Une idée absurde a empêché des générations de jeunes Français de devenir médecins. Heurts et malheurs d'une idée catastrophique. Instauré en 1971-1972, le numérus clausus dans l'admission aux études médicales a été plus ou moins sévère, selon les a-priori que cultivaient les responsables politiques et les nécessités de l'actualité. Un ouvrage collectif publié en 1993 sous la direction de Raymond Soubie en expliquait le principe : réduire le nombre des médecins pour diminuer les dépenses de santé.
Dans le même but, le gouvernement proposa aux praticiens une allocation de départ en retraite (ADR) qui leur permettait d'interrompre leur activité avant l'âge légal : 9 000 d'entre eux y eurent recours.
Ces retraités ne devaient évidemment pas être remplacés. Au contraire, le numerus clausus, fixé à 8 588 places l'année de sa mise en place, fut abaissé jusqu'à 3 500 en 1993, puis remonté jusqu'à 7 400 en 2009 et en 2010. Ce chiffre restera le même en 2011. La sélection s'opère à l'issue de la première année universitaire ; et quelle sélection ! En 2003-2004, il était prévu 5 550 places pour 122 125 candidats : une pour vingt-deux.
« Le numerus clausus est tombé à un niveau invraisemblable, estimait, dans une chronique publiée au mois de mars 2011, Bernard Debré, professeur de médecine et député UMP. Les politiques de droite et de gauche qui ont persévéré à réduire les places dans les années 1980 ont commis une erreur très grave. D'autant plus que cette mesure n'a eu aucun effet sur la réduction des dépenses. »
7 400 places en 2011, alors que tout le monde sait aujourd'hui que la France manquera de praticiens d'ici une dizaine d'années, que le corps médical français vieillit, en grande partie d'ailleurs à cause du numerus clausus (d'ici 2020, 40 % des médecins auront plus de 55 ans) et qu'il faut une décennie pour former un professionnel.
Les conséquences de cette politique absurde se font déjà sentir à l'hôpital d'Auxerre, par exemple, 48 % des médecins ont obtenu leur diplôme à l'étranger, essentiellement au Maroc, en Algérie, au Liban, en Syrie et en Roumanie. S'exprimant dans la même chronique que Bernard Debré, Bernard Makhoul, un urologue libanais embauché à Auxerre en 1995, expliquait : « Au Liban, la situation est radicalement différente : il y a trop de médecins ! Les jeunes ont beaucoup de mal à développer leur propre clientèle. Il m'a semblé logique de venir en France, où j'ai toujours été accueilli chaleureusement par les patients ».
Des patients français dont certains auraient peut-être rêvé de devenir médecin...
J-RN. monde & vie 25 juin 2011 n° 845
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