Bonne nouvelle penseront ceux qui ignorent tout du problème ferroviaire de l'Hexagone, lancinant depuis la réforme Juppé de 1997 : le ministre délégué aux Transports annonçait ce 23 juillet dans un entretien publié par Le Figaro un soutien de "plusieurs milliards à la SNCF."
Quoique le rafistolage comptable soit incompréhensible, on parle de 6 milliards, un peu moins que pour Air France. Cette dernière compagnie a été resubventionnée à hauteur de 7 milliards… en même temps, on veut lui imposer la fermeture des lignes intérieures, et même une limitation de ses vols au départ de Strasbourg, théoriquement capitale européenne…
Jean-Baptiste Djebbari réaffirme ainsi, dans la foulée, avec ce que Barrès appelait un joli mouvement du menton, que l’État compte "redévelopper le fret et relancer d’ici 2022 deux lignes de train de nuit supplémentaires."Cette ambitieux programme ne fait que prendre le relais de déclarations présidentielles de Jupiter en personne.
Or, tout est à l'avenant.
Dès ce printemps, avant qu'elle redevienne ministre, Roselyne Bachelot l'avait aimablement constaté "c'est open bar pour les dépenses publiques". Reprendrait-elle cette souriante formule désormais ?
Sans doute convenait-il d'augmenter les rémunérations des personnels de santé… puisque la CGT le demandait.
Mais lorsque Jean Castex fraîchement nommé premier ministre avait annoncé une rallonge de 2 milliards d’euros pour la revalorisation salariale, la CGT et les collectifs revendicatifs jugèrent "l’enveloppe" insuffisante.
Olivier Véran, l'ex-doublure d'Agnès Buzyn, l'ex-intrigant du parti socialiste, l'ex-rapporteur de la loi bioéthique, va quant à lui plus loin avec ses 33 mesures du "Ségur de la Santé". Le Monde dans son éditorial peut ainsi se féliciter que ce soit "8,2 milliards d’euros qui vont être débloqués chaque année pour revaloriser le salaire, la carrière et les conditions de travail des personnels… Près de 19 autres milliards (dont 13 milliards sous forme de reprise de dette) vont être investis pour améliorer la prise en charge des patients…"[1]
Mais la sur-administration de l'hôpital public n'est jamais évoquée, et ne sera pas corrigée, non plus que le règne de ces désastreuses "agences régionales de santé", ni aucun de ces surcoûts et surpoids résultant de nos bureaucraties sanitaires.
Tous les mots utilisés dans ce catalogue des annonces font désormais partis des éléments de langage les plus conventionnels et les plus souvent répétés par nos désinformateurs. Ils méritent pourtant d'être réexaminés. Que veulent dire : "enveloppes", "milliards débloqués", "mis sur la table" etc ?
Pied à pied, depuis 1958, on n'a cessé en France de remettre en cause, de rogner, un à un, les principes positifs sur lesquels la nouvelle constitution avait imaginé de reconstruire un pays.ar, à l'époque, les Français avaient été révoltés par leur mode gouvernement : pas seulement, du point de vue patriotique, par la série des humiliations subies à Dien Bien Phu en 1954 ou à Suez en 1956 ; mais aussi, du point de vue populaire, par les défauts congénitaux de la quatrième république : inflation, dette extérieure, règne des partis, fiscalisme, etc. Qu'on relise le discours économique du fondateur du nouveau régime en décembre 1958 et l'on retrouve une tentative de réponse à cette volonté de remise en ordre et l'appel du plus remarquable des économistes français, Jacques Rueff.
Mais bien entendu, cet aspect de cette époque reste passé sous silence.
Cependant elle a inspiré une disposition, qui se voulait alors essentielle, de la constitution – et qui théoriquement demeure : l'article 40.
Celui-ci est formulé de la manière suivante : "Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique."[2]
Malheureusement depuis la dépense publique ne résulte plus des propositions des députés, que l'on considérait sous la misérable "troisième" et défunte "quatrième" comme l'expression courante de la très vilaine démagogie parlementaire.
Or, sous "la cinquième", elles sont impulsées sans aucune base juridique, sans aucun sérieux budgétaire, par les projets gouvernementaux, reflets eux-mêmes des dossiers administratifs et des oukases présidentiels. La technocratie qui devait servir à rationaliser les décisions de l'État, à contenir les aspirations médiatisées, à discipliner les pressions syndicales, a produit exactement le contraire. En septembre 1958 son fondateur, étrangement prémonitoire, déclarait, "de la nouvelle république on dit qu'elle est la cinquième, en réalité c'est toujours la même".
Je crains fort, – en anglais "I am afraid" – que, pour une fois, il n'ait pas eu tort.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] cf. éditorial "Le Ségur de la santé, un tournant dans la politique hospitalière"
[2] cf. sur Légifrance.
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