Un livre de Jacques Julliard friabilité la vision catholique traditionnelle de l'argent à travers œuvres de Péguy, Bernanos et Claudel.
En pleine tourmente financière, le Pape Benoît XVI a tenu à rappeler que l’Église catholique avait son mot à dire sur les dérives du système économique libéral, qu'il existait une critique chrétienne radicale de l'Argent-dieu. Au grand dam des imbéciles de tout poils hurlant immédiatement à la récupération des malheurs du temps.
Dans le même temps paraissait un livre stimulant sur le sujet, signé par Jacques Julliard. Cet en ancien cadre de la CFDT, directeur délégué du Nouvel Observateur, y assume sa part d'influences intellectuelles réactionnaires(1) en abordant ce sujet central du rapport moderne à l’argent à travers les œuvres de Charles Péguy, Georges Bernanos et Paul Claudel. Ces trois auteurs catholiques (chacun à sa manière) ont selon lui un point commun : « Pour Péguy, Bernanos et Claudel, le monde moderne commence avec cette réduction de toute chose à son équivalent monétaire. » Tous trois sont des défenseurs représentatifs, au XXe siècle, de la deuxième des trois morales dont Julliard déplore l’effacement progressif dans la France contemporaine morale aristocratique, la morale chrétienne et la morale socialiste. Parallèlement, Bernanos est imprégné, via son maître Barbey d'Aurevilly, de morale aristocratique et Péguy a gardé de ses engagements de jeunesse un goût certain pour le socialisme. En outre, il faut distinguer - et c'est l'un des fils conducteurs de ce livre - le lien filial qui unit Péguy et Bernanos, défenseurs d'un héroïsme « anti-bourgeois » enraciné dans les vertus de l'ancienne France, de l'universalisme de Claudel, qui ne conclut que tardivement à l’« alchimie maudite » de l'argent.
Les « mécontemporains » contre l'Argent
Scrutant le tréfonds et l'évolution des attitudes de ces trois auteurs polémistes face à la politique, l'économie et la question d'Israël, Jacques Julliard nous invite à nous confronter avec ces « mécontemporains » - pour reprendre le mot d'Alain Finkielkraut sur Péguy. En homme de la « deuxième gauche », celui que François Furet qualifiait avec justesse de « catho-proudhonien » en arrive à la conclusion que « Lorsque s'éloigne le socialisme et la révolution; qui furent longtemps le véhicule de la révolte des hommes, de leur quête de sens et de dignité, nous découvrons que ces magiciens du verbe se sont remis à nous parler. Ils ont compris avant tout le monde que l'idéal révolutionnaire n'a de sens que dans la défense acharnée, sans esprit de recul, de l'individu contre les entreprises sournoises du monde moderne. »
Jacques Julliard a tendance à oublier que dans, leurs acceptions communes socialisme et libéralisme sont les deux versants du matérialisme. Par ailleurs, si nous sommes persuadés que la seule réponse aux malheurs du temps est à rechercher spirituellement dans le catholicisme, l'Individualisme ne saurait en tant que tel y apporter une solution. Ce n’est qu'en retrouvant toute sa place au sein des communautés naturelles que l'individu peut s'épanouir, retrouver pleinement sa dignité et se protéger des pièges que lui tendent le consumérisme effréné et l'idolâtrie de l'Argent condamnée par Benoît XVI.
Jacques Cognerais monde&vie 10 janvier 2009 n°805
1) Ce qui n'étonnera pas les lecteurs de son livre La Faute à Rousseau (Seuil, 1985), où il faisait montre d'une vraie connaissance des maîtres de la contre-révolution.
Jacques Julliard, L’Argent, Dieu et le diable. Péguy, Bernanos, Claudel face au monde moderne, Flammarion, 238 p., 19 €
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