore temps de lancer votre petite pierre dans cet immense procès post-mortem de vos aïeuls : le chômage ? Les retraites ? Le coronavirus ? L’interro de conjugaison ratée du petit dernier ? Le cancer de la grand-mère ? Répétez en chœur après moi : au fond, c’est toujours la faute à la colonisation.
Le Monde rapporte que c’est Greta Thunberg elle-même qui a fait le lien, donnant ainsi raison aux chercheurs décoloniaux et une explication au tee-shirt « antifa » qu’elle arbore sur certaine photo traînant sur les réseaux sociaux : « La crise climatique ne concerne pas seulement l’environnement. C’est une crise des droits de l’homme, de la justice et de la volonté politique. Les systèmes d’oppression coloniaux, racistes et patriarcaux l’ont créée et alimentée. Nous devons les démanteler. » Bref, dénoncer la colonisation, c’est aussi écolo que planter des arbres, et c’est moins fatigant.
« Pour les chercheurs décoloniaux, le dérèglement climatique serait lié à l’histoire esclavagiste et coloniale de la modernité occidentale. Selon eux, le capitalisme s’est structuré sur une économie extractive et des monocultures intensives qui ont détruit la biodiversité. »
Si tout n’était pas mélangé – colonisation, esclavagisme, capitalisme… – dans un grand jyfoustout des détestations d’extrême gauche, on pourrait en effet s’interroger, pourquoi pas, sur les méthodes d’agriculture productivistes qui ont peut-être fait un sort, là-bas comme ailleurs – y compris dans la Creuse ou l’Aveyron, ce qui annihile la thèse du grand complot colonialiste -, à la biodiversité, mais ont, il faut bien le dire, séduit les agriculteurs eux-mêmes par le supplément de rationalité qu’elle leur apportait.
Mais dans cette mise en accusation, il est un angle mort, un point non abordé pour le moins étonnant, eu égard à leurs convictions. Puisque nos écolos modernes sont des malthusianistes patentés qui reprochent aux enfants jusqu’à l’air qu’ils respirent, pourquoi n’évoquent-ils pas, dans leurs griefs, l’accroissement exponentiel de la démographie locale lié à l’apport médical occidental ? Je crois l’avoir déjà écrit dans ces colonnes : au large de Dakar, sur l’île de Gorée, on peut encore voir un monument rendant hommage aux médecins et pharmaciens français morts de fièvre ou d’épidémie… Sur 5.000 officiers médecins, 400 y ont laissé la vie, sans parler de leur famille.
Pour 80 à 90 % d’entre eux, ils soignaient des populations civiles, venant à bout de fléaux réputés invincibles : lèpre, choléra, maladie du sommeil, fièvre jaune, variole, etc.
C’est, d’ailleurs, en digne héritière de cette lignée que le médecin-chef Marie Mura, 36 ans, chercheuse au Service de santé des armées (SSA), vient d’être couronnée par l’Académie nationale de médecine pour ses travaux ouvrant la voie à un vaccin contre le paludisme. « Il existe une longue tradition de recherches du SSA autour du paludisme. Figurez-vous que la cause de la maladie (un parasite protozoaire propagé par certains moustiques) a été établie à l’hôpital militaire de Constantine (Algérie) en 1880, offrant à son découvreur, le médecin militaire Alphonse Laveran, le prix Nobel de médecine en 1907 », peut-on lire sur le blog Défense de La Voix du Nord qui commentait l’événement ce 27 janvier…
Pour moi, je repense à telle grand-tante, veuve d’un médecin militaire mort de fièvres tropicales : elle accueillit et éleva durant deux ans comme le fils qu’elle n’a jamais eu le bébé de son frère officier colonial que ce dernier, déchiré, ne pouvait emmener avec le reste de sa famille à Madagascar car on surnommait alors l’endroit « le cimetière des enfants ». Les colonies leur ont beaucoup pris. Peut-on leur rendre leur honneur et ne pas les écraser de notre mépris ?
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