L'historien Yves Chiron publie une biographie novatrice de l'auteur des Pensées et des Provinciales. On y découvre un Blaise Pascal plus complexe et complet que ce qu'en laisse connaître son image traditionnelle.
Spécialiste confirmé de l'histoire religieuse, Yves Chiron aurait pu aisément tracer un portrait de Biaise Pascal centré sur la seule question du jansénisme et de sa défenses des messieurs de Port-Royal. L'exercice a été tenté de nombreuses fois avec succès et n'aurait finalement pas apporté grand chose au lecteur.
Le biographe de Pie IX et du Padre Pio a très intelligemment préféré nous restituer la vie du célèbre philosophe dans ses multiples dimensions : familiale, scientifique, religieuse et économique. Né en 1623 à Clermont-Ferrand, héritier d'une famille de petite noblesse de robe, Biaise Pascal a principalement vécu à partir de son adolescence dans les deux plus grandes villes du royaume qu'étaient alors Rouen et Paris. Il ne fit plus que des séjours épisodiques en Auvergne, chez sa sœur aînée, Gilberte Périer. On connaît bien l'histoire de ses deux conversions religieuses intérieures successives de 1646 (ses premiers contacts, à Rouen, avec le jansénisme naissant) et du 23 novembre 1654, nuit où il écrivit son Mémorial, texte flamboyant qu'il portait cousu dans la doublure de son habit. Elles s'accordèrent parfaitement avec les talents scientifiques de cet esprit complet et si français, qui inventa la première machine à calculer et rédigea des opuscules géométriques dès l'adolescence. Cette profonde aspiration religieuse de Pascal se concrétisa par son engagement intellectuel et politique aux côtés des jansénistes, condamnés par les docteurs de la Sorbonne en janvier 1656. Avec les Provinciales, il signa sous forme épistolaire l'un des plus beaux pamphlets de la littérature française, en même temps qu'un modèle d'argumentation intellectuelle mis au service des positions jansénistes sur la nature de la grâce.
Il investit dons les transports parisiens
On connaît généralement moins l'agacement profond qu'exprima Pascal envers les importantes exigences financières de sa sœur cadette Jacqueline, devenue religieuse à l'abbaye de Port-Royal, concernant la succession de leur père, Etienne Pascal, mort en 1651. On redécouvre surtout dans ce livre les placements novateurs et récurrents qu'effectua Pascal en soutenant des entreprises diverses, qu'il s'agisse de l'assèchement du Marais Poitevin à partir de 1654, ou de l'instauration de transports collectifs parisiens sous forme de « carrosses à cinq sols », à laquelle il participa dans les mois précédant sa mort, survenue à Paris le 19 août 1662. Il prolongeait ainsi les travaux scientifiques qu'il avait menés dans ses jeunes années.
Autant de précisions apportées par cette biographie, qui nous restitue parfaitement la trajectoire complexe de celui qui demeure, pour nos contemporains, la figure la plus connue de Port-Royal. Un seul petit regret on reste un peu sur sa faim quant à l'influence que Pascal eut, au XXe siècle, sur des écrivains aussi différents que François Mauriac, Charles Maurras ou Julien Green, évoquée un peu trop rapidement dans la conclusion.
Yves Chiron, Pascal, Tempora-Jubilé, 216 p., 18,90 €.
Jacques Cognerais monde&vie 29 août 2009 n°815
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