Au nom de l'idéologique égalitaire et sous couvert de lutte contre les discriminations, les idéologues de l'enseignement ont programmé la fin de la culture, de la connaissance et finalement de l'intelligence. La preuve par Sciences po...
« L’homme de l’avenir sera celui qui aura la plus longue mémoire », disait Nietzsche. Dans la chronique devenue presque quotidienne des coups portés au savoir et à la culture française, un fait retient tout particulièrement l'attention. Sciences po, un de ces objets qui sans voler bien haut n'ont jamais pu être vraiment identifiés, a annoncé dans le cadre de la réforme de sa procédure d'admission la suppression de l'épreuve de culture générale.
Cette mesure s'inscrivait dans une politique affichée de lutte contre les discriminations impulsée par son directeur bien connu, Richard Descoings. Constatant que le système scolaire français entraînait un phénomène de reproduction sociale, le prestigieux institut a fait depuis quelques années de la discrimination positive son cheval de bataille. L’objectif est d'introduire à Sciences po un tiers de boursiers, en nouant des partenariats avec des lycées de banlieue pour faciliter l'entrée d'élèves décrits comme particulièrement doués, mais dont le milieu social, familial et scolaire ne concourrait pas à l'épanouissement intellectuel.
La direction de l'institut aurait pu en rester là et attendre que la mesure produise ses effets. Mais il paraissait nécessaire à Richard Descoings d'accélérer la marche vers l'égalité réelle, quitte à faire passer par pertes et profits le rôle central de son institut dans la formation des élites intellectuelles, économiques et politiques de la France. L’élève de terminale ne sera donc plus aujourd'hui évalué sur sa culture générale et sa capacité de rédaction, mais sur des critères « d'intelligences », « d'intensité du parcours », de personnalité ou « d'engagement dans la vie associative, sportive, politique ou syndicale ».
Cette réforme soulève plusieurs graves questions. On peut d'abord s'interroger sur la subjectivité et la pertinence de tels critères. Peut-on sérieusement évaluer au cours d'un unique entretien la capacité de réflexion et l'autonomie d'un individu ? L’évaluation objective et anonyme des connaissances restreignait au moins la part d'arbitraire, que l'on peut imaginer infiniment plus grande dans l'appréciation d'une donnée très subjective la capacité orale à passer un concours. Par ailleurs, le fait d'avoir participé à maintes compétitions sportives, d'avoir contribué au bénéfice d'activités syndicales à une opération de blocage de son lycée ou d'avoir traîné dans d'obscures réunions politiques, ne qualifie pas forcément pour exercer des responsabilités dans l'administration ou dans une entreprise. On peut également s'interroger, au vu de la composition du bureau de cet institut, si une expérience militante dans une odieuse organisation prétendument « fascisante » sera aussi appréciée qu'un engagement au sein d'une officine de soutien à l'immigration clandestine.
Descoings, adepte de la table rase
Mais ce projet porte en lui quelque chose de beaucoup plus grave. Derrière le but affiché, au demeurant très louable, de résorber les inégalités générées par un système scolaire défaillant, se cache une haine du savoir et de la culture. En cessant d'évaluer les connaissances pour ne plus prendre en compte que la personnalité du candidat, Descoings s’est révélé comme un de ces adeptes de la table rase qui justifient leurs méfaits par la poursuite d'une lubie égalitaire.
Nombreux sont ceux qui, essentiellement à gauche ou à l'extrême gauche, voient la culture comme un objet de reproduction sociale qui, jalousement gardé par une élite soucieuse de transmettre son patrimoine, permettrait de pérenniser un système d'héritiers. C'est pour cela qu'un enseignement qualifié de bourgeois devait être combattu pour permettre l'émergence d'une éducation plus « novatrice ». C'est ainsi que les idées marxistes de Pierre Bourdieu ont inspiré toute une génération de professeurs et de pédagogues soucieux d'extraire de l’école républicaine sa mission d'instruction et de transmission de la connaissance.
Voilà deux ans, Valérie Pécresse, alors ministre de l'enseignement supérieur, avait repris à son compte cette analyse et exigé des grandes écoles qu'elles cessent de faire de la culture générale un moyen de sélection, toujours dans ce souci de lutte contre les discriminations - comme si l'ascension sociale n’avait pas été possible avant que l’on mette en place de telles mesures.
La France s'apprête donc à former des « élites » dépourvues de savoir et de mémoire. Considérant sans doute l'histoire comme un gadget ou un outil de discrimination, Richard Descoings l'a en effet reléguée au rang des disciplines secondaires. À l'heure du règne de l'immédiat, de l'échange, la conscience de l'historicité de l'homme et la connaissance de son passé paraissent bien incongrues.
Reste qu'une société qui oublie son histoire sous prétexte de rendre effectives certaines vues de l'esprit égalitaires, en arrive à détruire ce qui fonde sa propre cohésion. La seule injustice qui mérite aujourd'hui d'être combattue, c'est celle qui prive les jeunes générations du droit d'acquérir par l'école le legs du savoir et de la mémoire dont elles sont les héritières et dont l'absence obscurcit l'avenir - le leur et celui de toute la nation.
En voulant assouvir leurs rêves chimériques, les fossoyeurs de la culture et de identité de ce pays combattent en réalité l’intelligence.
Lucien Rabouille monde&vie 21 janvier 2012 n°854
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire