Derrière le « progressisme » revendiqué par Emmanuel Macron et matérialisé par le projet de loi bioéthique, se dessine une nouvelle idéologie totalitaire aux dimensions mondiales qui veut créer le nouvel homme.
Le premier ministre, Edouard Philippe, l'avait annoncé dans son discours de politique général, le 12 juin le projet de loi bioéthique, qui a été présenté au gouvernement le 24 juillet et sera débattu en septembre, prévoira d'étendre la procréation médicalement assistée aux lesbiennes et aux femmes célibataires. Si cette loi est adoptée, le père sera donc volontairement éliminé de la vie de l’enfant dès sa conception.
Cette « PMA sans père » provoque dans la société française une fracture anthropologique considérable, mais elle ne constitue qu'une étape de la construction d'un « Meilleur des mondes », qui ressemble à de nombreux égards à celui décrit par Aldous Huxley dans le livre éponyme. Ce projet se développe à l'échelle mondiale, appuyé sur une idéologie « progressiste » dont Emmanuel Macron est l'un des éminents représentants et qui est aussi portée par l'Union européenne et l'Organisation des Nations Unies. Il véhicule deux vieilles lunes poursuivies par tous les totalitarismes modernes : l'avènement de l'homme nouveau et la destruction de la famille traditionnelle, qui y fait obstacle.
Dans notre essai Résistance au Meilleur des mondes nous avons tenté, Guillaume de Prémare et moi-même, d'en décrire le développement, qui passe par l'implosion du couple, miné par la « lutte des sexes » qui présente la relation entre l'homme et la femme, non plus comme complémentaire mais antagoniste, non plus comme un lien d'amour mais comme un rapport de forces. La banalisation du divorce et la multiplication des familles « recomposées » favorisent la diffusion de nouvelles « normes », qui concurrencent le modèle familial traditionnel avec lequel les dirigeants politiques les mettent sur un pied d'égalité, et qui apparaissent même comme plus « modernes ». L'ouverture du mariage aux paires homosexuelles a représenté un pas supplémentaire et décisif dans cette direction. En autorisant, en outre, ces unions à adopter des enfants - ce qui constituait un enjeu fort de ce « mariage » unigenre -, on préparait les esprits à la PMA sans père.
La maternité en sursis
En effet, le père, dans le couple, est le "maillon faible" en raison du lien naturellement fusionnel qui unit la mère et le jeune enfant pendant les premières années. Avec la PMA sans père, il disparaît quasiment, son rôle se réduisant à celui d'un producteur de spermatozoïdes. Il est d'ailleurs notable que le projet de loi prétendument bioéthique concocté par le gouvernement autorise également la PMA post-mortem, le Conseil d'État ayant tout au plus souhaité qu'un délai minimal et un délai maximal encadrent sa réalisation (mais pour quelles raisons ?). Si une femme célibataire peut mette au monde un enfant par PMA grâce au sperme d'un donneur inconnu, pourquoi une veuve ne le pourrait-elle pas avec celui de son mari défunt, demandent les « Sages » ?
Mais si la paternité disparaît, la maternité sera en sursis. Dans un texte publié en 2013, Jacques Attali, le conseiller des présidents et l'un des créateurs politiques d'Emmanuel Macron, décrivait une évolution inexorable « vers une humanité unisexe, sinon qu'une moitié aura des ovocytes et l'autre des spermatozoïdes, qu'ils mettront en commun pour faire naître des enfants, seul ou à plusieurs, sans relation physique, et sans même que nul ne les porte », la sexualité, complètement séparée de la procréation, n'ayant plus d'autre finalité que le plaisir. Seize ans auparavant, dans une préface à un livre du père Michel Schooyans publié en avril 1997 (L'Évangile face au désordre mondial), le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, mettait déjà en garde contre la « nouvelle anthropologie, qui devrait être la base du Nouvel Ordre Mondial » et qui se dévoile surtout, écrivait-il, « dans l'idéologie du "Women's empowerment" (…). Le but en est l’autoréalisation de la femme qui a pour principaux obstacles la famille et la maternité. Ainsi, la femme doit être libérée surtout de ce qui la caractérise et fait simplement sa spécificité celle-ci est appelée à disparaître devant une "Gender equity and equality" devant un être humain indistinct et uniforme, dans la vie duquel la sexualité n'a d'autre sens qu'une drogue voluptueuse, dont on peut se servir n'importe comment. »
Vers la légalisation des mères porteuses
L'étape suivante est déjà engagée, c'est encore affaire de préparation des esprits. Évidemment, Emmanuel Macron se dit encore opposé à la légalisation du recours aux mères porteuses, abusivement appelé « gestation pour autrui », comme si un tel prêt de ventre, en attendant la location, pouvait être altruiste. Mais lorsque le présentateur Olivier Fogiel publie un livre qui en fait la publicité, loin de susciter la réprobation, il est nommé quelques mois plus tard à la tête de BFMTV et lorsque Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse (!), après avoir revendiqué publiquement son homosexualité dans le magazine Têtu, déclare, en avril 2019, qu'il souhaiterait recourir à une « GPA éthique » (sic !) si c'était légal, ce n'est pas lui qui est réprimandé, mais le député Agnès Thill, coupable d'avoir commenté sur Twitter « Au moins, la couleur est annoncée. » C'est à elle, et pas à Attal, que le ministre de l'intérieur Christophe Castaner déclare : « Chacun de tes tweets t'éloigne de ce que nous sommes, de nous, mais pire, ils t'éloignent des valeurs que tu penses servir ».
La pratique des mères porteuses n'est pas encore légalisée en France, mais un jour viendra où un ministre dira « la société est prête », comme le ministre de la Santé vient de le dire pour « élargir » le « droit » des femmes à conserver leurs ovocytes en vue d'une naissance ultérieure - mesure également inscrite dans le projet de loi bioéthique. « C'est un droit supplémentaire pour les femmes. Mais je ne veux surtout pas que ce soit un moyen de pression exercé sur elles par des employeurs pour les contraindre à retarder leur projet de maternité », a précisé Agnès Buzyn. Pensait-elle à la proposition faite par Google à ses salariées de congeler leurs ovocytes afin qu'elles puissent poursuivre leur carrière sans renoncer à devenir mère… à la retraite ?
Avant même d'être nés, les enfants deviennent les otages d'adultes irresponsables, qui jouent aux apprentis-sorciers en ne cherchant qu'à satisfaire leur désir immédiat. « Nous avons inséré deux ovules l'un avec mon sperme, un autre avec le sperme de David et ils ont tous les deux pris », se réjouit par exemple l'acteur américain Neil Patrick Harris, qui a eu recours à une mère porteuse, en Californie, pour « faire » deux jumeaux avec son compagnon. On voit aussi certaines paires de lesbiennes s'arranger pour être « mères » toutes les deux, l'une portant l'enfant, l'autre fournissant l'ovocyte. Et papa ? Dans le moins mauvais des cas, c'est un copain serviable dans le pire, une éprouvette.
L'homme « à la carte » se profile
La dissociation entre la mère et l'enfant étant déjà opérée par la GPA, on peut prévoir que l'étape suivante sera l'ectogenese, autrement dit l'utérus artificiel, l'être humain fabriqué sous bulle, en couveuse, projet auquel travaillent déjà certains chercheurs. Dans le texte précité, Jacques Attali l'évoquait, comme une menace, certes, mais porteuse de promesses : « Accessoirement, cela résoudrait un problème majeur qui freine l'évolution de l'humanité l'accumulation de connaissances et des capacités cognitives est limitée par la taille du cerveau, elle-même limitée par le mode de naissance : si l'enfant naissait d'une matrice artificielle, la taille de son cerveau n’aurait plus de limite ».
On pourrait devenir d'autant plus intelligent que les méthodes de procréation artificielle autorisent le tri embryonnaire. Aux États-Unis, des cliniques proposent de choisir le sexe de son bébé, ou de sélectionner le profil des embryons en fonction du donneur. « Les Chinois ont déjà commencé à séquencer le génome des surdoués pour identifier les variantes génétiques de l'intelligence », rapportait le Dr. Laurent Alexandre, spécialiste du transhumanisme, dans le magazine Capital en juillet 2014.
Et c'est vers ce modèle de développement « progressiste » - qui, s'il parvient à s'imposer, débouchera inévitablement sur un nouveau totalitarisme, pire encore que les précédents - qu'Emmanuel Macron et l'actuel gouvernement nous conduisent. Il n'est pas sûr qu'ils y parviennent, ni que l'Empire mondialisé triomphe partout à travers le monde - par exemple dans la Russie de Vladimir Poutine, ou aux États-Unis avec l'élection de Donald Trump - des obstacles se dressent devant lui. Au moins savons-nous pourquoi, et contre quoi, il faudra être prêt à descendre une fois encore dans la rue, à la rentrée prochaine.
✍︎ Guillaume de Prémare & Eric Letty, Résistance au Meilleur des mondes, éd. Pierre-Guillaume de Roux, mars 2015.
Eric Letty monde&vie 1er août 2019 n°974
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