Une fois étant loin d’être coutume, il nous faut le temps de nous placer un instant dans le camp de la gauche radicale, ou plus largement dans le camp de ceux qui s’inquiètent des dérives autoritaires de l’Etat. Dans le viseur de cette proposition de loi des députés LREM Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergues, ce dernier étant l’ancien patron du RAID, les différentes dispositions visant à entraver le travail des journalistes mais surtout augmenter la capacité répressive d’un gouvernement aux abois. La disposition qui fait le plus débat concerne l’article 24 du texte.
Ce dernier vise à pénaliser l’usage « malveillant » d’images des forces de l’ordre. Selon l’article 24, la diffusion « du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme en intervention lorsque celle-ci a pour but de porter « atteinte à son intégrité physique ou psychique », sera punie d’un an de prison et d’une amende de 45 000 euros. Une disposition qui mobilise particulièrement la presse, en effet qui peut juger de l’intention de la personne qui filme ? Qui se prononcera sur l’intention de porter atteinte à l’intégrité psychique du policier ?
Que penser de policiers, remparts de la République dont il faut protéger la psyché d’actes aussi terribles que des photos ? Que penser de Gerald Darmanin invoquant le drame de Magnanville alors même que des données personnelles de milliers de policiers ont été piratées quelques mois auparavant et que ces derniers donnent leurs coordonnées à chaque changement de cartes grises depuis que l’Etat a délégué cela au privé ? Un privé toujours plus présent puisque cette loi prévoit de donner à des agents de sécurité privés des prérogatives de policiers nationaux ? Que penser d’un Etat qui sous-traite ses essentielles missions régaliennes au privé ? Que penser d’un Etat qui oublie la Justice, saborde l’Education et privatise la police mais qui va s’inquiéter de ce que vous mangez, comment vous vous chauffez et quel véhicule vous utilisez ?
Signalons au passage que de telles dispositions existent déjà dans la loi. En effet, il y a deux ans, une militante antifa connue sous le pseudo de « Marie Acab-Land » a été condamnée à dix sept mois de prison ferme pour avoir photographié les visages de policiers et les avoir jetés en pâture sur le web. Si de telles protections existent déjà, pourquoi ne pas les utiliser au lieu d’inventer de nouveaux arsenaux aux objectifs douteux ?
Outre le fait d’assister encore une fois à une débauche de mots creux de la part d’une majorité et d’un gouvernement trouvant plus commode de faire du battage autour d’une énième loi plutôt que d’avoir le courage de faire appliquer celle qui existe déjà ; on assiste également à une démonstration par A+B qu’on nous prend, nous citoyens, pour des jambons. En pleine crise sanitaire dont les conséquences s’avèrent intensément plus dramatiques que l’épidémie elle-même, en pleine crise de représentation politique, sociale, sécuritaire, judiciaire et j’en passe, le gouvernement resserre encore la vis de nos libertés publiques. Espérons que ce soit enfin celle de trop.
Etienne Defay
Article paru dans Présent daté du 18 novembre 2020
https://fr.novopress.info/219679/loi-de-securite-globale-attention-danger/
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