Plus généralement : « bonum est amandum », le bien est à aimer; s'il est possible de faire respecter et aimer le bien par des personnes sans leur accord, et même contre leur volonté peccamineuse, alors il faut bien évidemment user de coercition pour le faire, parce que le libre arbitre n'est pas l'essence de la volonté, il n'en est que l'attribut; on n'a pas une volonté (appétit rationnel) pour jouir du privilège de prendre des décisions, on prend des décision pour satisfaire aux réquisits objectifs de la nature (rationnelle) de la volonté, c'est-à-dire de cette volonté par nature ordonnée à des biens dont le libre arbitre ne décide pas, parce qu'il ne crée pas la bonté des biens qu'il choisit. Mais il se trouve que certains biens ne peuvent être appétés sans être dénaturés que s'ils sont subjectivement choisis. Donc il n'est pas possible d'ordonner les volontés individuelles à ces biens autrement qu'en faisant dépendre cette ordination de leurs choix subjectifs. Usons d'un exemple simple pour l'illustrer :
Objectivement, la personne humaine vouée au mariage, trop souvent gâtée par les préjugés et les passions, n'est pas tou jours la mieux placée pour se choisir le conjoint le plus adéquat. Nombreuses sont les unions conjugales si déséquilibrées qu'elles en viennent à engendrer des désordres privés tels qu'ils compromettent médiatement la santé de l'État. Est-ce à dire pour autant que c'est à l'Etat que reviendrait le soin de régler, comme le voulait Platon, les unions conjugales ? Nullement, parce qu'il est définitionnel du mariage d'être librement consenti, d'être subjectivement voulu si l'on forçait les gens à se marier, le sacrement du mariage serait invalide, parce que le mariage est don réciproque, don de soi à l'autre, abnégation des conjoints ablative de leur indépendance différentielle en vue d'une fusion qui, pour se concrétiser sans être ablative des personnes qui se donnent, doit être productrice d'une progéniture en laquelle les époux sont un (ne faire qu'une seule chair); or, pour se donner, il faut se posséder, et il faut être libre pour se posséder , il n'est pas de don qui ne soit librement consenti, il n'est pas de mariage qui ne soit librement contracté Pour autant, le respect des libertés en matière d'unions conjugales ne fait pas de la vie de couple et de la vie familiale la raison et la fin de l'autorité de l'État. Le raisonnement qui vient d'être exposé s'applique à l'éducation des enfants et au choix de la confession religieuse.
3) La religion d'État.
La religion concerne les fins dernières, et c'est pourquoi le souci religieux, légitimement, l'emportera toujours, en chaque homme, sur le souci de servir le bien commun politique, lequel a raison de fin pour la personne, mais non de fin dernière; c'est au reste pour cette raison que les guerres les plus cruelles sont les guerres de religion, parce que les hommes y risquent ce qu'ils ont de plus précieux.
Cela dit, si la religion est reléguée dans la sphère du privé, alors de deux choses l'une Ou bien, conservant son privilège de considération des fins dernières, la religion, ainsi enfermée dans le domaine privé, en viendra à faire se subordonner l'État au domaine privé, et c'est la majesté du bien commun politique qui sera ainsi frustrée :
Ou bien au contraire, jaloux de sa majesté, l'État persistera à se subordonner le domaine du privé, mais alors il n'y parviendra, dans l'hypothèse, qu'en se subordonnant le souci religieux (puisque dans l'hypothèse ce dernier est cantonné dans la sphère du privé; et c'est alors la majesté du service des fins dernières qui s'en trouvera offensée : l'État devient alors irrationnel, parce qu'il se place en position de périr d'intumescence.
Si l'on écarte la perspective d'un État athée, lequel est toujours l'État de la religion de l'homme déifié, ainsi la mort de l'État si l'homme est Dieu, chaque homme est un petit dieu, et une coexistence de petits dieux est une notion contradictoire, chacun prétendant à être le premier qui se subordonne tous les autres), il ne reste que la solution suivante : l'État doté d'une religion d'État, laquelle, pour le vrai catholique, ne peut être que la religion catholique, puisqu'elle est pour lui la seule vraie religion révélée (3) Dans cette perspective, la religion n'est plus une affaire par soi privée, elle appartient au domaine du public, et ainsi tant la majesté de l'État que celle de la religion sont respectées.
Ainsi que le rappelle Alain Soral « Comprendre l'Empire », éditions Blanche, 2011, pages 170 et 171; Julius Evola « Révolte contre le monde moderne » avait naguère dénoncé l'enjeu de ce problème du rapport entre Eglise et Etat aussitôt que s'instaure une dissociation entre les deux domaines, c'est-à-dire une césure sans médiation (laquelle serait un « point de suture » qui ne distingue qu'en unissant, en faisant s'identifier en lui comme identité du « terminus ad quem » de l'un et du « terminus a quo » de l'autre ce qu'il sépare; alors cette dissociation prend bientôt la forme d'un conflit qui a pour résultat de faire s'abaisser réciproquement les oratores (le clergé) et les bellatores (l'aristocratie au profit de l'instance marchande et bancaire des laboratores, au point que le politique en vient à se rendre incapable de maîtriser les puissances d'argent par là destinées, à terme, à se substituer aux aristocraties traditionnelles et à exténuer les puissances religieuses. La part de vérité de cette observation est indéniable. Il est cependant clair que, pour un catholique, un retour (préconisé par Evola) à l'identification stricto sensu entre royauté et sacerdoce, soit encore un retour à la sacralité impériale du paganisme, n'est pas une solution rationnelle, pour les raisons que nous avons évoquées dans notre introduction : d'abord, en se greffant sur le meilleur du paganisme, le christianisme n'a fait que se réapproprier ce dont le paganisme était le souvenir plus ou moins adultéré (voir notre note 2); ensuite, il est définitionnel du concept de religion que cette dernière soit révélée, soit par les créatures qui, par le fait même d'exister crient l'existence de leur Cause (religion naturelle; soit et plus pleinement par Dieu lui-même investissant l'histoire et finalisant l'histoire par la vie éternelle qui excède le politique; de sorte que, la réfection du genre humain exigeant une révélation surnaturelle, il fallait bien que les oratores fussent un ordre distinct du politique, ainsi un ordre ecclésial; en troisième lieu, exténuer la sacralité de la religion (promesse d'un destin humain non mondain) pour la faire endosser par le politique, ainsi absolutiser le politique en tant que tel, cela revient à déifier la société et la vie mondaine en général, lesquelles, n'accédant à la conscience d'elles-mêmes que par l'homme, sont telles que leur absolutisation est aussi celle de la conscience humaine ainsi déifiée, ce qui est nommé "subjectivisme", matrice de notre modernité apostate et de toute décadence Loin d'enterrer les grandeurs du monde antique, l’Église les a sauvées, parce qu'elles étaient incapables d'assurer par elles-mêmes leur propre pérennité, et d'aller jusqu'au bout d'elles-mêmes dans leur ordre propre. Que l’Église et l'État n'aient pas su, dans leur longue cohabitation s'harmoniser, cela ne tient pas du tout au fait (n'en déplaise à Julius Evola) que les deux domaines devraient par essence en venir à s'opposer, cela tient à des raisons contingentes dont la responsabilité est imputable aux deux ordres, tantôt l'un tantôt l'autre, selon les époques.
STEPINAC.
1 Rappelons qu'une cause en général est ce qui est responsable de ce qu'une chose passe de la puissance à l'acte. Il y a quatre types spécifiques de causalité si l'on entend exposer les causes d'une poterie, la cause efficiente est l'artisan, la cause matérielle est l'argile, la cause formelle est l'idée que l'art du potier incarne dans la matière, la cause finale est le but que poursuit l'artisan en façonnant son oeuvre, l'usage qu'il lui réserve. La cause finale est première en intention et ultime en exécution elle vient chronologiquement en dernier mais, du point de vue de la causalité (ce qui est responsable de la production de la poterie), elle est première la cause finale meut les autres causes, qui ne sont convoquées qu'en vue d'elle Plus le degré de perfection essentielle d'un être est élevé, plus la cause matérielle tend à s'exténuer plus les causes formelle efficiente et finale tendent à s'identifier ce qui est manifeste dans le cas du vivant, et plus encore du vivant spirituel capable de penser
2 Ainsi par exemple saint Thomas nous apprend-il (Somme théologique, IIIa q 10 a. 3) que le mystère de l'Incarnation a été révélé à Adam avant sa chute, mais non la chute d'Adam. Osons au passage, bien que ce ne soit pas l'objet de notre présente réflexion, procéder à la mise au point suivante
3. Les contempteurs du christianisme ne cessent de réduire ce dernier à une compilation tout humaine d'éléments de diverses religions païennes la Résurrection évoque l'osirisme la Filiation de NSJC serait une resucée des caractères théogamiques de la religion de l'Egypte antique la Cène relèverait du festin d'immortalité des disciples de Cybèle, etc. Il en serait ainsi tout particulièrement du mithraïsme, dont la liturgie contenait l'expression « Lumen de Lumine » né d'une vierge au fond d'une grotte le jour de la résurrection du Soleil (un 25 décembre célébré sous le nom de « natalis invictu » primogenitus et autogenitus (à partir d'une roche), il fut adoré par des bergers à sa naissance, vécut 33 ans, remonta au ciel au printemps sa mémoire fut célébrée au cours d'un repas incluant une communion au corps et au sang de Mithra, avec consécration du pain et du vin cette religion prévoyait un baptême (au sang du taureau) coiffé du bonnet phrygien, Mithra a chassé le taureau et l'a tué, et le sang de ce dernier fertilise désormais la terre Mithra a mangé à sa naissance, après l'adoration des bergers, le fruit de l'arbre sacré et s'est fait des vêtements avec les feuilles de cet arbre. Il est aisé de discerner dans ces événements un mélange hérétique de données scripturaires Mithra est la figure d'un Christ qui coïnciderait avec Adam pécheur Quand on sait que le mithraïsme est d'origine indo-iranienne (les mystères des religions du même nom ne sont pas d'origine orientale mais grecque et il est probable que l'orphisme procède du mithraïsme l'orphisme avait pour rites l'homophagie, manducation de chair crue, et le baptême au lait de chevreau ) qu'il fut populaire en Orient au 2e siècle avant JC (il fut importé à Rome par les soldats de Pompée) qu'il fut à l'origine une divinité indo-européenne (chez les Hittites) dès le 2e millénaire avant JC, alors, à la lumière de l'enseignement de l'Eglise tel que rapporté sur ce point par saint Thomas d’Aquin, on peut en déduire les choses suivantes
Les religions païennes singulièrement celles du monde indo-européen, mais en fait de tels mythes sont charriés par toutes les cosmogo-nies antiques de la Terre) sont autant de résidus de la religion catholique enseignée à Adam avant sa chute, plus ou moins déformée par les mensonges du démon et par l'obscurcissement de l'esprit de nos ancêtres consécutif au péché originel. Loin du résulter du paganisme, le catholicisme est bien plutôt ce dont résulte, en l'adultérant, le paganisme Le gnosticisme (en lequel se résolvent toutes les religions à mystères) contemporain du christianisme, est à la fois ce qui procède du christianisme naissant (en le dénaturant) tout en faisant mémoire de ce qui précède le christianisme et qui était un « proto-gnosticisme », c'est-à-dire un enseignement toujours susceptible de deux lectures l'une préchrétienne, l'autre résolument gnostique. La philosophie est née en Grèce comme rationalisation de la pensée mythique, et c'est dans le sens d'une pensée préchrétienne (Platon et Aristote) que s'opéra cette rationalisation c'est pourquoi le catholicisme fondé par NSJC trouva si aisément, dans la pensée grecque les éléments adéquats d'explicitation de ses dogmes. On voudra bien noter aussi que l'ésotérisme juif est lui-même un élément emprunté à la pensée gnostique d'origine iranienne (dualiste) c'est-à-dire indo-européenne. Ce n'est pas à son propre fonds que le judaïsme puise la perversité antioccidentale de son enseignement et de sa praxis subversive c'est à la pensée occidentale elle-même devenue infidèle à elle-même en se faisant néo-païenne. La maçonnerie spéculative est issue de la gnose, et à ce titre elle n'est pas réductible à un épiphénomène des menées antichrétiennes des juifs, même si c'est par l'ésotérisme juif que la gnose maçonnique fut communiquée aux sociétés chrétiennes de sorte que le judaïsme (le peuple juif est pour lui-même son propre Messie) et l'esprit maçonnique (les initiés de toutes les nations font se sauver dans l’État mondial, l'humanité déifiée par elle-même), frères ennemis dans leur lutte commune contre le christianisme, ne sont en dernier ressort, d'une certaine façon, que les effets d'une adultération du catholicisme.
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