mercredi 7 avril 2021

28 novembre 1615 : Louis XIII épouse Anne d’Autriche, surprise de la Providence

 

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Cet article a été initialement publié pour l’excellent site de Liberté politique, à lire et soutenir.

Le 28 novembre 1615, le jeune Louis XIII épousait Anne d’Autriche. Un mariage pensé par Marie de Médicis pour contenir les puissants du Royaume. Régente à son tour, mère du futur Grand Roi, elle se souvint de la leçon. Bonne pioche !

IL Y AVAIT, dans le cœur du jeune Louis XIII, ce 25 novembre 1615 à Bordeaux, une sourde amertume. Il ne se mariait pas, on le mariait. Sa situation n’était guère différente de celle de tous ses prédécesseurs, jusqu’à son père, le Vert-Galant, que l’on avait marié à Marguerite de Valois en 1572, puis qui avait épousé Marie de Médicis par unique devoir d’État en 1600, lui préférant Henriette d’Entraigues dans le secret de son cœur.

Mais les épousailles organisées par la régente, Marie de Médicis, pour son fils, étaient d’une autre nature. Il s’agissait, pour elle, d’asseoir son pouvoir contre les grands princes de France, en introduisant à la cour la présence des souverains catholiques Habsbourg. C’était l’ennemi au cœur du Louvre, et dans le cœur de Louis XIII, « les ennemis de Papa », pour reprendre son expression.

Un prince abandonné

Lorsque, le vendredi 14 mai 1610, le corps ensanglanté d’Henri IV fut rapporté au Louvre, Louis XIII entra dans l’âge le plus sombre de son existence. À l’exclamation de la reine : « Mon Dieu le roi est mort », le chancelier Sillery répondit : « Sachez, Madame, qu’en France le roi ne meurt pas. Voici le roi de France ! » Le jeune roi avait neuf ans.

Mais pour lui, cela signifiait la régence, la mise sous tutelle. Sa mère lui préférait le duc d’Anjou, son deuxième fils. Elle négligea son éducation, le laissa entre les mains de précepteurs souvent indigents ou paillards. Si le jeune souverain était exposé au Parlement ou par les rues dans ses atours de drap d’or, une fois au château, on le ramenait à peu de choses. Le véritable maître de la cour était Concino Concini, favori de la reine, peut-être son amant, et l’épouse un peu sorcière de ce cupide intrigant, Léonora. Plus d’une fois, le roi eut à souffrir cette scène humiliante : traverser la galerie du Louvre entouré de deux ou trois compagnons, tandis que la foule des courtisans faisait cercle autour du conseiller, chapeaux bas, lui donnant du Monseigneur.

Le parti des princes

Face au parti de la reine, celui des princes, mené par les bâtards d’Henri IV et les princes du sang de la maison de France, donnait volontiers dans le populisme et les accointances avec le protestantisme, contre lequel, Concini et Marie de Médicis n’avaient rien trouvé de mieux que de convier l’ambassadeur d’Espagne jusqu’au conseil du roi…

Mais quoiqu’ il incarnât le parti patriotique, le prince de Condé était loin de son descendant, le grand vainqueur de Rocroi. On le connaissait pour un être sale, inculte, batailleur et vulgaire.

Au milieu de cette confusion de partis, Louis XIII, mal aimé, ne pouvait que se raccrocher à son favori, le comte de Luynes, gentilhomme maître de la fauconnerie, serviteur discret, personnage viril et séduisant. Luynes n’était pas un esprit politique, mais il était la figure d’homme dont le souverain avait besoin pour tenir bon.

Abandonné, il jouait du tambour et avec des chevaux de bois, sous l’œil rassuré des courtisans maîtres de l’État, soudainement affaibli. Ils étaient ainsi persuadés qu’ils gouverneraient longtemps avec ce roi fantoche.

Louis l’avoua plus tard : « J’ai souvent contrefait l’enfant. »

Pour survivre au milieu des complots, il cultivait l’art de la dissimulation et attendait que l’heure fût propice, ravalant ses larmes d’adolescent orphelin.

Un prince mal disposé

Dès 1610, il fut question de marier le roi. C’était un pion dans l’échiquier diplomatique de Concini. L’alliance Habsbourg renforcée par le mariage de Louis avec l’infante d’Espagne Anne et de sa sœur Élisabeth avec l’infant Philippe.

Le trouble politique était tel entre les factions présentes au gouvernement que la régente dut promettre de convoquer les états généraux et de marier son fils uniquement à leur issue. La réunion de cette assemblée, la dernière jusqu’en 1789, eut l’immense mérite de rassembler le tiers état autour du trône et de désarmer temporairement le parti des princes. En outre, il fit découvrir à la reine-mère les talents du jeune rapporteur pour le clergé, Mgr de Luçon, Armand Jean du Plessis de Richelieu.

Mais l’assemblée dispersée, on repassa au mariage.

Louis XIII était mal disposé pour cette union. Il refusait l’idée d’épouser la princesse d’une dynastie si souvent ennemie. À vrai dire, il refusait le fait même d’épouser. N’avait-il pas coutume de dire de sa sœur : « J’ai peur d’elle pour ce qu’elle est fille » ? Ce sentiment, il l’élargissait à toutes les femmes, sauf sa mère, pour laquelle il n’avait qu’affection et amour, qu’elle lui rendait pas une indifférence froide.

D’où lui venait ce besoin de l’amitié virile et ce dégoût pour le beau sexe ? D’après plusieurs de ses biographes et notamment le grand Philippe Erlanger, cette tournure d’esprit déviée pourrait s’expliquer par l’obligation dans laquelle fut le jeune dauphin de vivre au même logis que tous les bâtards de son père. En outre, celui-ci ne ménageait pas ses plaisanteries grivoises en présence du futur roi, et incitait telle ou telle jeune femme de l’entourage royal à lui apprendre les choses de la vie. Ajoutons à cela les paillardises roboratives des compagnons du Vert-galant, et il n’est plus besoin d’être grand clerc pour percevoir comment Louis XIII, esprit délicat et prude, a pu être traumatisé par la luxure paternelle. Les commérages de cour sur l’adultère entre Concini et Marie de Médicis a certainement renforcé cette aversion.

Une grande beauté

Lorsque l’infante Anne d’Autriche rencontra son fiancé, autant dire qu’elle n’avait que des handicaps, malgré sa grande beauté, sa taille fine, ses cheveux blonds, ses lèvres carmins, son teint de lait et ses yeux verts.

Les noces célébrées à Bordeaux furent un déploiement de faste comme rarement la royauté en avait connu, enchantant la nouvelle reine, par ailleurs séduite par le bel adolescent qu’on lui demandait de prendre pour mari.

Les deux époux allaient doucement sur leurs quinze ans. La politique ne les quittait pas d’un pouce, et le soir même de la cérémonie, le ménage royal dut valider son union par la consommation, rideaux du baldaquin tiré, deux nourrices tendant l’oreille, l’une espagnole, l’autre française, et devant rapporter les événements au gouvernement dès la chose faite, afin de s’assurer de l’indissolubilité des noces, et de l’avenir du royaume par l’accomplissement du devoir dynastique. Les nourrices prétendirent que Louis XIII avait accompli deux fois son devoir en deux heures et demi de temps. Les mauvaises langues firent courir le bruit qu’il n’était rien arrivé et que si Anne d’Autriche était devenue reine, elle était toujours fille.

La vérité fut qu’après cette nuit contrainte, le roi n’accorda plus à la reine sa femme que les visites exigées par le protocole.

Nous connaissons la suite. De cette mésentente dans le couple royal naquit une série d’incompréhensions qui firent un temps d’Anne d’Autriche l’agent de l’Angleterre et de l’Espagne. La disgrâce de Marie de Médicis et l’assassinat de Concini, par le capitaine des gardes du roi, en 1617, n’avaient rien arrangé, puisque c’étaient eux que l’on trouvait à l’origine du mariage.

La royauté sauvée

Il fallut tout le sens du devoir du roi, la ténacité de Richelieu, devenu entretemps principal ministre, et l’intelligence de la reine Anne, pour réunir le couple royal et obtenir, après cinq fausses couches, la naissance du petit Louis-Dieudonné.

La Providence, cependant, veillait sur la France. Cette princesse espagnole, que la politique ambitieuse et antipatriotique d’un conseiller italien amena à Paris, devint la plus française de nos reines.

Les hasards du règne la firent survivre, et de longtemps, à son royal époux. Confrontée à l’exercice du pouvoir, elle forma son fils Louis XIV à l’exercice du gouvernement comme rarement un roi de France le fut. Mazarin, à ses côtés, fut, en quelque sorte, l’anti-Concini. Cet Italien et cette Espagnole furent, à n’en point douter, que ce soit dans la France, au traité de Westphalie ou à celui des Pyrénées, les plus patriotes des Français.

L’ambition malsaine du couple Marie de Médicis-Concini imposa à un prince malheureux une épouse dont il ne voulait pas.

Ils donnèrent à la France sa plus grande régente ! Sans elle, le Grand Règne n’aurait simplement pas été.

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