« Foutez-moi tout ce monde dehors ! » On connaît cette phrase martiale qu’aurait prononcée Joachim Murat, lors du coup d’État du 18 brumaire à Saint-Cloud où étaient réunis les Cinq Cents, ancêtres de nos députés d’aujourd’hui. L’Histoire bégaye mais ne se répète pas, Emmanuel Macron n’est pas Bonaparte et Olivier Véran n’est pas Murat. Cela se saurait.
Mardi soir, Olivier Véran a donc déboulé à l’Assemblée nationale, toutes affaires cessantes, pour intervenir dans le débat sur le prolongement de l’état d’urgence sanitaire. Etat d’urgence sanitaire qui a été prolongé jusqu’au 14 décembre seulement, et non jusqu’à la mi-février, comme le souhaitait le gouvernement, et ce, faute d’un assez grand nombre de députés LREM. Un petit camouflet pour le pouvoir. Le ministre de la Santé, qui revenait d’une visite au service de réanimation de l’hôpital de Corbeil-Essonnes, a évoqué le quotidien des soignants mais aussi le cas de ces malades, jeunes, dans le coma, intubés, en réanimation, qui lui ont été présentés. « C’est ça, la réalité, Mesdames et Messieurs les députés », s’est-il alors exclamé, alors que commençaient à monter les réactions sur les bans de l’opposition. Réaction, peut-être, pour dire : « Mais qu’avez-vous donc fait, Monsieur le Ministre, depuis six mois, pour que cette réalité ne survienne pas ? »
Alors, le ministre s’emporte, s’emballe, perd ses nerfs, pète les plombs : « Si vous ne voulez pas l’entendre, sortez d’ici. Elle est là, la réalité des hôpitaux, elle est là, la réalité des hôpitaux. » Du jamais-vu, jamais-entendu, dans cet Hémicycle, temple, paraît-il, de la souveraineté populaire. « Sortez d’ici ! » Comme un prof excédé qui vire les chahuteurs. On peut, bien évidemment, mettre ces paroles malheureuses sur le compte de la fatigue, de l’émotion aussi. De l’émotion sur laquelle le ministre a, peut-être, d’ailleurs, voulu jouer, surjouer. Je reviens du terrain, des tranchées, voilà ce que j’ai vu et vous ratiocinez pour deux petits mois d’état d’urgence sanitaire !
Au passage, on remarquera que lorsque Emmanuelle Ménard était intervenue, il y a quelques semaines, au sujet du rallongement du délai pour autoriser l’avortement, la bronca réprobatrice était montée, cette fois-là, dans les rangs de la majorité. Comme pour reprocher à la députée de l’Hérault de jouer sur l’émotion lorsqu’elle déclara : « Ouvrez une fenêtre Internet et allez voir à quoi ressemble un bébé de 14 semaines dans le ventre de sa mère. Visuellement parlant, c’est très frappant : c’est un bébé. » Elle aurait pu ajouter : « Elle est là, la réalité, elle est là, la réalité. » Comme quoi on a l’émotion sélective, dans ce pays. Que dirait-on d’ailleurs, d’un ministre de l’Intérieur ou de la Justice, revenant d’une scène d’horreur après un attentat islamiste, qui évoquerait ce qu’il vient de voir de ses yeux, et ce, pour justifier qu’on sorte de l’État de droit qui profite tant aux terroristes ? On qualifierait sans doute cela d’indécent. On a l’indécence sélective, dans ce pays.
« Sortez d’ici ! » Fatigue d’un ministre dépassé par les événements, parole malheureuse ? Ou confirmation du mépris dans lequel le pouvoir macroniste tient la représentation nationale ? Les Français jugeront. Ils leur appartiendra, du reste, le jour venu, de dire, à leur tour : « Sortez d’ici ! » Mieux : « Foutez-moi tout ce monde dehors… »
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