C’est l’été. Il fait chaud et on vous le dit à longueur de journée : A-É-REZ-vous ! Dénudez-vous, arrosez-vous, passez à l’ombre et buvez frais… mais attention, hein, gardez votre masque !
Devant tant d’injonctions souvent contradictoires, le citoyen hésite : bikini ou burka ? J’ai l’air de plaisanter, mais pas du tout. Là où j’habite, dans le Var, où vient s’échouer notre belle Méditerranée, c’est un peu pile ou face : on croise presque autant de jeunes créatures dénudées que de femmes voilées de la tête aux pieds.
C’est dans ce contexte torride qu’il faut replacer l’incident rapporté, mercredi, par Var-Matin et repris par la presse nationale. Une affaire grave et signifiante, comme on dit : « Elle vient acheter des couches pour son bébé, le supermarché la refoule à cause… de son décolleté. »
Elle, c’est Marion, l’épouse de Tony, la mère de deux petits enfants qui tient un commerce d’épicerie florissant à Six-Fours. Ah… Six-Fours, les Embiez, le Petit et le Grand Gaou… et la si jolie chapelle de Notre-Dame-du-Mai qui veille du haut de la falaise. Donc, Marion s’en va avec belle-maman au supermarché Casino. Légère et court vêtue, elle allait à grands pas, ayant mis ce jour-là, pour être plus à l’aise, jupe de coton et petit haut sympa : avec un trou, juste là. Comme une lunette braquée sur la naissance des seins.
Admiratif, Var-Matin écrit : « Marion, pour vous situer, c’est la preuve qu’on peut être mère au foyer, travailler dur pour nourrir sa famille tout en voulant rester sexy. Trop sexy, visiblement, pour le vigile qui décide de lui barrer le passage. » De fait, le quotidien présente une photo de Marion, toute mignonne dans son imprimé en peau de serpent à trou, le haut du buste tatoué d’un émouvant « A la vida a la muerte, Tony ». Reste que le vigile, peu sensible à son charme, n’a pas aimé : « Il m’a dit : “Ce sera pas possible dans cette tenue, vous être trop dénudée, vous rentrez pas comme ça dans le magasin.” On aurait dit un videur de boîte de nuit ! » raconte la jeune éplorée. Elle demande alors à voir la responsable du magasin… qui donne raison à son vigile : « Elle a été odieuse. Ils m’ont fait passer pour une moins que rien, devant tout le monde ! J’avais beau me défendre, ils ne voulaient rien entendre ! J’ai pourtant l’habitude de gérer de drôles de situations, mais là, ils m’ont fait craquer. En rentrant, j’ai pleuré comme un bébé… J’avais jamais vécu un truc pareil. »
Ses larmes séchées, Marion est allée au commissariat pour porter plainte. Un policier intelligent l’en a dissuadée, a décidé d’appeler la responsable du supermarché « pour tenter de résoudre le problème à l’amiable ». Résultat : « La directrice s’est confondue en excuses. Elle m’a expliqué que, l’été, il est courant que des clients entrent dans le magasin en maillot de bain ou relativement dévêtus… C’est pourquoi elle avait passé des consignes à son agent de sécurité pour interdire l’entrée aux personnes ayant des tenues incorrectes ou provocantes. Mais qu’est-ce qu’une tenue provocante ? C’est toute la difficulté de la question, n’est-ce pas ? »
Eh oui, to be or not to be provocante, that is the question ! Une remarque, comme ça, en passant : on constate aisément que les vigiles des supermarchés sont très souvent issus de « la diversité. Serait-ce le cas du vigile de Six-Fours ? La presse régionale ne le précise pas. Si c’était le cas, faudrait-il en déduire qu’il y aurait une définition de la décence qui exclurait shorts minimalistes et décolletés plongeants ?
Comme l’écrit la direction de Casino, dans son message d’excuses : « Cette attitude est intolérable et nous ne partageons pas ces valeurs. Nous sommes engagés pour lutter contre tout type de discrimination. La signature “Casino, nourrir un monde de diversité” en témoigne. » Un vœu pieux ?
Marie Delarue
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