Le mot « islam » signifie « soumission ». Dans le cas des musulmanes, cette soumission vaut aussi par rapport aux hommes. La question du statut de la femme est d'ores et déjà au cœur du débat sur l'immigration.
Les mots femme et islam ont beau rimer, au moins en français, force est d'admettre, à considérer le statut de fait des musulmanes dans nos banlieues, que cette rime-là est une rime pauvre. Notre société laïque, attentive à la mixité, à la parité, à l'égalité entre les sexes, marquée par l'influence des féministes à la Beauvoir, à la Sagan, à la Badinter, à la Halimi, a d'abord accueilli cette religion immigrée avec l'empressement et l'attention dus aux victimes du colonialisme.
Ce bel accueil est aujourd'hui bien mal récompensé et notre société laïque fait quelque peu grise mine lorsqu'en fait de mixité, les musulmanes exigent que des horaires « unisexes » leur soient réservés dans les piscines publiques, et qu'en fait de parité, de nombreuses jeunes filles n'envisagent leur avenir que par le biais d'un mariage imposé. Si le mâle blanc dominateur longtemps vilipendé par nos féministes se sent aujourd'hui assez mal, il semble qu'il ait été remplacé par un successeur encore moins commode. Aussi le principal procès que notre société laïque dresse à l'islam porte-t-il sur le sort que cette religion réserve aux femmes, consentantes ou pas. Encore faut-il savoir de quoi l'on parle. Le statut de la femme dans les sociétés musulmanes diffère beaucoup selon les pays au pays des mollahs, par exemple, les Iraniennes chiites, certes voilées, mais autorisées à conduire, à faire des études supérieures, à travailler, bénéficient d'un sort beaucoup plus enviable que leurs sœurs sunnites d'Arabie Saoudite. En France, la question est rendue plus complexe par la diversité des origines des immigrés musulmans maghrébins, africains, Turcs, Pakistanais.
Les contradictions d'une société laïque
Les points de contradiction avec la société française sont nombreux, parfois brûlants comme on l'a vu avec l'affaire du voile au lycée. Devant les collégiennes voilées, la société française s'est trouvée prise au piège de sa propre logique d'apparente tolérance et de prétendue neutralité comment interdire le port d'un vêtement, quand on proclame la liberté individuelle ? Comment affirmer la supériorité de ses propres valeurs laïques, lorsqu'on affirme depuis un demi-siècle que toutes les civilisations se valent ? Au fond, comment faire barrage à une religion nouvelle venue, prosélyte et conquérante, avec des armes conçues pour combattre une autre religion, enracinée depuis plus d'un millénaire dans le pays et plutôt encline à composer qu'à combattre ? Une tentation consisterait à épouser la cause des laïcs et féministes de tout poil, et de faire nôtres leurs arguments. Récemment encore, le film La Journée de la jupe a illustré l'ambiguïté de cette posture (cf. Monde et Vie du 4 avril 2009). Une tentation contraire conduirait, comme le cardinal Decourtray naguère et Mgr Vingt-Trois aujourd'hui à opposer la condition de la femme en islam à la dégradation de nos mœurs, au bénéfice de la première. Dans un pays où il est devenu déméritant ou inquiétant, pour une femme comme pour un homme, de rester vierge passé l'âge de 18 ans, l'installation dans nos banlieues d'une population nombreuse qui regarde la virginité comme un bien des plus précieux ne représenterait-elle pas, pour reprendre une formule célèbre, une chance pour la France ? Dans une société qui idolâtre le sexe et l’Argent, ne faudrait-il pas entendre l'objection d'un chef de la Résistance afghane contre les Russes, cité par Yves Meaudre dans France, Terre d'exil en 1989 ? Le patron d'Enfants du Mékong l'attaquant sur le mépris de sa religion à rencontre des femmes, l'Afghan se lève, ouvre la fenêtre du salon parisien d'Yves Meaudre et désigne sur un mur une affiche « Jane 36-15 » « Aucune, tu entends, aucune de nos femmes n'accepterait de servir par son image d'objet de jouissance obscène à une nation transformée en hospice pour séniles obsédés. » Yves Meaudre disait avoir été blessé au plus intime de lui-même, au bord des larmes. Vingt ans après, qu'en penserait-il en voyant les Afghanes contraintes de porter la burqa, les jeunes filles vitriolées en allant à l'école ?
Entre Charybde et Scylla
Entre Charybde et Scylla, faut-il vraiment choisir ? Contre Charybde et contre Scylla, contre une société consumériste qui traite la femme comme une marchandise et contre des coutumes exogènes qui l'emprisonnent, contre Nana et contre Belphégor, il est encore loisible de choisir la tradition française, chrétienne, qui respecte à la fois la liberté et la dignité des femmes. Pourquoi ce dossier aujourd'hui ? Justement parce que cette conception traditionnelle est doublement menacée, et que l'islam qui colonise nos banlieues constitue l'une des mâchoires du piège. Ce piège, c'est celui d'une autre civilisation qui tente d'imposer ses propres normes dans le « no man's land » matérialiste et se sert des femmes pour gagner du terrain avec le foulard, avec la burqa, en demandant des horaires réservés dans les piscines, en refusant de se dévoiler lors des examens… Et ces femmes, d'origines maghrébine ou africaine, nées en France pour la plupart, sont souvent elles-mêmes des victimes, elles aussi prises aux pièges piège des traditions et des coutumes d'origine, piège du regard porté sur elles, piège du ghetto et du communautarisme.
S'il existe un choc des civilisations, sans doute est-ce dans ce regard sur la femme qu'il est le plus évident. Celui des jeunes musulmans sur les Françaises non musulmanes n'est d'ailleurs pas des plus flatteurs, ni des plus rassurants. Dans les lycées et collèges, par exemple, il fait naître une insécurité sexuelle suffisamment prégnante pour que certains psychologues en viennent à se demander s'il ne vaudrait pas mieux revenir sur la mixité scolaire.
La question des rapports entre les musulmans et les femmes en France est donc de pleine actualité encore faut-il tenter d'approfondir le sujet. Quelle est la part de la religion, et celle des coutumes et traditions dans la situation qui est faite aux jeunes femmes dans les banlieues françaises ? En fin de compte, que disent de la femme le Coran et la tradition ? C'est à ces questions que nous avons choisi de consacrer ce dossier.
Eric Letty monde&vie 18 juillet 2009 n°814
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