Alain Finkielkraut a été viré « à l’américaine » de LCI. La même sanction, ni plus moins, que pour Olivier Duhamel. Comme si, en somme, les deux étaient supposés avoir commis les mêmes crimes et portaient les mêmes responsabilités. Daniel Cohn-Bendit, en revanche, est toujours là, fidèle à l’antenne, tout va très bien, merci pour lui.
On sent, chez LCI, une certaine fébrilité à laquelle n’est sans doute pas étrangère la longueur d’avance que vient de prendre CNews. « Faites chiant », disait Beuve-Méry, le fondateur du Monde à ses journalistes, parce que c’est gage de sérieux, mais l’époque est révolue. Le « chiant » – comme peut l’être un plateau sans (réelle) controverse – ne fait pas d’audience.
LCI résiste mal à la polémique. Surtout lorsque celle-ci touche des personnalités de droite. Qu’elle est bien pourtant obligée d’accueillir, puisqu’il paraît que cela fait le succès de CNews, et parce qu’il serait un peu voyant qu’il n’y en ait aucune. Mais la chaîne ressemble à une rosière qui fumerait son premier pétard : elle inspire un grand coup, trop fort – comme lorsqu’elle est convenue, avec la Convention de la droite, en octobre 2019, de diffuser en direct le discours de Zemmour – mais elle tousse et crache ses poumons ensuite : effrayée par les cris d’orfraie, elle annonce, contrite, dans Le Parisien, le 24 octobre 2019, « revoir ses castings d’intervenants » et se passer désormais de « ceux issus de publications comme L’Incorrect ou Boulevard Voltaire, proches de l’extrême droite ». Si L’Incorrect était co-organisateur de la Convention de la droite, que vient faire Boulevard Voltaire dans cette charrette ? On l’ignore. Il est coupable, c’est tout.
Suit, à l’automne dernier, l’affaire Obono contre Valeurs actuelles, signant le renvoi immédiat de Geoffroy Lejeune. Reste malgré tout le quatuor conservateur du Figaro, Guillaume Roquette, Yves Thréard, Vincent Trémollet de Villers et Alexandre Devecchio. Quant à Éric Brunet, il a été chargé, de son côté, de concurrencer Pascal Praud. Alain Finkielkraut fait aussi partie de la stratégie de « droitisation soft ». Jusqu’au scandale que l’on sait.
Mais derrière le piège tendu dans lequel LCI saute à pieds joints, il y a essentiellement un compte Twitter anonyme, « BalanceTonMédia », proche de l’ultra-gauche – il est abondamment relayé par le site Acrimed et des pages Facebook antifas. Comme les Sleeping Giants, il est le bras armé numérique de la gauche morale, mais dans un autre registre. Comme son nom l’indique, il « balance ». Il balance des journalistes, des politiques, il les livre à la hargne populaire 2.0 à front de taureau en isolant des extraits sortis de leur contexte, en publiant sur Twitter des vidéos tronquées propres à heurter l’internaute moyen, et qui seront relayées des centaines de milliers de fois de façon pavlovienne avec force insultes, émois nauséeux et adjectifs surjouant l’indignation : c’est abject, c’est honteux, c’est monstrueux, etc. C’est le retour du corbeau de Clouzot et des tricoteuses de la Révolution. On jette des pierres sur le pilori des réseaux sociaux. En avril dernier, le journaliste des « Grandes Gueules » Olivier Truchot, excédé, s’emportait : « Qui se planque derrière ce pseudo-BalanceTonMédia ? Un peu de courage, bas les masques ! » Loin d’en avoir honte, le compte a fait de ce tweet sa bannière.
Une vidéo tronquée de l’intervention d’Alain Finkielkraut postée sur BalanceTonMédia a été vue 1,2 million de fois. Il est sain, heureux, presque inespéré que, dans ce pays, reste encore l’ultime tabou de la pédophilie. Mais si l’on regarde in extenso son intervention, on s’aperçoit qu’Alain Finkielkraut ne l’a jamais minimisée. Les faits reprochés à Olivier Duhamel sont, selon lui, « très graves », « inexcusables », « abominables ». Ce n’est qu’ensuite qu’il fait ce distinguo du « consentement », qu’il n’invente pas puisqu’il existe dans la loi française : c’est par ce distinguo, plus que discutable, certes, que ce genre d’affaire sordide est parfois qualifié de « viol », parfois « d’atteinte sexuelle ».
En attendant, c’est, in fine, BalanceTonMédia qui fait la pluie et le beau temps sur LCI, comme l’ultra-gauche en général mène les médias.
Elisabeth Guillaume
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire