dimanche 9 août 2020

« Rehoming » : les enfants d'occasion

 

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Aux États-Unis, quand on désire adopter un enfant, vite fait bien fait, et pour pas cher, on se tourne vers le marché de l’occasion, un quart des adoptés y finissent entre troubles psychologiques, prédateurs sexuels et marchandisation, la réadaptions, c’est horrible.

Paru/Vendu ou Le Bon Coin, aux États-Unis, ne sont pas que pour les automobiles de seconde main ou les appartements pas chers. Dans le pays où tout s'achète et se vend, les enfants adoptés ont aussi droit à leur marché de l'occasion. Un marché florissant, avec agences spécialisées, catalogues et petites annonces sur Internet. Certains s'inspirent même des méthodes des sites de rencontre, avec défilé des enfants devant les potentiels parents puis « speed dating » pour décider de l'adoption en deux heures de conversation avec l'enfant et un éducateur.

Les Américains appellent cela le « rehoming » ou relocalisation, un terme au départ employé pour les animaux familiers. Et l'on n'en est pas si loin, puisque les parents ayant adopté un enfant qui ne leur convient finalement pas ou dont ils se lassent peuvent ainsi le "refourguer" Les adoptants de seconde main viennent eux, chiner la bonne affaire, puisque la procédure coûte de 0 à 5 000 dollars environ contre 10 à 20 000 dollars dans le « neuf ». Mais qu'ils se rassurent, une garantie « satisfait ou remboursé » est offerte à tout acquéreur. Résultat, il n'est pas rare que ces enfants passent de main en main, successivement adoptés par cinq ou six familles. Les caractères difficiles ou les enfants malades sont évidemment les premiers concernés, mais pas que.

Avec environ 25 000 rehomings annuels, ce sont un quart des enfants adoptés qui finissent sur le marché de l'occasion. Le phénomène traduit autant la vision utilitariste, matérialiste, que les Américains se font de la parentalité que les failles du système d'adoption aux États-Unis. Si la première adoption fait l'objet d'une enquête sur l'environnement familial et la capacité à accueillir un enfant, rien n'est prévu pour la suite : le rehoming n'est encadré que dans une dizaine d'États, dans lesquels le transfert de garde doit être validé par un juge; il est même interdit dans l’Illinois. Pour les autres, un simple acte notarié suffit au transfert de la garde de l'adopté. Il n'existe aucune loi régulant cette pratique au niveau fédéral, malgré les efforts du député démocrate James Langevin dans ce sens, sous Obama. Pas sûr que la question intéresse beaucoup Trump, bien qu'il affiche des positions pro-vie qui pourraient le rendre réceptif à cette cause. Résultat quasiment aucun acteur de ce marché ne se soucie de préparer l'enfant à la séparation d'avec sa famille ou de suivre son insertion dans son nouveau foyer. Entre les attentes affectives des jeunes, forcément énormes, et celles des adoptants qui viennent souvent assouvir un désir d'enfant comme on cède à l'envie de posséder le dernier smartphone, le fossé est béant. La casse psychologique est donc très fréquemment au rendez-vous.

Un air de marché aux esclaves

Mais au moins, ces sociétés qui ont pignon sur rue procèdent-elles à des contrôles sur l'absence d'antécédents de violences sur mineurs des candidats adoptants. Contrôles légers, puisqu'il n'existe pas de coordination des services sociaux d'un État à l'autre une personne sous le coup d'une enquête pour maltraitance au Texas verra celle-ci abandonnée le jour où elle déménage dans l'Idaho. Il en est d'ailleurs de même pour le suivi des enfants adoptés aux États-Unis. Quant à ceux qui proviennent de l'étranger, dès le départ, aucun suivi n'est assuré... C'est pourquoi la Russie et le Congo refusent l'adoption de parents américains.

Et quand on sait qu'une partie de ce « marché » échappe aux agences constituées, qu'il passe par des entremetteurs amateurs ou simplement de particulier à particulier, sans la moindre enquête, on comprend que les prédateurs sexuels ont un boulevard devant eux, qu'ils n'hésitent pas à emprunter. C'est d'ailleurs le nombre croissant de scandales sexuels impliquant des enfants réadoptés qui a poussé quelques États à légiférer. Trop peu. Trop tard.

Si les Américains ne voient pas le problème avec cette pratique, qu'ils assimilent à retenter sa chance avec un nouveau partenaire après un mariage raté, il n'en est pas de même chez nous. Les reportages sur le rehoming qui sortent tous les deux ou trois ans sur nos chaînes de télévision suscitent l'indignation du public.

Un public qui approuve par ailleurs souvent la PMA pour les couples gay ou les célibataires ou la GPA, cette marchandisation du corps des femmes. Qu'ils prennent garde la seule différence entre la réadoption d'une part et la PMA ou la GPA de l'autre, réside dans l'âge de l'intéressé. Pour le reste, il s'agit bien de faire de l'humain et de son corps une marchandise, soumise à la seule loi de l'offre et la demande.

Richard Dalleau monde&vie 15 février 2018

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