Le monde qui voit la naissance de l’Action Française n’est pas encore entré dans l’ère de la Grande consommation mais l’industrialisation du XIXe et, pour notre pays, la Révolution française ont jeté les bases de cette « dissociété » dominée par l’individualisme et la Marchandise… La trinité infernale « Franklin-Taylor-Ford », plus révolutionnaire que Marx ou Lénine, entame un règne qui, en cette année 2020, n’est toujours pas terminé...
La naissance et l’affirmation de la société de consommation aggravent encore les conséquences de l’individualisme et désarme les oppositions collectives en transformant les producteurs en esclaves des consommateurs et, plus encore, du système même qui les aliène à la consommation après les avoir exploité comme producteurs : c’est toute l’intelligence (et le cynisme) de Ford qui a compris que désormais, après des millénaires durant laquelle la société s’est organisée autour du système « Produire pour consommer », celle qui naissait de l’industrialisation triomphante selon les critères de Benjamin Franklin (« le temps c’est de l’argent ») s’appuyait sur le système du « Consommer pour produire », plaçant désormais le consommateur en position dominante par rapport au producteur, même quand il est une seule et même personne…
S’il rejette le libéralisme et ce que l’on nommera dans les années 1960 cette fameuse société de consommation et des loisirs, Maurras et à sa suite l’Action française ne tombent pas pour autant dans l’étatisme ou le « socialisme », comme l’explique Thierry Maulnier : « Ce que Maurras rejette dans le socialisme, ce n’est pas le socialisme lui-même, si l’on entend par socialisme l’anti-individualisme, la subordination du caprice individuel à l’harmonie des rapports sociaux, et l’exigence d’une société où tous les hommes, toutes les classes trouveraient leurs droits légitimes reconnus et leur dignité respectée. Ce que Maurras rejette dans le socialisme, ce n’est même pas le mot de socialisme : il nous parle quelque part de la part de socialisme que doit comporter la monarchie ; et il écrit : « Cela dit, il n’en reste pas moins que les affinités de certaine organisation socialiste qu’il vaut mieux ne pas appeler socialiste, de certain protectionnisme social (protection du producteur associé à la protection du produit), font le complément naturel et logique du nationalisme. Il y a opposition, contradiction à angle droit entre le marxisme, égalitaire, international, et la protection de la nation et de la patrie. » Pour l’Action française, il n’y a pas de social qui tienne sans la nation, première protection sociale par excellence : si la nation va bien, toute la société française s’en portera mieux, pour autant que l’État en soit le serviteur et non celui des grandes féodalités financières, industrielles ou politiciennes ; si la nation va mal, ou est asservie, les travailleurs français, ceux de la terre comme de l’usine, ceux des bureaux comme du commerce, risquent bien d’en souffrir, sauf exceptions de ceux qui sont prêts à se vendre, par individualisme et déni d’appartenance à la communauté nationale… C’est l’erreur, la faute même, des socialistes internationalistes de négliger la nation et de penser que l’on peut faire du social en oubliant « le plus vaste des cercles communautaires qui soient, au temporel, solides et complets. Brisez-le, et vous dénudez l’individu, il perdra toute sa défense, tous ses appuis, tous ses concours ». C’est une condamnation sans appel d’une globalisation (nommée aujourd’hui mondialisation) qui veut réaliser le vieux rêve d’un monde sans classes ni États, c’est-à-dire d’un monde dans lequel la gouvernance mondiale, celle des grandes institutions financières et des firmes transnationales « sans patrie », s’affranchirait des contraintes étatiques et des devoirs sociaux pour ne plus considérer que des consommateurs interchangeables et seulement mus par des considérations digestives ou ludiques, et dans lequel seuls compteraient les intérêts individualistes des actionnaires ou des grandes sociétés, à la recherche des meilleurs « avantages comparatifs » dans la nouvelle division internationale du travail… Un monde de la démesure et de l’injustice sociale, en somme…
(à suivre)
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