Depuis plusieurs semaines circule (dans les milieux autorisés) l’hypothèse selon laquelle Emmanuel Macron serait tenté de démissionner pour mieux se légitimer dans l’opinion à l’heure où la lutte contre les déficits va obliger à des arbitrages douloureux. Dans la pratique, on sent tous que, si le climat actuel dans l’opinion ne lui est pas favorable, il ne pourra aller qu’en se dégradant sous le poids des contraintes économiques. Attendre sagement 2022 pour se faire réélire ne coule donc pas de source, et il existe des arguments théoriquement valables pour provoquer un referendum dès 2021.
Les arguments qui plaident en faveur d’une élection anticipéeL’argument principal qui milite en faveur de cette prise de risque, c’est le calendrier des autres candidatures. En 2017, Emmanuel Macron était passé de peu au second tour, talonné par François Fillon. Structurellement, il pourrait cette fois, compte tenu de son impopularité, souffrir d’une candidature Bertrand ou autre, et connaître le même sort que Lionel Jospin en 2002.
Son intérêt objectif consiste donc à prendre de vitesse un éventuel candidat de droite, sachant que la gauche devrait aligner au moins quatre candidats (Mélenchon, Jadot, Montebourg et Hidalgo). Cette stratégie d’accélération a d’autant plus de sens que, économiquement, la situation de 2022 devrait être pire encore que celle de 2021. Il y a donc un risque moins grand à se présenter à l’élection maintenant plutôt qu’à la date prévue, en assumant un bilan dégradé et des candidats préparés et rodés.
Si ce genre d’hypothèses est toujours compliqué à trancher, deux signaux faibles laissent à penser que le Président n’a pas exclu (à défaut d’avoir choisi clairement) de la mettre en oeuvre au printemps.
Le signal faible de la réforme constitutionnellePremier signal faible qui laisse à penser qu’une démission prochaine pourrait avoir lieu : le calendrier de la réforme constitutionnelle avance. On sait désormais que le projet de loi intégrant la lutte contre le réchauffement climatique à la Constitution sera présenté le 10 février au Conseil des Ministres.
Cette présentation devrait ouvrir une séquence « écologique » qui permettra à Emmanuel Macron de ratisser à gauche et de se donner une image plus consensuelle. Ce projet sert évidemment des buts électoraux. Dans un premier temps, on avait pensé que le projet de loi serait déposé au deuxième semestre 2020. Le fait que sa discussion commence très rapidement montre que le Président veut s’ouvrir un nouveau couloir dans le quinquennat et qu’il veut se redonner de l’air sur sa gauche, en coalisant les bonnes volontés sur le thème du « monde d’après ».
On comprend implicitement que la campagne présidentielle devrait se faire sur le thème de la nature et de l’écologie, où il est plus facile de caresser l’opinion dans le sens du poil que sur la thème du redressement. Mais, tactiquement, Emmanuel Macron devrait chercher le plébiscite sur un programme fiscal et budgétaire traduisant la transition énergétique et écologique dans les chiffres, ce qui permettra de curiacer les réticences de droite.
Les députés LREM commencent discrètement leur campagneAutre signal faible : les députés LREM ont commencé leur campagne de terrain comme si les élections devaient arriver plus tôt que prévu. C’est notamment le cas du bien informé ex-sous-ministre Mounir Mahjoubi, qui arpentait le marché de la place des Fêtes, à Paris, ce dimanche, après trois ans et demi de brillante absence.
Pour le coup, ce signal peut être diversement interprété. Mais, dans l’hypothèse où cet ancien responsable de la plate-forme numérique d’En Marche aurait eu vent de quelques intrigues sous cap ourdies dans les allées du pouvoir, sa présence très surprenante sur un terrain qui l’a élu (et qui a infligé une défaite en rase campagne à sa majorité aux dernières municipales) constitue un élément d’éclairage supplémentaire.
Tout cela repose bien entendu, in fine, sur la capacité d’Emmanuel Macron à prendre une décision difficile et à s’y tenir. Et sur ce sujet, le Président n’a guère fait ses preuves.
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