mercredi 25 novembre 2020

Le repos dominical, conséquence d'une catastrophe minière

  


Au lendemain de la tragédie de Courrières, le gouvernement radical-socialiste de Ferdinand Sarrien fut contraint de légaliser le repos dominical pour calmer la colère populaire.

Le matin du samedi 10 mars 1906, se produisit près de Courrières, dans le Pas-de-Calais, une catastrophe minière qui tua officiellement 1099 personnes. Un coup de grisou (explosion de gaz) suivi d'un coup de poussier (inflammation de la poussière de charbon) provoquèrent une flamme qui parcourut en deux minutes 110 kilomètres de galerie dans trois des fosses exploitées par la Compagnie des mines de Courrières, où se trouvèrent pris au piège, à 340 mètres de fond, quelque 1700 mineurs et galibots (âgés de 14 ou 15 ans).

L’enchevêtrement des débris et la présence de gaz dans les puits et les galeries rendirent les opérations de sauvetage très difficiles. Par rapport au nombre des victimes, peu de blessés furent remontés, souvent grièvement brûlés ou mutilés. Par ailleurs, les opérations de sauvetage furent vite abandonnées : l'arrivée, le 11 mars, d'une équipe d'ingénieurs de l’État qui devaient les prendre en main, ne fit que compliquer la situation, l'ingénieur en chef se heurtant aux ingénieurs de la mine et aux mineurs désireux d'agir le plus vite possible pour secourir leurs camarades. Le 12 mars, troisième jours après l'accident, les travaux de sauvetage étaient déjà interrompus lorsqu’arrivèrent 25 mineurs allemands volontaires, équipés de masques à oxygène - dont les sauveteurs français étaient dépourvus… Ils ne trouvèrent dans les galeries que des cadavres. Le 15 mars, les recherches furent définitivement stoppées. Pourtant il demeurait des survivants.

Le 30 mars, vingt jours après la catastrophe, treize hommes parvinrent à rejoindre un puit après avoir marché dans le noir pendant des kilomètres et furent sauvés. Et le 4 avril, un quatorzième miraculé fut retrouvé vivant grâce aux secouristes allemands.

Sacrifiés aux intérêts de la mine

Il s'ensuivit un mouvement de colère parmi les mineurs, provoqué par le sentiment d'avoir été sacrifiés aux intérêts de la mine. Il apparut que la présence de la poche de grisou à l'origine de l'explosion avait été signalée, mais que la compagnie n'en avait pas tenue compte. La rapidité avec laquelle il avait été mis fin aux recherches fut aussi reprochée à ses responsables, accusés de s'être davantage souciés de protéger le gisement que de sauver les vies humaines. La manière dont avaient été traitées les familles, laissées sans informations, le peu de temps qui leur fut laissé pour identifier leurs morts (un seul jour pour plus d'un millier de corps parfois méconnaissables), ainsi que l'expulsion des veuves hors des corons, mirent un comble au ressentiment. Lors des obsèques, organisées hâtivement, les corps étant ensevelis dans une fosse commune, l'ingénieur en chef et le directeur de la compagnie s'en furent sous les huées.

La révolte s'étend, débouche sur un vaste mouvement de grève dans lequel 40 000 mineurs sont engagés à la fin du mois de mars. Georges Clemenceau, ministre de l'Intérieur y voit « l'occasion de montrer son tempérament », comme l'a écrit Jean-Denis Bredin. Il harangue les grévistes à Lens et, ses appels au calme restant sans effet, fait venir 20 000 soldats et gendarmes pour réprimer l'émeute qui gagne tout le Nord et le Pas-de-Calais. Cependant, à Paris, la CGT brandit la menace d'un 1er mai musclé et le gouvernement doit encore faire appel à l'armée pour y garantir l'ordre, sans pouvoir éviter la multiplication des grèves.

C'est dans ce contexte de lutte sociale qu'est votée la loi sur le repos dominical, qui contribue à calmer les esprits. Clemenceau, quant à lui, succédera à Ferdinand Sarrien à la présidence du Conseil en octobre 1906.

H.B. monde&vie 14 janvier 2015 n°902

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