mercredi 13 janvier 2021

Il faut poser des limites aux caprices des hommes... et des femmes ! (texte de 2019)

 Ludovine de La Rochère est responsable de la Manif pour tous. Elle est a l’origine de la manifestation du 5 octobre a Paris contre la PMA sans père.

Propos recueillis par l’abbé G. de Tanoüarn

Ludovine, vous êtes en pleine préparation du grand jour. Seule devant l’histoire en quelque sorte…

J’ai conscience de ma responsabilité mais je voudrais préciser que l’organisation est différente par rapport à la manifestation contre le mariage homosexuel. La Manif pour tous n’est qu’une des composantes du collectif Allons enfants, qui comprend une vingtaine d’associations, elles-mêmes très différentes les unes des autres. Quoi qu’il en soit, la mobilisation est là, les signaux nous en parviennent, si l’on parle en termes de réservation de cars, de trains, il est clair que la Province bouge. Les Franciliens eux se décideront au dernier moment, mais il y a beaucoup d’équipes militantes qui tractent et sont déjà sur le terrain en Ile-de-France.

Vous avez aussi une double prise de position, qui a ébranlé la correctness : l’archevêque de Parie, Mgr Aupetit a encourage tout le monde a se rendre a la manifestation du 5 octobre. Et l’Académie de médecine, de façon plus feutrée, s’est inquiétée à propos des enfants qui seraient conçus volontairement sans père...

Il y a beaucoup d’instances qui, comme l’Académie de médecine, ont pris position au titre de leurs compétences… Le doute s’installe du coup chez beaucoup de Français. Ce que nous disons depuis le début de cette affaire apparait de plus en plus comme le bon sens comment mettre deux mères sur un acte de naissance ? Comment utiliser la médecine non pas pour réparer les corps mais pour modifier le mode d’emploi de l’humain ? Comment réduire le pôle masculin à la simple mise a disposition des gamètes - parfois en faisant de ces gamètes l’objet d’une transaction ? Comme ne s’est pas gêné pour le dire Jean-Louis Touraine : « Il faut remercier l’altruisme en l’indemnisant ». Je crois vraiment que ce discours de marchandisation de l’humain passe de plus en plus mal dans l’opinion.

On vous a reproché votre slogan « Liberté, égalité, paternité » ?

Ceux qui nous le reprochent, de droite ou de gauche, voient dans la République une religion (à gauche pour nous reprocher le sacrilège qu'il y aurait à employer ces mots, ou bien à droite, pour nous dire que cette religion laïque, ils n’en veulent pas non plus). En réalité nous avons voulu montrer que ce n’est pas un petit nombre de personnes mais toute la société française qui est concernée par la naissance d’individus sans père. La PMA sans père est contraire à la liberté des enfants qui viennent au monde et auxquels on cache pour un temps ou définitivement l’identité de leur géniteur. Elle est évidemment contraire à l’égalité, entre ceux qui auront des pères et ceux qui n’auront aucune idée de leur géniteur. Elle est surtout contraire à la fraternité, parce que quand on fait l’économie de la paternité, on ne peut pas prétendre à une véritable fraternité. Pour qu’il y ait des frères et des sœurs, il faut qu’il y ait des pères et des mères ! La paternité (prise au moins comme l’image du père) est structurante biologiquement et culturellement. Il y a aussi dans cette idée de PMA sans père une lutte entre les sexes, qui déstabilise la société tout entière.

Pourquoi une lutte ?

Pour les féministes les plus emblématiques aujourd’hui, (Caroline Meccari ou Caroline de Haas par exemple), elles considèrent que c'est une libération pour les femmes d’être capables de faire des enfants par elles-mêmes, sans avoir recours à un homme mais simplement à une banque de sperme. Sous prétexte que la femme est une victime, au lieu d en appeler a des pères plus présents plus conscients, plus responsables, elles en appellent a moins de père et font en sorte de rendre la paternité facultative. Le message que l’on envoie aux jeunes hommes, c’est : ta paternité n’a pas d’importance, on n’en a rien à faire. Certaines sont ainsi dans une sorte de complexe de toute puissance maternelle, qui à l’évidence est malsain.

Qu’est-ce qui est en cause finalement dans cette affaire de PMA ?

Tout le monde comprend bien qu’un enfant sans père, naturellement cela n’existe pas. Cela ne peut pas ne pas avoir des conséquences sur l’avenir de l’enfant. Mais les gens se disent sans doute : cela ne me concerne pas, ne concerne pas mes enfants, mais simplement un petit nombre de personnes. Il faut pourtant savoir poser une limite face à la toute puissance de la technologie et cette limite c’est l’humain. Je ne dis pas que le ciel va nous tomber sur la tête si on légalise la PMA sans père. Mais on va entériner une violence faite à l’humain, qui en annonce bien d’autres, à commencer par les mères porteuses pour la GPA. On démolit la filiation en la modelant selon la volonté devenue toute puissante de deux mères. Si on met ainsi la médecine au service de désirs individuels, on n’a pas fini d’en voir ! Il faut poser des limites le plus vite possible à cette instrumentalisation de la médecine !

monde&vie 3 octobre 2019 n°976

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