Le monde de demain sera-t-il celui d’hier, voire d’avant-hier ? En tout cas, ni le progressisme, ni l’européisme, ni le mondialisme ne font plus recette, car le Covid-19 les a contaminés. Ceux qui marchaient vers un avenir radieux se sentent fiévreux et affaiblis, affaiblis dans leurs certitudes et dans leur arrogance. Depuis quelques jours, les mots d’ordre se sont inversés. Le renversement le plus fort est celui de la préférence que les belles âmes, le pape en particulier, avaient manifestée en faveur des ponts et au détriment des murs. Par une incroyable ironie de l’Histoire, on voit celle-ci nous offrir une séquence qui commence par l’effondrement du mur de Berlin et la fin de la séquestration des peuples par les dictatures communistes, et qui se termine sans doute en ce moment même avec le rétablissement des frontières.
Le réalisme allemand a prévalu sur l’idéologie, l’égoïsme national aussi, puisque Berlin a interdit l’exportation du matériel sanitaire nécessaire à la lutte contre l’épidémie. L’inutilité de l’Union européenne, face aux menaces, devient criante. Lorsque l’épidémie arrive, elle reçoit Greta Thunberg !
Les communautés réelles, la famille, la nation, dénoncées comme des antiquités pernicieuses par le progressisme et sa volonté de réduire l’humanité à une poussière d’individus nomades et interchangeables, reviennent en force, car elles sont les deux cercles les plus nécessaires de la solidarité. Le premier dessine l’espace de l’entraide de proximité entre les générations. Le second, celui de l’action salutaire de l’État en temps de crise pour prendre les mesures d’interdictions, d’obligations, de dotation en moyens humains, matériels et financiers destinées à faire face aux risques, sanitaire d’abord, économique ensuite.
La déconstruction de la famille traditionnelle et de l’État national souverain est suicidaire. Car ils sont les recours les plus efficaces lorsque le drame collectif survient. Mais pour qu’il y ait un État-nation, il faut bien sûr qu’il y ait un État, un État non pas obèse, croulant sous les dépenses inutiles, mais musclé et concentré sur sa mission essentielle : la protection de SES citoyens, de l’armée à l’hôpital en passant par la police et la justice. Mais il faut aussi qu’il y ait une nation, c’est-à-dire une communauté d’hommes et de femmes partageant la même culture et conscients de leur destin solidaire, communiant dans une même identité nationale.
La discrimination était le mot maudit par excellence. L’égalité était sacrée. Face à la maladie, la discrimination s’impose. Elle peut même prendre le masque horrible de la sélection entre ceux que l’on va faire vivre et ceux que l’on va laisser mourir, parce que l’offre de soins se sera raréfiée. Mais, déjà, des hiérarchies sont établies entre les activités et les personnes, entre celles qui sont indispensables et celles qui le sont moins, entre celles qui courent ou font courir plus ou moins de risques. La vie est une succession de choix. Il n’y a pas de place pour le « en même temps » illusoire.
Au-delà de ces retours positifs, il en est d’autres qui le sont moins. L’obligation de porter sur soi une attestation pour ses déplacements, la pénurie de certains produits dans les commerces et les pharmacies ne sont pas sans évoquer les « Ausweis » et les rationnements des « heures sombres ».
C’est l’atterrissage après la crise qu’il faudra réussir. En 2008, celle-ci était économique, fondée sur l’endettement, en premier lieu celui des nouveaux propriétaires américains. Néanmoins, les pompiers pyromanes qui nous gouvernent ont continué à fabriquer de la monnaie et accentuent, en ce moment même, l’endettement des États – le nôtre en particulier. Il y a donc un risque de revenir, une fois l’épidémie jugulée, au monde d’avant, celui de l’imprévision et de l’insouciance, parlant du réchauffement climatique (parce que c’est la mode) mais oubliant de préparer des guerres plus proches et plus redoutables.
Demain, c’est cet équilibre entre la rigueur retrouvée et la liberté sauvegardée qu’il faudra reconstruire, c’est le retour vers le bon sens qu’il faudra mettre en oeuvre.
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