Le temps des "présidences normales" constatait le politologue Frédéric Reynier sur CNews ce 26 octobre, est terminé. Les Français de toute manière ne veulent plus, d'après de nombreuses études, ce ceux qui leur paraissent des marins d'eau douce, ce que leur semblait – et peut-être à tort, – par exemple, un François Hollande.
Aucun coup de baguette magique ne nous sauvera, surtout pas l'imitation du modèle présidentialiste américain, sur lequel Chirac a commis l'erreur de chercher à s'aligner par la dévalorisante institution du quinquennat en 2000. Heureusement si l'on peut dire, le spectacle de la campagne qui se déroule aux États-Unis ne donne à personne l'envie d'en copier les rites.
Pour nos dirigeants politiques, un effet bénéfique de la crise franco-turque actuellement croissante et de l'ignoble agression islamo-terroriste, aura sans doute été d'engendrer une sorte de répit et de cohésion nationale. Le coronavirus n'y était pas parvenu, pour de nombreuses raisons. Mais quelle que soit la durée de ce résultat et de ces tensions, le réveil se révélera difficile.
Si par exemple les élections départementales et régionales, prévues en 2021, devaient être escamotées, ou pire encore repoussées, l'échéance présidentielle de 2022 adviendra. Et elle risque fort de marquer un désaveu, non seulement pour le pouvoir actuel, mais pour le régime, tel qu'il a évolué depuis 1962.
Les réactions, messages et commentaires, de lecteurs et amis, se sont multipliés. Elles incitent aussi votre chroniqueur à développer désormais son propre refus de la dérive du présidentialisme qui n'a cessé de s'aggraver en France depuis plus d'un demi-siècle.
Depuis très longtemps nous connaissons la réponse que donnait Aristote à qui l'on demandait son avis sur la meilleure des constitutions : dis-moi d'abord pour quel pays et pour quelle époque.
Dans l'absolu, c'est en Angleterre depuis des siècles que fonctionnerait une constitution exemplaire, remontant à la Grande Charte du XIIIe siècle. Elle a évolué de façon très notable. En particulier, la réforme électorale de 1832 a conduit au transfert le pouvoir des Lords vers les Communes. Par la suite l'institution progressive du suffrage universel s'est consolidée tout au long du XIXe siècle. Les dernières élections qui ont vu la victoire de Boris Johnson et du parti conservateur ont cependant sauvé, dans le contexte du Brexit, un système qui aurait pu se trouver gravement compromis par le retour d'une absence de majorité à la chambre des communes. À cet égard la courte et catastrophique période du parlement "pendu" pendant laquelle le gouvernement de Theresa May dépendit de l'appoint des 10 députés unionistes irlandais ne doit pas être oubliée. La force du régime britannique repose sur le bipartisme de fait ; la fragmentation durable, celle des nationalistes écossais notamment, peut parfaitement le faire éclater.
Autre exemple, il a existé, à partir de 1964 et tout au long des années 1970, dans un pays aussi proche que l'Italie, aussi miné par son propre parlementarisme multipartisan, des admirateurs du régime de notre pays, leur Sorella Latina. Regroupés autour de Randolfo Pacciardi (1989-1991), ils envisageaient ni plus ni moins d'adopter les institutions de l'Hexagone. La figure de proue n'était pas n'importe quel extrémiste, encore moins un néo-fasciste. Venant du petit parti républicain, associé laïc de la démocratie chrétienne, il avait été ministre de la Défense de 1951 à 1953, grande époque de l'alliance atlantique, après avoir combattu, à la tête de la Brigade Garibaldi dans les rangs antifascistes de la guerre d'Espagne. Depuis 1938, il appartenait à la franc-maçonnerie, ce qui en Italie, revêt un caractère un peu différent du grand-orient de France. Bref, ami d'Hemingway et de Ben Gourion, il avait tout pour réussir. Et pourtant son progrès échoua. La seule réforme que la république transalpine parvint à instituer fut celle du mode de scrutin des assemblées parlementaires. À la suite de la crise Mani Pullite [Mains propres] on parvint à instituer pour quelque temps et pour le bien du pays le scrutin uninominal et une gouvernance [presque] normale. Cette transformation radicale, entre 1992 et 1994 fut assimilée, au-delà des Alpes, à l'institution d'une Deuxième République. Mais après un répit de courte durée le temps des "combinazioni" revint. Et la dernière loi électorale en date, votée en 2017, a restitué une situation caricaturalement ingouvernable.
Reste qu'en France face à la crise de la cinquième république, l'instauration d'une monarchie constitutionnelle, si souhaitable que l'on pourrait l'estimer sur le papier semble hélas un projet difficilement concevable aujourd'hui.
Nous demeurons en effet tributaire d'une tradition qui s'est installée, par deux fois, de manière accidentelle : d'abord au moment du vote de l'article 46 de la constitution de la deuxième république en 1848. Cette expérience désastreuse qui conduisit au second empire ne fut renouvelée qu'en 1962, par et pour le général De Gaulle qui ne cherchait pas à assurer une succession. Après moi, disait-il, ce ne sera pas le vide mais le trop-plein.
D'élection en élection, de 1974 à 2017, en effet, les petits hommes gris se sont emparés du destin du pays.
Aujourd'hui, la coupe déborde. Et on ne peut guère imaginer s'en sortir qu'en renforçant et en fédérant les représentations des collectivités locales, face au jacobinisme plébiscitaire qui pollue nos institutions et camoufle de plus en plus mal le renforcement de la technocratie, du gouvernement par décret, de l'invasion de l'étatisme.
Reconnaissons aussi que le drame de ce débat est d'être sollicité par des solutions simplistes qui longtemps alimentèrent les démagogies antiparlementaristes et les impasses auxquelles elles conduisent.
Pour sortir de ce schéma sans doute la première des réformes, en attendant l'apparition d'une solution idéale, d'un monarque réconciliateur, ou d'unième pseudo-sauveur, serait le retour à la désignation d'un chef de l'État ramené à ses fonctions constitutionnelles, largement outrepassées par les derniers tenants du titre. Rappelons enfin que les constituants de 1958 avaient prévu qu'il soit désigné par un corps électoral semblable à celui du Sénat, c'est-à-dire enraciné dans les régions réelles, et non administré par les appareils partisans et autres coteries parisiennes. Pourquoi pas par conséquent par le Sénat lui-même, les élections de l'Assemblée nationale reprendraient ainsi toute leur importance.
Mais les Français, qu'on dit intelligents, sont-ils mûrs pour un retour à la raison ? Faudra-t-il un nouveau désastre historique pour qu'ils se reprennent ? À la question que se posent mes amis lecteurs je ne me sens capable de répondre que par ces deux autres questions.
JG Malliarakis
https://www.insolent.fr/2020/10/notre-republique-est-elle-reformable-.html
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