Au commencement était l’idéal cosmopolite. La laïcité a été imaginée par des gens qui ont cru que des hommes de toutes les origines pourraient paisiblement cohabiter si l’on expulsait de la société civile le religieux, et par extension tout ce qui distingue les hommes entre eux. Cette croyance était absurde, les frères Kouachi en témoignent.
« Croyance » ? Vincent Peillon, ancien ministre de l’Education ne le cache pas : « La laïcité est une religion républicaine », dit-il. « Le Serpent », pour reprendre un surnom que lui donnait François Hollande, raconte (voyez cette courte vidéo) que la République avait besoin de « former sa propre religion » afin de saper l’Eglise catholique. Il s’est donc constitué une « alliance religieuse universelle » explique Peillon, alliance dans laquelle on trouvera des « catholiques libéraux, des protestants libéraux, des juifs libéraux, des athées et des matérialistes », qui portera, toujours selon Peillon, « un projet de religion universelle », une religion que les « croyants » ont appelé « la laïcité » (sic !).
Pour résumer le propos de Peillon, on dira que la laïcité, comme religion universelle s’adressant à tous les hommes, a expulsé de la sphère publique la religion ancienne pour s’installer à sa place. Les normes et les principes de la religion ancienne, sur lesquels était en partie fondé l’ordre social traditionnel, ont ainsi été remplacés par les normes et les principes d’une nouvelle religion. L’objectif de cette nouvelle religion était d’installer un ordre social qui permette de faire vivre ensemble tous les hommes, quelle que soit leur origine : un ordre social aussi universel que l’était cette religion !
On définit habituellement la laïcité comme le « principe de séparation dans l’Etat de la société civile et de la société religieuse » (CNTRL). Si l’on s’en tient à cette définition, il est impossible de définir l’Etat républicain comme un Etat « laïc ». La société civile est bien séparée de l’ancienne religion (le catholicisme) mais a été complètement investie par la nouvelle (la « religion laïque »). Cependant, si l’on veut absolument définir l’Etat républicain comme un Etat « laïc », alors la laïcité devra plutôt être définie de cette manière : « laïcité : principe de fusion dans l’Etat de la société civile et de la religion universelle ».
Mais en quoi la laïcité est-elle une « croyance », une « religion », bref, pour reprendre le vocabulaire républicain, un « obscurantisme » ?
Tout d’abord, il faut bien comprendre que la laïcité repose sur une vérité révélée. Cette vérité révélée a ses propres prophètes : les philosophes du XVIIIe siècle. Ceux-ci ont reçu la Lumière et cette Lumière leur a enseigné que la Nature accordait généreusement des « droits naturels » à l’Homme : la liberté, l’égalité, la sûreté, le droit à la propriété et même, parfois, le droit de résister à l’oppression. Ce droit naturel est un droit universel qui bénéficie à tous les hommes sans distinction. Un « contrat social », par lequel les hommes formeront une société parfaite (une « république » en langage philosophiste), peut donc s’établir sur la base de ce droit.
En d’autres termes, l’idée qu’un corps politique pourrait fonctionner harmonieusement sur la base de lois traduisant les droits naturels, ou au-moins ne les contredisant pas, germe dans l’esprit des philosophes et des républicains qui s’inspirent des écrits de ces derniers. Rien de plus logique en effet : une société qui s’organiserait et fonctionnerait selon des valeurs et des principes qui découleraient de la nature de l’Homme, de tous les hommes donc, ne pourrait heurter les sentiments d’aucun d’entre eux et pourrait alors s’épanouir pacifiquement (au contraire des sociétés fondées sur des traditions, des Eglises ou des cultures spécifiques, qui heurteront la sensibilité de ceux qui leur sont étrangers et empêcheront ainsi le vivre-tous-ensemble).
A départ de la « religion universelle laïque », il y a donc une « révélation » : l’Homme a des « droits naturels ». De cette révélation émerge une croyance : une société humaine pourrait s’organiser sur la base de ces droits universels et s’ouvrir ainsi à tout le genre humain… à condition d’expulser de la société civile tout ce qui ne découle pas de ces droits et empêche le vivre-tous-ensemble, telles les religions par exemple (et pour commencer !). La laïcité exprime cette croyance et la met en œuvre. C’est une praxis, ou si l’on préfère une méthode pour transformer la société dans le sens voulu par la croyance (Manuel Valls, août 2014 : « La laïcité n’est pas un obstacle. Elle est une méthode »). Elle manifeste un Acte de foi totalement irrationnel en la Révélation et en la possibilité de bâtir un ordre social multiethnique sur la base du droit révélé. Prendre le risque de faire vivre ensemble ceux que l’Histoire a séparé demande en effet une foi totale et intransigeante. Car si par malheur la croyance ne tient pas ses promesses, alors les croyants en la laïcité seront accusés d’avoir transformé une société paisible en baril de poudre.
Aujourd’hui, les illusions ne sont plus permises. Croire aux vertus de la laïcité est d’autant plus absurde et incompréhensible que les faits ont déjà, et depuis longtemps, ravalé cette croyance au rang d’un simple boniment de charlatan. Depuis au-moins les Minguettes (1983), l’échec de la « méthode » est indiscutable. La constitution de zones de non droit (ou de droit islamique), la formation de sociétés parallèles et la prolifération d’économies parallèles, les émeutes ethniques, le racisme anti-français (anijaphétisme), la délinquance immigrée, les multiples et récurrentes « pannes de l’intégration », le communautarisme, les séparatismes ethniques, le terrorisme islamique… ont posé comme un fait que tous les hommes ne trouvent pas acceptables les valeurs et les principes découlant des droits naturels et de la religion laïque. En d’autres termes, la laïcité, en tant que méthode, a fait la preuve de sa faillite : elle n’est pas en capacité de faire vivre ensemble des hommes de toutes les origines ! La croyance en cette capacité s’est fracassée sur le mur des réalités, la foi en la laïcité est devenue totalement déplacée et irresponsable. Les républicains ne peuvent plus faire comme si rien ne s’était passé depuis 1983. Pour la plupart, d’ailleurs, croire en la laïcité relève maintenant du simulacre et d’une posture politique hypocrite. La vérité est que la République n’a aucun moyen de faire vivre ensemble des gens de diverses origines ! Vue ses conséquences passées et à venir, l’entreprise républicaine qui a consisté à ignorer les faits pour passer outre les nécessaires séparations entre les hommes doit être considérée comme un crime contre l’humanité.
Nous disions en titre que la laïcité était un « obscurantisme ». Pour Wikipedia, « un obscurantiste prône et défend une attitude de négation du savoir. Il refuse de reconnaître pour vraies des choses démontrées ». La foi persistante en la laïcité, réelle ou simulée, relève donc de l’obscurantisme, puisque la faillite de la laïcité en tant que méthode est démontrée. Néanmoins, malgré les faits, l’obscurantisme républicain ne s’avoue pas vaincu. Déjà, nous pouvons observer une volonté de faire glisser le concept de laïcité du domaine religieux au domaine culturel. La laïcité culturelle consiste à rendre la sphère publique culturellement universelle. Concrètement, cela signifie que les principes culturels européens qui norment notre société doivent à leur tour et progressivement rejoindre la sphère privée pour ne pas heurter les immigrés. Ceux qui croient en la religion universelle dont parle Peillon, s’imaginent encore pouvoir gagner la bataille de l’intégration et du vivre-tous-ensemble en effaçant « laïquement » notre culture. L’objectif est de réduire l’Homme au Consommateur. Bien sûr, une nouvelle fois, les républicains se trompent (pour contrer ce processus, nous avons posé le droit autochtone à une « culture sociétale » - voyez ici ou ici).
De ce qui précède, il faut retenir, d’une part, que la référence à la laïcité comme moyen de construire, de faire tenir ou de restaurer l’Etat républicain exprime une croyance irraisonnée et en aucun cas une pensée rationnelle. Et, d’autre part, que la référence à la laïcité manifeste explicitement la fidélité à la République, c’est-à-dire le ralliement à une Eglise qui s’est servie de cette croyance pour justifier son projet de construction d’un ordre multiethnique viable.
On ne peut donc aujourd’hui invoquer la laïcité et récuser cet ordre multiethnique. C’est pourtant ce que font des personnalités comme Marine Le Pen ou Eric Zemmour (au contraire d’un Peillon). Nous leur renvoyons à ce propos cette citation de Bossuet, qu’eux-mêmes évoquent souvent : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes » !
Bien sûr, on nous opposera qu’on ne peut plus faire autrement, aujourd’hui, que de parier, en croisant les doigts, sur la réussite miraculeuse d’une laïcité que l’on sait pourtant irrémédiablement condamnée. Vue la situation, ce pari est absurde : plus rien n’empêchera l’effondrement de cette société. Il est déjà trop tard...
Et puis, modestement, ce blog ne propose-t-il pas une autre voie ?
Antonin Campana
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