vendredi 13 novembre 2020

La Légion étrangère, de A à Z

 


« Au Tonkin la Légion immortelle, à Tuyen-Quang illustra notre drapeau... » Les éditions Robert Laffont publient un dictionnaire consacré à ce corps prestigieux. Une somme pour tous ceux que passionne la grande aventure légionnaire.

Quand la gauche accéda au pouvoir en 1981, elle songea à dissoudre la Légion étrangère, ce corps d'élite dont les racines remontent aux temps modernes. Ce point était même inscrit dans le « programme commun de gouvernement de la Gauche » des années 1970. Charles Hernu, le ministre de la Défense de François Mitterrand, convainquit finalement le président de maintenir cette institution militaire. Cette anecdote est tirée du Dictionnaire de la légion étrangère dirigé par André-Paul Comor, un ouvrage admirablement préfacé par Etienne de Montety. Ce dernier y décrit ces « irréguliers » selon l'expression de Joseph Peyré, lui-même légionnaire : « Des hommes qui ne refusent rien, même pas leur vie, quand tout est calcul, qui ne demandent que l’anonymat et la pauvreté, quand l'époque vénère l'inverse : les people et l'argent. L’effacement de soi quand la mode est à l'ostentation. Et l'imprudence quand le monde est si prudent, et le beau geste quand le monde est économe, par souci d'efficacité. »

La légion étrangère, comme toutes les grandes institutions, connaît sa part de légendes et de vérités, de mythes et de réalités. Etonnamment, il n'existait aucune somme digne de ce nom sur le sujet, beaucoup d'ouvrages tournant le plus souvent à l'hagiographie. En fédérant le travail de cinquante-quatre auteurs, Comor a réalisé une œuvre d'une ampleur et d'une dimension exceptionnelles. À la fois dictionnaire et ouvrage d'histoire, le livre aborde absolument tous les aspects de la Légion.

Ses origines tout d'abord. Nous savons bien, nous Français, ce que le service étranger a donné à notre pays sous la monarchie. En 1711, sous le règne de Louis XIV le marquis de Chamlay écrit : « Par politique, il faut conserver les régiments étrangers, non pas tant si l'on veut pour le service qu’on en tire, que pour s’affectionner en quelque façon les nations dont les officiers sont. » Le nationalisme, produit du XIXe siècle, n'existait pas encore, et les rois créaient des alliances pérennes par le biais des Suisses ou encore des principautés allemandes en engageant des troupes étrangères. Le prince, naturellement, profitait de la qualité militaire de ces hommes dont la gloire s'étend encore de nos jours jusqu'aux marches de la basilique Saint-Pierre.

Une troupe inactuelle et éternelle

Il faut attendre 1831 pour que la Légion étrangère devienne un corps d'armée à part entière. Très vite, sa réputation ne cesse de croître et va de pair avec la reprise des expéditions coloniales. Une carte du monde nous révèle cette présence internationale : Mexique en 1863, Tonkin-Indo-chine en 1883 et 1956, Formose en 1885, Égypte en 1956, Madagascar à six reprises, Soudan en 1894, Maroc en 1907 etc. La liste des interventions est longue jusqu'à nos jours, où la fin de la conscription a confirmé la Légion dans sa vocation d'excellence. Comme l'écrit Comor : « La fin de « l’ordre militaire français" qui, depuis 1996, a sonné le glas des armées de masse et le retour progressif aux armées professionnelles de l’Ancien-régime, donne une nouvelle légitimité à la Légion qui occupe une place singulière et enviée dans l'armée de terre du XXIe siècle. »

En 2010, la légion comptait un peu moins de 8 000 hommes dont plus de 2 200 officiers et sous-officiers. Elle se composait de onze régiments dont les soldats étaient issus de 146 nationalités. Moyenne d'âge : 23 ans…

Corps de la deuxième chance, la légion accepte dans ses rangs des hommes « au passé guère recommandable ». Peu importe, la première règle du corps est de ne pas poser de questions sur ce passé : « C'est une troupe inactuelle et éternelle, poursuit Montety, qui mystérieusement relève le défi de la promesse de saint Paul "Devenez l’homme nouveau." [… ] L’oubli, qu’on le nomme pardon ou prescription, est la noblesse d'une société. À condition que le coupable se rachète. » Accents quasi-mystiques pour décrire cette réalité militaire d'exception. Plus prosaïquement, le dictionnaire de la Légion nous offre aussi, sous la baguette de l'éditeur Christophe Parry, une anthologie de textes précieux, parfois poétiques, une chronologie comparée, une discographie et une filmographie, ainsi que de nombreux autres supports… La Légion sans mystère, sous toutes les coutures du tablier de buffle, à placer dans le renouveau de l'histoire militaire de ces dernières années. Une référence indispensable.

André-Paul Comor (sous la direction de -), La Légion étrangère, Histoire et dictionnaire, Robert-Laffont, collection Bouquins, 1140 pages.

Christophe Mahieu monde&vie 9 avril 2013 n°874

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